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Automechanika et nos chers groupements

Publié le 21 octobre 2014
Par Hervé Daigueperce
9 min de lecture
Même sur un grand salon international comme Automechanika, rumeurs et annonces se succèdent à un rythme effréné pour la plus grande joie – et inquiétude - des visiteurs professionnels.
Peu de stands de groupements de distributeurs sur Automechanika. Bientôt un hall dédié ?

Pour cette édition, plus qu’une autre, les groupements de distributeurs, nationaux et internationaux ont réussi à faire du bruit, sans étouffer celui des visiteurs venus de 71 pays mais en se faisant entendre. Bien sûr, le franco français donnait plus de voix que les autres mais, reconnaissons-le, essentiellement en se plaçant dans le sens de son internationalisation, de la consolidation et du changement de taille, inéluctable aujourd’hui. Lorsqu’en arrivant sur le salon, on apprenait que Bosch venait de racheter les 50 % de la co-entreprise qu’il partageait avec ZF Friedrichshafen, ajoutant 900 personnes à son personnel, et permettant à ce même ZF d’absorber l’américain TRW Automotive, pour constituer un nouveau mastodonte de l’équipement de 30 milliards d’euros, équivalent à Continental/Schaeffler (Bosch pesant plus de 46 milliards), on comprend pourquoi la distribution a besoin de se renforcer. Et cela commença en août avec Alliance Automotive Group…

En août, prépare la rentrée !

Une dépêche AFP, un communiqué de Blackstone et de Weinberg, cela commençait bizarrement, comme si cela ne nous concernait pas vraiment. Alliance Automotive Group venait de passer des mains de Weinberg Capital Partners à celles de Capital Investissements Blackstone. Le “Alliance” de Groupauto, de Précisium, de Partner’s, de TPA ? Celui-là même apprenait-on alors, tandis que confirmation nous était donnée que cela ne changeait rien quant au management et à l’actionnariat de Jean-Jacques Lafont, le président d’Alliance Automotive Group. Ouf ! Entre temps, le communiqué enthousiaste de Blackstone précisait que cela permettrait à Alliance d’assurer son développement à l’international, car ledit fonds d’investissement entendait bien donner un coup de main à ce petit groupe (valorisé quand même à 540 millions d’euros…), lui-même jouissant d’une capacité de 64 milliards de dollars de disponibilités.

A l’international ? On savait Jean-Jacques Lafont assidu au Royaume-Uni et à fond dans la croissance externe, mais était-ce bien de cela dont il s’agissait ? Automechanika se profilait, on allait savoir. En revanche, ce changement d’échelle n’avait rien de neutre pour qui voyait les grandes manœuvres se jouer du côté de deux nouveaux acteurs mais aussi des acteurs traditionnels, faisant croître les rumeurs avec dextérité. L’ADI invitait la presse à 7 h 30 pour annoncer une grande nouvelle… Fébriles étions-nous devenus.

7 h 30, comme une déception

Autodistribution International avait sorti le grand jeu et tous ses acteurs pour annoncer à la presse ébahie qu’il se liait d’amitié avec un Américain, un autre groupement, certes important, mais pas non plus le leader, afin de créer une co-entreprise nommée “1parts”, “destinée à développer des activités communes sur le marché des pièces de rechange automobiles”. L’ami américain, “appelé National Pronto Association” c’était bien mais bon, Temot International en a un depuis longtemps, et puis, ce n’était pas tant cela, on restait sur notre faim. Des rumeurs persistantes assuraient – juré-craché – que le rachat par LKQ d’Autodistribution France avait eu lieu, et là-dessus rien ! Pas un mot, que des bruits de moquette – ou de via mobile –. Pas un mot non plus sur le retour d’Olivier Van Ruymbeke, entr’aperçu lors du précédent CDA. Une visite d’amitié ou alors… Encore une rumeur que la conférence ne venait pas éclairer d’un jour nouveau. Pendant ce temps, aux Pays-Bas, Autodistribution était en souffrance, ayant perdu deux de ses gros adhérents, repris par LKQ (le même qui…) et en passe d’en perdre deux autres, acquis par un groupe de distribution hollandais. Mais ce LKQ, qu’est-ce qu’il cherche exactement ? En fait la même chose que Autodistribution ou Alliance, grandir en Europe, le plus vite possible avec les atouts les meilleurs. D’ailleurs, Peter Vanosmael, le patron de Van Heck pour la France et Bert Meeus, celui de Van Heck Interpieces Belgique passaient de stand en stand, le sourire aux lèvres, ne démentant rien, laissant entendre tout : “Nous avons comme mission de doubler le chiffre d’affaires chez Sator. Nos actionnaires ont la volonté d’être un grand acteur en Europe et cherchent à faire des acquisitions, peut-être en Allemagne, en Pologne, pas seulement en Belgique. La mission du groupe est simple, vendre de la pièce en volume et donc chercher des distributeurs qui voudraient bien faire de la croissance avec nous”. C’est vrai, que vu comme cela, rien d’étonnant. Sur la France, faut-il s’inquiéter ? “Certainement pas, assurent nos deux interlocuteurs, l’objectif du groupe n’étant pas de casser le marché mais bien de s’y intégrer, de s’adapter au marché et d’en adopter les codes”. C’est ainsi qu’ils assurent que chez eux, c’est bien plus simple “puisqu’on ne demande pas de frais de d’adhésion, de contribution”. Juste de vendre ? Et puis au détour de la conversation, on apprend que le concept Easy Diesel est lancé “pour aider les garagistes. Ce sont des modules de formation qui démarreront début novembre en partenariat avec les Business Partners”. En novembre, nous dit-on en annonçant aussi le lancement du réseau de garages… Sympa. Comme chez Nexus ? Bon, là on mélange et on n’a même pas évoqué IDLP sur la question du coup de main pour les diésélistes. Des adhésions potentielles à l’assoc ? On y revient, parce que, du coup, on ne sait rien de l’achat d’un français par LKQ… Et du côté de Temot International, ça ne bronche pas, quelques départs ayant bousculé le petit ordre établi. Pas mieux chez ATR, agité en interne. C’est vrai aussi que la rumeur de la vente de l’Allemand Trost venait de couvrir ces voix discordantes.

L’Allemagne aussi ?

Trost avait des soucis, eh oui, les géants allemands ont aussi leurs petits déboires. Et voilà qu’on apprend que LKQ serait sur le coup mais qu’en embuscade se tiendrait Alliance Automotive Group, voire aussi un groupe suisse. Alliance, cela aurait sonné comme une plaisanterie si son ami américain à lui n’avait pas beaucoup de sous. Bon, en attendant l’annonce, il se passait quelque chose de plus proche de nous. Après le rachat de Pops, le distributeur peinture qui officialisait le désir d’IDLP de professionnaliser cette branche au sein du groupe, il était question d’une autre nouvelle devant éclore sur Automechanika. Déjà l’on parlait d’un réseau de diésélistes, juste émanation de l’association Diéséliste de France (plus de 100 membres actuellement) ou encore d’un ralliement auprès de Nexus International ? Pas de Nexus France, pas encore créé officiellement (notons-le bien). Il faudra attendre le retour pour apprendre le départ d’IDLP de Précisium Group. Un coup dur pour Alliance (qui s’en remettra vite après quelques acquisitions…), mais un pavé dans la mare hexagonale. Ne se retrouvant pas dans un grand groupe aux mains de financiers, IDLP avait envie de vivre sa vie en tant qu’indépendant. Avec sa taille et son réseau, cela avait du sens mais allait à contre-courant des autres. Est-ce juste un départ pour rejoindre une autre organisation ou seulement l’expression d’une volonté d’exister par soi-même ? L’avenir nous le dira. Du côté de Nexus International, un moment envisagé comme terre d’élection pour IDLP, pas de commentaire. Gaël Escribe, le patron de NI, se contentant de commenter son avancement rapide en Europe comme au Moyen Orient et en Afrique : “Nous allons très vite mais nous contrôlons la vitesse. En ce moment, nous structurons l’organisation interne, les achats, le lancement du réseau de garages. Nous aurons nos 40 membres à la fin de l’année et poursuivons la création des organisations locales comme en Turquie et en Italie”. Et dans les 40 membres, de la place pour des Français ? Pas de réponse, ni sur IDLP, ni sur Laurent, un temps évoqué (toujours sur la Via mobile, bien entendu). En revanche, bientôt, plein de nouveautés, le réseau, pour commencer, une marque propre ensuite, des amis lointains encore, puis des appels d’offres internationaux, etc. Bref du côté de Nexus International, pas de répit et pas question de dire que le groupe reçoit les déçus des autres groupements, la base ayant été constituée de groupes non encartés et sur les 40, on en compterait que deux qui auraient quitté un groupement pour les rejoindre. Il reste encore bien des poissons dans la mer de la distribution mondiale… Il faut bien clore et deux bonnes nouvelles viennent d’arriver pour nous petits Français, à commencer par un congrès particulièrement réussi d’Autodistribution, mené de mains de maître par Stéphane Antiglio et Laurent Desrouffet, acclamés par les réseaux. Et poursuivi par la nomination de Florence Galisson à la tête de Précisium Groupe, sa maison, dont elle connaît chaque recoin et surtout chaque occupant. Une grande professionnelle récompensée, cela fait toujours plaisir. Ce n’est pas tout mais il faut donner la parole aux équipementiers qui voient dans toutes ces mouvements, ces concentrations, des adversaires, pardon, des grands comptes se former. Qu’en pensent-ils ? Toutes les réactions ci-dessous.

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COMMENT GÉREZ-VOUS LES MOUVEMENTS DE CONSOLIDATION DES GROUPEMENTS ?

Damien Germès, directeur exécutif de la rechange indépendante, NGK Spark Plugs Europe
La concentration de la distribution représente l’un des prochains enjeux de l’après-vente automobile, mais ne représente pas un risque. NGK est une marque forte et premium, et nous devrons simplement harmoniser nos conditions commerciales. Toutefois, nous n’avons pas de fortes disparités. Quant aux nouveaux entrants, comme Nexus, nous attendons de voir quelle valeur ajoutée ils apportent. Concernant 1 Parts, ce nouveau niveau d’organisation nous demandera d’ajuster notre organigramme interne afin de disposer d’un interlocuteur monde.

Vivek Palta, vice-président EMEA, Delphi Product & Service Solutions
Nous entretenons des relations cordiales avec l’ensemble des groupements internationaux, mais beaucoup de décisions restent prises au niveau local, avec les partenaires du pays, selon leur valeur ajoutée. Si on se focalise trop sur le plus haut niveau d’une organisation, on perd la vision du terrain et des particularités des marchés.

Olivier Legrand, vice-président Aftermarket EMEA, Federal-Mogul Motorparts
Ces concentrations vont dans le sens de l’histoire. Elles permettent de professionnaliser le métier. Certes il y aura davantage de pression sur les marges, mais la mise en place de ces organisations aidera également à travailler de manière plus efficace, et ainsi à faire baisser des coûts, notamment sur la supply chain ou encore le marketing. Et dans tous les cas, nous regardons les différentes valeurs ajoutées d’une organisation avant de travailler avec elle.

Win Goossens, directeur marketing aftermarket, Gates Europe
Ce phénomène a déjà eu lieu dans d’autres professions, et il reste difficile de savoir si cette vague de consolidation, qui devrait continuer, sera un succès. In fine, c’est le garagiste qui décide et les ventes passent donc par le terrain. Le service de proximité fera la différence. Cependant, ces concentrations permettent d’atteindre une certaine expertise et nous permettent de travailler avec des experts, et non plus des professionnels. Les indépendants doivent encore se former et se développer.

Bruno Gauthier, directeur commercial aftermarket monde, NTN-SNR
Nous tentons de faire notre travail de base, un peu en dehors de ces mouvements. Si on se fige sur des évolutions que nous ne maîtrisons pas, nous pouvons tout gagner ou tout perdre. Nous travaillons donc avec les distributeurs des groupements, pour leur vendre nos produits et notre savoir-faire, et notre présence. La seule incertitude que nous avons porte sur la logistique, puisque cela peut changer de lieu, de société, etc. Après, nous n’avons pas besoin d’être partout, nous sommes dans une chasse à la performance et il convient de regarder la valeur ajoutée. On ne peut commissionner des groupes sans valeur ajoutée. De plus, si nous sommes partout, il s’exerce une sorte d’auto-concurrence qui conduit à une baisse des marges. Nous restons sur une distribution sélective, et cette position se révèle parfois difficile à gérer avec les groupements. Plus globalement, distributeurs, plates-formes ou équipementiers, tout se concentre, suivant une démarche et un raisonnement financier et on se demande ce que devient le client dans tout cela.

Eric Malavasi, directeur aftermarket monde, NTN-SNR
Ces mouvements de consolidation correspondent à une tendance du marché européen, cela a déjà été fait dans le domaine du bricolage et cela arrive dans la pièce automobile comme on l’a vu il y a quelques années aux Etats-Unis. Nous y voyons des avantages et des inconvénients et surtout des exigences fortes qui nous confortent dans notre position de leader technologique. Pour pouvoir satisfaire les grands acteurs comme les constructeurs en amont, et les grands groupes de distribution, en aval, il faut être capable de les suivre en logistique et en services, sur tous les marchés. Cela diminue le nombre d’acteurs en présence et accroît nos positions.

Alex Gelbcke, vice-président aftermarket EMEA, groupe Tenneco
Ces opérations ont du sens sur le marché. Le métier devient de plus en plus complexe et rester un acteur isolé reste difficile. Il faut atteindre une taille critique afin de réaliser des économies d’échelle. Dans le groupe, nous avons l’habitude de travailler avec des acteurs importants. Plus le client se révèle gros, plus il compte sur un prestataire fiable, avec des marques solides. Toutefois, Tenneco, avec Walker et Monroe, se trouve homologué auprès de tous les groupements mais nous ne travaillons pas avec tous les distributeurs. Il convient de respecter une logique de marché, et d’éviter une surdiffusion.

Uwe Thomas, président de la division ­aftermarket automotive, groupe Bosch
Face à la concentration des grands équipementiers, les groupements d’achat, de distribution vont naturellement et automatiquement se concentrer eux aussi. C’est quelque chose de très normal et qui va déboucher sur un équilibre entre les équipementiers et leurs clients directs. Au final, ce sera toujours le propriétaire du véhicule ou d’une flotte qui dira si ce qui est proposé s’avère une solution attractive. Notre exigence, donc, consiste à toujours être numéro un ou deux tant en technologie qu’en présence globale.

Philippe Baudin, président de Schaeffler ­aftermarket France
La consolidation en soi est un phénomène logique plutôt positif et qui a du sens. Il semblerait que deux grands groupes, en France, ce ne soit pas assez ou, plutôt, parce que la nature a horreur du vide, il serait nécessaire d’avoir plus de deux grands acteurs pour qu’un marché soit pérenne ! Nexus ou un autre prendra logiquement la place d’un troisième grand groupement pour combler ce vide.

Rainer Martsfeld, président de Corteco
Après les grandes industries, ce sont les groupes de distribution qui se concentrent, suivant d’ailleurs ce qu’ont fait les Américains il y a 10 ans. Les rachats d’ECP ou de Trost entrent dans cette dynamique, par exemple. Dans nos économies, ces concentrations apparaissent naturelles et, pour nous, ce n’est pas grave de voir ces mutations arriver et d’accepter les changements. A nous d’être flexibles pour y répondre rapidement et efficacement.

Menno Schönlank, directeur général Valeo Service, Europe du Nord – Benelux
En 25 ans, je n’ai jamais vu une période où les choses s’accélèrent aussi vite. Je ne considère pas cela comme une gêne, plutôt comme un challenge. Et il devrait y avoir une optimisation de la chaîne.

 

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