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Des contradictions dans la filtration

Publié le 11 juin 2015
Par Romain Baly
5 min de lecture
Vivant une intense phase de renouvellement technologique et commercial, le marché de la filtration présente des résultats assez hétérogènes et se perd entre satisfaction et déception. Alors, où en est-il vraiment ?
Malgré une très nette hausse des ventes en 2014, le potentiel de croissance des filtres d’habitacle demeure important à en croire les principaux intéressés.

Ils l’avaient unanimement imaginée porteuse après un exercice 2013 déjà de haute volée et, pourtant, les acteurs du marché de la filtration ne semblent plus aussi sûrs d’eux à l’heure de faire le bilan de l’année 2014. D’ailleurs, chercher à dégager une tendance générale à l’écoute des avis de chacun relèverait à effectuer un triple lutz piqué avec une jambe dans le plâtre. Chute assurée ! Impossible pour autant de leur jeter la pierre. La filtration a ceci de particulier qu’elle demeure l’une des familles de produits les plus complexes de l’industrie automobile. Aux multiples types de filtres existants, s’ajoute une liste non moins exhaustive de variantes, possédant leur propre technologie, leur propre rythme de renouvellement, tout en étant soumises à un intérêt très variable du marché. Dès lors que les curseurs varient significativement entre tous, comme ce fut le cas en 2014, il devient quasiment impossible de se montrer catégorique quant à la santé, bonne ou mauvaise, du marché de la filtration. Une sensation confirmée par Michel Camillo, Area Manager d’UFI Filter, qui affirme ainsi qu’il est “très difficile de se projeter sur ce marché car celui-ci est assez instable selon les familles. Certains tentent de nouvelles choses et apportent de l’innovation avec des résultats variables. De notre côté, nous considérons que 2014 a été un exercice plutôt atone”. Du côté de chez Bosch, Estelle Selvan, chef de produit filtration, estime quant à elle qu’il s’agit là d’un marché “globalement à la baisse”, la faute à “des intervalles d’entretien qui tendent à se rallonger”. Un jugement que réfute Denis Pabiszak, directeur commercial de Meca Filter, qui voit dans l’année 2014 “une année positive. C’est un marché qui se porte bien, même s’il s’avère de plus en plus concurrentiel”. Derrière cette preuve ultime de l’impossibilité d’accorder les violons de la filtration se cache un bilan détaillé bien plus complexe, mais aussi bien plus significatif.

Le filtre d’habitacle a franchi une étape

Amorcée en 2013, la prise d’importance des filtres d’habitacle dans les résultats de chacun s’est renforcée l’an dernier au point de devenir comme jamais le produit phare de leur gamme, tirant le filtre à air vers le haut avec lui. Numéro un, toutes catégories confondues, sur le marché français, Sogefi présente un chiffre d’affaires en hausse sur un an de 7 %, dû en grande partie aux résultats des filtres d’habitacle. Après avoir effectué un bond de 20 %, ces derniers constituent désormais “un véritable moteur”, aux dires de Jean-François Gobert, Product Marketing Manager de Sogefi Aftermarket. Une tendance confirmée par Laurent Heurtebise, directeur commercial de Mahle, qui voit aussi une autre explication à la bonne santé de cette famille : “Au-delà de la tendance positive, il faut noter que le filtre d’habitacle est à présent rentré dans les habitudes des garagistes. C’était réellement perceptible en 2014.” Nonobstant une importance majeure en matière de confort dans l’habitacle, cet élément a été pendant trop longtemps négligé ou, a minima, oublié par les réparateurs, et donc, in fine, par les automobilistes. En s’installant dans les ateliers, comme le pressent Laurent Heurtebise, le filtre d’habitacle franchit ainsi une étape supplémentaire et se rapproche encore davantage du grand public, une cible touchée de manière imparfaite. “Il faut continuer à sensibiliser les automobilistes”, martèle Michel Camillo, ajoutant qu’il revient “à nous, équipementiers, de poursuivre nos efforts et de capter ces derniers sur des thématiques fortes telles que la santé ou l’environnement”. Si certains décrient, à tort ou à raison, le côté commercial et intéressé de la démarche, l’émergence de gammes à charbon actif anti-allergène, antiparticules fines et autres, n’a pas ralenti. Derrière Valeo, précurseur du genre avec ses Clim Filter, Bosch s’est engouffré dans la brèche avec la bénédiction de l’Aftral (voir par ailleurs) avant que, début 2015, Mann Filter ne fasse de même via sa gamme Frecious Plus. Une manière de capter l’attention des consommateurs, mais aussi de se placer “sur un marché qui présente de grandes perspectives de croissance”, selon Eric Burban, directeur général de Corteco France. Ce dernier voit d’ailleurs d’un bon œil le développement des filtres à charbon actif, une technologie en progression chez ce dernier de 27 %, qui présente aussi l’avantage d’offrir des marges de vente plus avantageuses pour les distributeurs et les garagistes. Preuve de l’intérêt autant que de la prédominance des filtres d’habitacle dans le débat du moment, la Feda a réussi l’exploit de rassembler l’ensemble des équipementiers derrière elle pour rappeler leur importance aux yeux du grand public. Comme quoi ces derniers savent s’entendre quand leurs intérêts convergent.

Le climat n’affecte pas le Diesel

En marge de ce produit star, une autre famille était attendue au tournant. Dans un climat “dieselophobe” persistant, comment allait réagir le marché des filtres Diesel ? Plutôt bien, à en croire Sogefi, chez qui ces derniers ont crû de 8 %, alors que les différents avis font état d’un marché de l’après-vente encore à l’abri pour un temps du contexte ambiant. Chez Meca Filter, Denis Pabiszak note par ailleurs que cette famille présente un intérêt commercial indéniable en étant “de plus en plus complexe”, garantissant ainsi de confortables marges. A l’inverse des filtres essence, qui ont vécu un dernier exercice difficile. “Et pour cause, explique ce dernier. Aujourd’hui, les constructeurs ont développé des produits garantis à vie qui ne sont plus accessibles. La hausse des ventes de véhicules essence ne nous profite donc pas.” Quant au filtre à huile, il n’y a bien que Sogefi pour se montrer satisfait et optimiste, Jean-François Gobert estimant “qu’ils représentent un potentiel important au niveau du chiffre d’affaires” de la société, alors que tous ses concurrents y voient là un secteur stable où il est malgré tout nécessaire d’être présent. Un gage de sérieux, une manière de se donner de la consistance et de valoriser une image de marque dont dépend désormais énormément le succès. A ce titre, il est intéressant de se pencher sur les évolutions de la distribution des pièces détachées dans laquelle les pure players du Net jouent désormais un rôle capital. Responsable marketing France de Denso, Hervé Moreau souligne ainsi que sa société “a fait le choix de ne pas travailler directement avec ces acteurs. Pour autant, ces derniers ont désormais une certaine légitimité vis-à-vis des consommateurs et méritent d’être considérés”. Par les volumes qu’ils permettent de dégager – on évoque une part de marché comprise entre 5 % et 10 % – ou pour la visibilité qu’ils offrent auprès du grand public ? “Ce serait hypocrite d’affirmer le contraire, avance Denis Pabiszak. En termes d’image vis-à-vis des automobilistes, il faut y être, c’est certain.” Pour le reste, la vigilance demeure le maître mot, comme le souligne Michel Camillo : “Etre présent sur le Net est devenu quelque chose de fondamental, mais il faut simplement veiller aux tarifs qui sont appliqués. Dès lors que l’on maîtrise la dégradation des prix, cela devient un atout.” Parallèlement aux prix, Laurent Heurtebise (Mahle) admet à demi-mot cette difficulté de s’afficher sur différents tableaux et de travailler avec plusieurs partenaires se regardant parfois d’un mauvais œil. “Au vu de leur part de marché, nous nous devons de faire confiance aux pure players. Pour autant, il faut veiller à ce qu’il y ait toujours un équilibre, tant au niveau des prix que des produits entre eux et les acteurs de la distribution traditionnelle.” Comprenez, en d’autres termes, que pour éviter de froisser ces derniers, la meilleure solution consiste à travailler indirectement avec le Net. Chose déjà bien intégrée par certains équipementiers.

Que va changer le rachat de Mister-Auto ?

Quoi qu’il en soit, avec ou sans le Net, à l’issue du premier quadrimestre 2015, tous se félicitent de résultats porteurs et ambitionnent, comme à la même époque de l’an dernier, de réaliser un exercice positif. Ces derniers se réjouissent par ailleurs de réussir, mois après mois, à grappiller quelques dixièmes de point de part de marché aux constructeurs tout en regardant d’un œil circonspect le rachat du site Mister-Auto par Peugeot. Une initiative qui s’apparente pour certains comme la preuve irréfutable que l’OES organise la riposte en se plaçant sur un marché porteur. “Ce rachat prouve que les constructeurs cherchent de nouvelles solutions”, consent Michel Camillo. En guise de réponse, les équipementiers ont choisi de dégainer leur arme favorite en prévoyant de sortir de nouvelles références et en augmentant sensiblement leur couverture du marché. Côté produit, l’avenir immédiat porte essentiellement sur l’introduction de la norme Euro 6 au travers de nouvelles technologies que Jean-François Gobert (Sogefi) décrit lui-même comme “relativement imperceptibles pour le marché”, mais qui demeurent pourtant “un investissement pour l’avenir de la filtration”. Un avenir encore à définir sur un marché au potentiel certain.
 

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