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Batteries : plutôt prévenir que guérir

Publié le 21 septembre 2015
Par Romain Baly
4 min de lecture
Globalement bien portant, le secteur de la batterie se trouve pourtant confronté à un vrai problème de fond : face à une technologie en pleine évolution, le savoir-faire des réparateurs ne suit pas et tous les acteurs tirent à présent la sonnette d’alarme.
Globalement bien portant, le secteur de la batterie se trouve pourtant confronté à un vrai problème de fond : face à une technologie en pleine évolution, le savoir-faire des réparateurs ne suit pas et tous les acteurs tirent à présent la sonnette d’alarme.

Soucieux de trouver un brin d’air frais, une bouteille d’eau ou un ventilateur, nous n’avons pas fait attention à eux. Le sourire au coin des lèvres, ils étaient pourtant bien les seuls à subir avec délectation cet épisode caniculaire vécu en juillet dernier. Eux ? Oui, mais eux qui ? Les marchands de glaces peut-être ? Que nenni ! On parle ici des vendeurs de batteries. Ceux-là mêmes qui se réjouiront à nouveau l’hiver prochain en cas de températures rigoureuses. Si ce marché n’est pas l’unique domaine de l’après-vente à être intimement lié aux conditions climatiques, celui-ci plus que d’autres adore voir le chaud et le froid faire cause commune. Et jusqu’à preuve du contraire, les extrêmes lui rendent plutôt la tâche facile. Hormis un hiver 2014/2015 plutôt tempéré, les dernières années ont permis à la batterie de vivre correctement. Aujourd’hui, ses principaux acteurs ne font d’ailleurs pas la fine bouche face à un marché qu’ils estiment unanimement stabilisé aux alentours de six millions de pièces. Un résultat neutre qui permet malgré tout à chacun d’avancer un bilan annuel positif. Et rien ne laisse penser le contraire. A l’inverse d’autres domaines, la batterie vit, en effet, une période particulièrement faste sur le plan technologique. Ce faisant, le nouveau mix produits permet à chacun – fabricant ou distributeur – de réaliser des marges intéressantes. Loin d’être une finalité, ce résultat s’avère d’autant plus positif que ce marché, bien qu’étant l’un des plus reconnus du grand public, demeure essentiellement guidé par le prix. “Dans l’esprit des gens, une batterie permet avant tout de faire démarrer le véhicule. Peu importe comment, peu importe avec quelle technologie. Le prix reste le principal critère d’achat. C’est pour cela que la batterie s’avère difficilement valorisable”, explique Serge Prud’homme, directeur général de Littoral Batteries.

Un manque de connaissance criant

Ainsi, rares sont les automobilistes à savoir ce que cache réellement le marché de la batterie. Derrière le produit classique, on retrouve désormais principalement des modèles sur-ampérés et deux gammes – EFB et AGM – destinées aux véhicules équipés d’un système Stop & Start. Une évolution offrant à chacun de nouvelles opportunités de croissance, mais qui laisse place, en réalité, à un vent d’inquiétude. De quoi rendre fou bien des secteurs qui se cherchent des volumes ou des idées pour se renouveler. Blague à part, aussi unanimement qu’à propos de l’état du marché, tous s’accordent sur le manque de formation criant des professionnels de l’automobile face à toutes ces nouvelles technologies. L’innovation aurait donc eu raison de leur savoir-faire ? L’explication de ce retard est en réalité beaucoup plus profonde. Depuis plusieurs décennies, en effet, la société de grande consommation allant en s’accroissant, la batterie se trouve très largement distribuée en libre-service, reste à chacun de s’occuper de son installation. Dans les ateliers, l’activité s’est peu à peu réduite, laissant les garagistes à leurs vieux réflexes. Directeur des ventes d’Exide, Arnaud Lesud confie une expérience réalisée récemment par ses équipes : “Il y a quelques mois de cela, nous avons souhaité prendre ce problème à bras-le-corps. Nous avons appelé plusieurs réparateurs de manière anonyme pour leur demander quelle batterie convenait sur un véhicule de telle marque équipée d’un Stop & Start. Neuf fois sur dix, la réponse n’était pas la bonne et notre interlocuteur nous annonçait la référence d’une batterie standard. Cette expérience est symptomatique du manque de connaissance des professionnels au sujet de cette technologie.

De plus en plus vitale

Cette anecdote pourrait prêter à sourire si cette “pile” n’était pas devenue, au fil du temps, vitale au bon fonctionnement des véhicules, aussi bien sur le plan électronique que mécanique. Il n’est ainsi pas rare qu’un dysfonctionnement provienne directement d’un souci de batterie. Effet pervers assuré. “Quand on en discute autour de nous, il est courant d’entendre qu’un client a rencontré tel ou tel souci. Premier réflexe, il se dit que sa voiture a un problème d’ordre plutôt mécanique. En regardant de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas la bonne batterie qui a été installée ou alors que c’est une batterie de trop faible puissance, entravant le bon fonctionnement d’un élément”, étaye Jérôme Habsieger, responsable commercial de Steco Power. Loin de se défiler, ce dernier rejoint ses confrères sur les efforts à mener pour former et, plus globalement, pour accompagner les professionnels dans cette intense période d’innovation. Pour Cédric Jorant, directeur des ventes aftermarket France de Johnson Controls, maison mère notamment de la marque Varta, la situation mérite que l’on s’y intéresse, mais n’est pas encore alarmante : “En 2015, 75 % des véhicules neufs devraient être équipés d’un Stop & Start, ce qui laisse une marge pour le marché de l’après-vente. Le véritable enjeu se situe plutôt aux alentours de 2020, moment où l’on devrait dénombrer sur le marché environ 20 % de batteries dédiées à cette technologie.” Si rien ne presse, l’enjeu demeure bien réel, d’autant plus qu’une autre donnée risque de considérablement bousculer les choses. Par le biais de l’innovation, c’est tout un écosystème propre à la batterie qui risque d’être prochainement revu. Plus complexe, mais aussi de moins en moins accessible, cet élément devrait à l’avenir ne plus être à la portée de tous.

Retour à l’atelier

Il semblerait donc que nous soyons à l’aube d’une révolution d’envergure où le “do-it” verrait son avenir s’obscurcir. Comme expliqué dans l’entretien qu’il nous a accordé (voir par ailleurs), Jérôme Habsieger estime de son côté que “l’évolution technologique faisant, les véhicules vont nécessiter de plus en plus l’intervention d’un réparateur, notamment avec des outils de maintien de charge qui vont permettre de ne pas perdre les données GPS, celles de l’ordinateur de bord ou du calculateur”. Ce qui pose de fait un sérieux problème à chacun. Sur un marché guidé par le prix, comment conjuguer cette tendance avec les habitudes des automobilistes ? En réalité, ces derniers n’auront, tôt ou tard, plus le choix. Déjà entrevus ci ou là, les forfaits batteries risquent fort de se multiplier. Président du fabricant roumain Rombat, Urbain Chassaing prévient : “La méconnaissance globale de la technologie fait que le client ne comprendra pas cette hausse des prix si nous ne faisons rien. Il est important que nous accompagnions correctement cette démarche.” “Plus que d’expliquer les choses, il faut que les techniciens se réapproprient la batterie, note de son côté Cédric Jorant. Il faut qu’ils adoptent une démarche préventive. Il devient à présent inconcevable de laisser un automobiliste prendre la route avec une batterie vieillissante qui risquerait de l’immobiliser n’importe où.” Pour tous, les enjeux semblent donc multiples et les efforts à réaliser conséquents. En cas de réussite, l’avenir pourrait bien sourire à tous ces acteurs. “Le marché évolue et les ventes tourneront toujours plus autour du professionnel. S’attaquer aux changements dès à présent, c’est se donner l’opportunité de voir l’automobiliste se rendre chez un indépendant plutôt que chez son concessionnaire”, souligne, quant à elle, Elodie Evrard, chef de produits batteries et éclairages de Bosch France. Bien portant, le marché de la batterie possède toutes les cartes pour réussir son pari. Et faire des étincelles à l’avenir. 
 

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