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Carrosserie

“Si, auparavant, les agréments faisaient vivre un professionnel, ce n’est plus le cas aujourd’hui”

Publié le 21 mars 2013
Par Clotilde Chenevoy
7 min de lecture
Patrick Nardou a succédé à Jean Ravier à la tête de la FFC Réparateurs. Ses principales préoccupations restent similaires à celles de son prédécesseur, à savoir continuer de communiquer sur le libre choix du réparateur et utiliser la cession de créance pour se substituer aux agréments des assurances.
Patrick Nardou, président de la FFC Réparateurs

Pourquoi avoir pris la présidence de la FFC Réparateurs ?
Je suis un militant, adhérent à la FFC depuis 1984. J’ai ensuite été élu au conseil d’administration de la FFC Gironde. Et depuis 6 ans, j’en occupe la présidence. Par ailleurs, depuis 2009, je chapeaute également la région Aquitaine Poitou Charentes de la FFC Réparateurs. La profession a besoin d’être regroupée, de se rencontrer pour échanger sur les problématiques du secteur, et de s’organiser pour y répondre.

Parmi les projets de la FFC, lequel vous tient le plus à cœur ?
Le libre choix du consommateur ! Il faut continuer à faire passer le message. La loi nous aide. Avec le regroupement des compagnies d’assurances et la création de plates-formes de gestion de sinistres, les automobilistes se voient de plus en plus imposer un réparateur. Et derrière ces pratiques, on note une dérive économique, avec des tarifs tirés vers le bas. Le métier est attaqué de toutes parts, dès l’expertise, avec des temps de réparation insuffisants et des prix toujours plus bas. Les assureurs nous imposent même les achats fournisseurs. Ce dernier point rentre d’ailleurs dans les conditions pour obtenir un agrément d’assurances et/ou de plates-formes. Il est de plus en plus dur de négocier et les marges s’effritent. Nous devons reprendre les discussions avec les parlementaires. La précédente législature avait voté, en première lecture, un projet de loi rappelant le libre choix du consommateur, et les sénateurs l’ont amplifié en précisant que cette mention devait apparaître dans les contrats d’assurances.

Où en est le débat sur les pièces captives ?
Les constructeurs gardent le monopole de la pièce et, pour le moment, leur lobbying a eu raison de ce sujet. La situation des constructeurs français est suffisamment difficile pour que cette question soit remise à plus tard.

Où en est la commercialisation de l’étude réalisée avec Prodatacar ?
Ce recensement des entreprises de carrosseries nous a permis de nous doter d’un outil important. La commercialisation de ce fichier se déroule bien, et des entreprises se sont positionnées pour acquérir la base. Après, comme tout fichier, il a une durée de vie limitée et il faudra l’actualiser, ce qui est prévu.

Pour quelles raisons avez-vous changé la Charte de bonne conduite ?
Il était nécessaire de la faire évoluer pour encadrer de nouvelles pratiques. Par exemple, il était important d’inclure dans ce texte la pièce d’occasion. Cette charte, dès le départ, était prévue pour évoluer, afin de rester dans des discussions cadrées, notamment avec les experts.

Vous évoquez la pièce de réemploi. Est-ce une vraie opportunité ?
La pièce d’occasion existe, et les déconstructeurs ont su s’organiser en réseau pour la commercialiser. Nous ne sommes pas contre son usage, car donner une seconde vie à une pièce revêt un caractère écologique. D’autant que pour certains véhicules, dont le coût de la réparation peut dépasser la valeur du véhicule, la pièce d’occasion se trouve très intéressante pour l’automobiliste. En revanche, cette pratique doit être négociée entre carrossier et expert. Les marges doivent rester identiques à celles d’une pièce neuve. Cette opération ne peut se faire sur le dos des réparateurs, et toujours avec l’accord du client.

Le carrossier arrive-t-il à jouer un rôle de commerçant ?
Difficilement. Les carrossiers ne réalisent pas ou peu de prospection. Après, c’est aux réseaux en général qu’il revient d’apporter des outils pour développer une stratégie commerciale. Mais malheureusement, pour la plupart, ils ont perdu leur vocation commerciale initiale, sont entrés en guerre entre eux et ont succombé à une politique tarifaire plus agressive… La FFC a certainement aussi un rôle à jouer pour pousser les professionnels à conquérir de nouveaux clients. Nous mettons en avant depuis quelques années maintenant la cession de créance. Dans la région Aquitaine, que j’ai présidée, nous avons dispensé de nombreuses formations sur ce sujet. Cet outil juridique n’est pas nouveau, mais la fédération en a simplifié les démarches en créant son propre logiciel. Il s’agit d’une solution qui permet de remettre le client en face de son carrossier, puisque l’automobiliste mandate le professionnel pour la gestion de son sinistre jusqu’au règlement de la facture. Depuis que nous avons présenté cette solution à nos adhérents, nous constatons une augmentation sensible de cette pratique. La cession de créance intéresse tout particulièrement les professionnels voulant se débarrasser des agréments peu intéressants, ou ceux qui veulent regagner leur indépendance. Nous avons l’intention de reparler de ce sujet lors de réunions intersyndicales, et ainsi regarder ensemble comment nous pouvons généraliser la cession de créance. Cet outil renforce notre indépendance. Nous pourrions même envisager une communication intersyndicale sur ce thème.

Vous utilisez le mot indépendance, mais un carrossier peut-il aujourd’hui se passer des assureurs ?
Cela dépend du chef d’entreprise et de la taille de sa carrosserie. Quand un professionnel travaille à 70 % avec les agréments, cela semble effectivement compliqué. Mais il peut en revanche choisir de se concentrer sur les meilleurs, et laisser de côté ceux moins attractifs. Si, auparavant, les agréments faisaient vivre un professionnel, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous avons besoin des tarifs hors agréments. Nous avons déjà constaté le dépôt de bilan d’entreprises qui ne fonctionnaient qu’avec des accords avec les assureurs. Au final, avec ces agréments, le chiffre d’affaires ne vous appartient pas, et comme ces accords sont remis en cause tous les ans, il est impensable de se reposer uniquement sur eux.

Et dans tout cela, comment voyez-vous les experts ?
Leur rôle consiste à déterminer une procédure technique de réparation, dans un esprit contradictoire, entre le réparateur et l’assureur. Mais le métier a dérivé de sa fonction initiale, car l’expert se trouve missionné par l’assureur, et a donc davantage mandat pour négocier les tarifs que la procédure technique, et ce, parfois, au détriment de la qualité de la réparation. Et eux aussi doivent, pour conserver leur agrément avec les assureurs, maîtriser leur coût moyen de sinistre. Au final, leur approche est devenue plus financière que technique.

Où en est le débat sur la facturation des services, comme la voiture de courtoisie ?
Tous les assureurs n’acceptent pas de payer la voiture de courtoisie, et quand ils le font, ils le font rarement au bon prix. Ils sont très forts pour communiquer sur une multitude de services auprès des automobilistes, en les faisant financer par les réparateurs ! Pour eux, tout est inclus dans le tarif horaire. Le débat sur ce sujet est permanent, et nous sommes actuellement en médiation avec les principaux assureurs.

Les symposiums régionaux sont remis au goût du jour. Qu’apportent-ils aux professionnels ?
Lors de ces symposiums, les trois branches de la FFC vont à la rencontre de leurs adhérents en région, pour évoquer, devant un parterre de professionnels, adhérents ou non, les problématiques du secteur. Nous abordons également les actions entreprises et celles à venir. Ces symposiums étaient organisés il y a dix ans et nous les avons remis d’actualité. Nous ferons le tour de France en six dates, réparties entre mi-2012 et mi-2013. Bien évidemment, nous aimerions toujours avoir plus de monde, mais globalement, les carrossiers prennent le temps de venir nous rencontrer. Ils apprécient que le syndicat se déplace dans leur région.

2013 est l’année des salons. Qu’allez-vous organiser sur Equip Auto ?
Co-organisateur d’Equip Auto, la FFC considère ce salon comme incontournable pour les professionnels de la réparation carrosserie. Or, la FFC est dans une situation particulière : elle regroupe, d’une part, des adhérents équipementiers de la carrosserie, qui y exposent, et d’autre part, des adhérents carrossiers réparateurs qui en sont les visiteurs. Nouveauté cette année, la FFC est en train de concevoir un espace “atelier de carrosserie”, où seront présentées les plus récentes innovations technologiques. Par ailleurs, le Village carrosserie peinture (Hall 5) regroupera tous ses adhérents exposants (cabines de peinture, équipement lourd, produits, outillages…), organisés autour d’un espace FFC où est prévu un accueil pour tous les réparateurs, qui pourront ainsi rencontrer leurs équipementiers dans les meilleures conditions. L’étude typologique Prodatacar sera également présentée sur un espace spécifique du Village. Bien évidemment, nous avons en parallèle une très forte action de communication vers les équipementiers de la carrosserie et les carrossiers réparateurs.

Et comment se déroule la commercialisation de Solutrans ?
La commercialisation est en bonne voie avec la présence confirmée de tous les grands acteurs. Les sept constructeurs de VI y présenteront de très nombreuses nouveautés sur des surfaces en augmentation. Plusieurs constructeurs VUL ont aussi confirmé leur présence. Semi-remorques, carrossiers VI et VUL, équipementiers de la carrosserie construction se mobilisent également malgré une conjoncture difficile. Solutrans 2013 sera résolument placé sous le signe de l’innovation, avec les Prix de l’Innovation, l’Allée de l’innovation, l’espace des “acteurs de l’innovation”, les nombreuses conférences téléphoniques, la tenue du Truck and Bus World Forum, etc. Mais, surtout, la FFC peut se féliciter d’avoir réussi à fédérer tous les acteurs de cette filière autour de l’événement. En effet, la mise en place par Patrick Cholton, président de Solutrans, du comité d’orientation du salon a permis que tous se mobilisent autour de cet objectif commun de réussite.

Comment envisagez-vous le marché sur 2013 ?
Le marché enregistre depuis de nombreuses années une baisse sensible. Sur 2012, le secteur termine sur une tendance de - 5 %. Et l’économie restant morose, nous tablons sur un même schéma pour 2013. Dans un marché qui baisse, il y aura forcément des difficultés, et il devient important pour le carrossier de se diversifier, vers la mécanique s’il en a les compétences, ou vers une activité annexe comme le lavage. Pourquoi ne pas également se positionner sur les services pour les véhicules la location de véhicules électriques si, par exemple, une flotte VE se trouve à proximité. Il ne faut pas ignorer les nouvelles tendances. Sur 2013, nous comptons également regarder de près les conditions exigées pour les plates-formes de gestion de sinistres, comme Sferen. Nous resterons très vigilants quant aux dérives qui peuvent arriver, d’autant que beaucoup viennent de redéfinir leurs contrats et/ou ont dénoncé les agréments qu’ils avaient conclus. Nous tâcherons de bien informer nos adhérents pour les accompagner dans les potentiels renouvellements des accords.

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BIO EXPRESS

58 ans. Marié. Deux enfants.
En 1972, il obtient son CAP de carrossier réparateur. Il intègre ensuite la concession Renault de Libourne, dans laquelle il restera huit ans.
En 1980, à 25 ans, il a l’opportunité de racheter le fonds de commerce d’une agence Renault et y développe une carrosserie, à Rauzan, près de Libourne.
En 1986, il passe un brevet de maîtrise (remplacé par le bac pro) avec le CFA de Bordeaux.
En 2006, il rachète une agence Renault à Vayres, près de Libourne. Celle-ci est dirigée par son épouse. Ses deux enfants ont rejoint également l’entreprise familiale. Ainsi, sa fille s’occupe de la réception clients tandis que son fils gère la vente de VN et VO.

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