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“Bridgestone vise le leadership dans tous les pays d’Europe d’ici 10 ans”

Publié le 8 janvier 2015
Par Frédéric Richard
4 min de lecture
Le numéro un mondial du pneumatique souffre d’un manque de notoriété en Europe, principalement dû à l’omniprésence de manufacturiers locaux, souvent indétrônables sur leur marché nourricier. Pourtant, le Japonais veut trouver sa place et nous présente sa stratégie pour parvenir à ses fins.
Laurent Dartoux, senior vice-president Sales & Marketing de Bridgestone Europe et Benoît Raulin, directeur général France et Benelux de Bridgestone Europe.

Quelle est pour vous la photographie du marché français ?

LAURENT DARTOUX. Aujourd’hui, nous enregistrons 15 % de PDM en France. Michelin réalise un peu plus du double, puis les autres, assez proches les uns des autres, se partagent le reste du gâteau. En revanche, Bridgestone présente la particularité de réaliser ses ventes en majorité sur le segment Premium (60 % environ), tandis que d’autres acteurs, par exemple, vendent énormément de marques de troisième niveau. Nous ne faisons que très peu d’entrée de gamme et voulons rester fidèles à cette ligne de conduite, qui consiste à fournir uniquement de la qualité haut de gamme.
Aujourd’hui, un certain nombre d’acteurs nous posent des inquiétudes sur la sécurité, même en France. Il y a même quelques marques, disons exotiques, venant d’Asie du Sud-Est, qui ne répondent pas à un certain nombre de critères de sécurité de base. L’équation qualité + prix attractif n’est pas si évidente à résoudre.

Comment un manufacturier Premium peut-il se battre sur un marché européen où les exotiques arrivent en nombre, mis en avant par les pure players du Net ?

BENOIT RAULIN. Je tiens à souligner que la France fait partie des marchés relativement préservés à ce niveau par rapport à d’autres contrées en Europe. Selon les données Europol, la part de marché des marques dites exotiques n’excède pas 10 % aujourd’hui et reste stable, tandis que d’autres marchés sont à 25 %. Il est apparu une sorte d’emballement au départ dans la distribution, en raison de leur agressivité tarifaire, mais en fait, les consommateurs sont finalement revenus vers les Premium ou les secondes marques, quand ils ont compris qu’ils ne s’y retrouvaient pas en termes de durabilité ou de tenue de route. Les tests indépendants ont fait état de résultats catastrophiques sur certains pneus venus de très loin, avec des distances de freinage supérieures de l’ordre de 12 mètres par rapport à des produits Premium.
Enfin, il faut aussi reconnaître que les manufacturiers établis sont parvenus à réduire significativement les écarts de prix, en proposant une offre de troisième niveau, qui a quasiment éradiqué le développement des pneus chinois.

LD. Je compléterais en disant que notre valeur ajoutée passe également et évidemment par l’innovation et la capacité en R&D. Sans oublier, bien entendu, le référencement première monte. Les exigences des constructeurs ne font qu’augmenter et les efforts en R&D permettent de garder une longueur d’avance. Une voiture sur six est équipée par Bridgestone à ce jour.

L’Europe se positionne clairement comme le marché le moins évident pour Bridgestone, quelle est votre stratégie de développement pour tenter d’obtenir une place plus conforme à vos attentes ?

LD. La notoriété de Bridgestone est bonne, mais il est vrai que, face à Michelin en France par exemple, c’est plus compliqué qu’ailleurs, comme pour les autres acteurs, d’ailleurs. Toutefois, nous avons les mêmes problématiques en Italie avec Pirelli, ou en Allemagne avec Continental. L’Europe se montre ainsi particulièrement complexe à gérer, en raison de cet ancrage local des marques. Mais, bien souvent, hors de leurs marchés locaux, ces concurrents apparaissent plus faibles. Donc, notre premier fer de lance est de faire connaître et progresser l’image de la marque dans l’ensemble des pays européens. Nous misons, par exemple, sur un gros programme de sponsoring, puisque Bridgestone sera partenaire des Jeux olympiques de 2017 jusqu’à 2024. C’est un investissement colossal pour le groupe. Par ailleurs, nous avons choisi de déployer des messages de sécurité, via des campagnes de communication (Print, TV, réseaux sociaux) en Allemagne, Italie, Pologne, Espagne, France et Angleterre, qui toucheront 70 % de la population européenne d’ici la fin de l’année. En France plus particulièrement, c’est un effort sans précédent.

Une communication qui tombe à point nommé pour occuper le terrain médiatique tandis que Continental est en train de lancer son propre réseau de pneumaticiens…

BR. Vous savez, les points de vente qui vont passer sous l’égide de Continental existaient déjà sous d’autres couleurs. A ce titre, le bouleversement concurrentiel annoncé doit être tempéré. Continental rattrape en quelque sorte son retard en la matière. Pour notre part, nous bénéficions déjà d’un réseau en place, First Stop, qui regroupe plus de 300 magasins, dont une centaine en propre, et qui croît chaque année. Entre début 2013 et aujourd’hui, nous avons ouvert près de 70 sites supplémentaires, soit près de 20 % de croissance, qui nous ont permis de dépasser d’autres enseignes comme Vulco, Eurotyre ou Siligom. First Stop représente actuellement une très forte part dans nos ventes, pour le marché français.

Que vous inspire le passage sous tutelle de l’Etat du système de collecte et de valorisation des pneumatiques ?

BR. Je suis administrateur d’Aliapur depuis sa création. Et j’estime que cette filière fonctionne à merveille, en l’état. C’est même, à mon sens, une filière modèle au sens large, puisque l’équivalent en volume des pneumatiques mis sur le marché est collecté l’année suivante de manière très professionnelle, avec des gens formés, sanctionnés par des diplômes. Le marché s’est vu très assaini en dix ans. J’ai du mal à comprendre les raisons qui poussent les pouvoirs publics à vouloir mettre sous tutelle l’ensemble des filières de recyclage, y compris Aliapur et FRP. Cela va alourdir la machine et engendrer des coûts importants, qui seront payés, in fine, par le consommateur. Quand nous avons formé Aliapur, la contribution par pneu était de 2,20 euros. Aujourd’hui, elle est de 1,25 euro HT, et tant qu’Aliapur fonctionnera dans le même schéma, nous avions pour ambition de faire descendre ces prix pour faire bénéficier au consommateur des avancées de la filière de traitement et valorisation. Mais la situation pourrait changer, en raison de ces rigidités inutiles qui vont nous impacter et ajouter des coûts à la filière, sans rien apporter de plus. Le décret a, pour l’heure, été repoussé jusqu’en 2020, car les pouvoirs publics ont compris qu’ils étaient peut-être allés un peu vite en besogne.

Quel bilan tirez-vous de l’étiquetage des pneumatiques ?

BR. Je pense que la direction prise est la bonne. Même si cela reste complexe à gérer pour le pneumatique. En effet, ce produit se caractérise par de nombreuses données, dont on n’isole que trois paramètres pour afficher une photographie globale des performances. Pour autant, je suis convaincu que c’est un bon moyen de sensibiliser le réparateur sur le fait que non, tous les pneus ne se valent pas, et que les différences de tarif se justifient. Maintenant, l’étiquetage reste simpliste et pas très lisible. Et il faudrait un organisme efficace pour valider les notes que s’attribuent les uns et les autres.
 

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