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Euro 6 : révolution ou évolution ?

Publié le 11 juin 2015
Par La Rédaction
7 min de lecture
Depuis la fin de l’année dernière, les nouvelles motorisations Diesel répondant aux normes Euro 6 font leur apparition sur les nouveaux modèles de véhicules. Des moteurs plus écolos mais aussi plus techniques. Alors avant leur grand débarquement dans les garages, la rechange indépendante commence à observer si, oui ou non, elle sera capable d’intervenir sur ces moteurs… d’un œil plutôt discret.
Depuis la fin de l’année dernière, les nouvelles motorisations Diesel répondant aux normes Euro 6 font leur apparition sur les nouveaux modèles de véhicules. Des moteurs plus écolos mais aussi plus techniques. Alors avant leur grand débarquement dans les garages, la rechange indépendante commence à observer si, oui ou non, elle sera capable d’intervenir sur ces moteurs… d’un œil plutôt discret.

Il y a 15 ans, lorsque les moteurs Diesel à injection directe baptisés “Common rail” deviennent légion sur les nouveaux modèles de véhicules, le bond technologique est tel que la rechange indépendante s’estime morte et enterrée. “Au final, nous avons aujourd’hui quelque 50 Bosch Diesel Center bien implantés en France, qui ont investi dans des outils de pointe et qui assurent la réparation sur un parc majoritairement équipé de common rails”, résume Thierry Leblanc, directeur général Rechange France et Benelux pour Bosch. Las, à chaque nouveauté technologique, la rechange frémit, se demandant si elle sera véritablement en mesure de faire face à ces révolutions. Et Euro 6 n’échappe pas à la règle. Cette nouvelle norme européenne visant à abaisser les émissions de particules à 5 ppm et les émissions d’oxyde d’azote (Nox) à 80 ppm représente, certes, une véritable évolution environnementale, mais, à en croire les spécialistes du Diesel, pas une révolution technologique en soi. Pourtant, la question est sur toutes les lèvres : l’entretien des futurs Diesel Euro 6 sera-t-il accessible à la rechange indépendante ?

Partage de compétences

Car dans les faits, si les Diesel Euro 6 ne réécrivent pas l’histoire du moteur, tel que l’on pourrait l’imaginer sur une pile à combustible par exemple, de nouveaux aspects techniques ne manqueront pas d’émerger. “Nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir avec précision quelles seront les problématiques rencontrées. D’autant qu’il n’y a pas de grandes nouveautés, l’EGR ayant 15 ans et le filtre à particules, 12 ou 13 ans. En revanche, c’est peut-être sur le remplissage et la remise à zéro du compteur AdBlue qu’il y aura potentiellement le plus de nouveautés en termes d’intervention, ainsi que sur le traitement des Nox”, analyse Daniel Roy, directeur de Diag Assistance. Car sur Euro 6, le déNox, jusque-là réservé aux poids lourds et autres véhicules haut de gamme, tendra à se généraliser. “Or, imagine Thierry Leblanc, c’est un produit qui s’use et sur lequel il y aura fatalement des interventions, des contrôles et des réparations, dès lors que les véhicules auront 3 à 6 ans. Il faudra donc alors que la rechange s’organise et se positionne sur ce marché”.

De fait, tous les techniciens aujourd’hui capables d’intervenir sur des systèmes d’injection directs, seront donc à même d’intervenir, aussi, sur de l’Euro 6. C’est sur le post-traitement, qui promet de requérir des interventions méticuleuses et précises, que devront surtout se pencher les réparateurs de l’Aftermarket. Et encore, pas tous ! Pour Jacques Rifflart, président de Génélec : “Plus les normes évoluent, plus les interventions sont pointues et nécessitent des outils ultra-performants. Au niveau de la rechange indépendante, et à l’initiative des équipementiers et de la Feda, nous avons trouvé des manières de manager des réseaux secondaires. Ainsi, à partir d’Euro 5, les garagistes savent faire du diagnostic et de l’entretien basique. Au-delà, ils vont devoir être pilotés par des réseaux spécialistes. Il y aura donc deux niveaux d’intervention. Un premier niveau sur un diagnostic et un entretien de base. Et un second niveau sur des centres spécialisés qui pourront, par exemple, changer les injecteurs. L’idée étant de faire en sorte que la filière indépendante s’organise afin de travailler main dans la main, les uns avec les autres”.

Ainsi, 30 % des pannes constatées seulement devraient concerner l’intervention, sur le moteur, d’un centre spécialisé. Panne qui pourra directement être amenée au spécialiste par le garagiste lui-même, de manière totalement transparente pour l’automobiliste. Car sur ces 30 % de pannes particulières, seules 10 % nécessiteront le transfert du véhicule dans un centre spécialisé “Diesel”. Restent donc 70 % de pannes liées à des problèmes d’encrassement classiques ou à des EGR bloqués. Bref, rien que du courant, des interventions presque usuelles, 15 ans après l’apparition des premiers moteurs à injection directe. Pour le président de Génélec, donc : “L’évolution des normes en Euro 6 est loin de menacer la rechange indépendante puisque, potentiellement, 70 % des interventions pourront se faire en toute autonomie”.

De l’art d’anticiper…

Pour autant, équipementiers, groupements, assistances techniques, s’organisent d’ores et déjà afin d’anticiper l’arrivée, à partir de 2017, des Diesel en Euro 6 auprès de la rechange indépendante. Partant du principe qu’il est préférable de prévenir plutôt que de guérir, chacun y va de ses prospectives, préparant, sans certitudes réelles, la réparation de demain. “Il faut que le parc équipé en Euro 6 grossisse et vieillisse avant d’arriver en rechange indépendante. Car rien ne vaut le réel pour voir quelle pièce va casser et sur quel élément il va y avoir des demandes. Il faut donc laisser le temps passer avant de comprendre comment fonctionne le marché, comment il va évoluer et comment il va vieillir pour en faire un dessin complet et réaliste. Et il faudra environ 3 ans avant de détecter véritablement le maillon faible. Alors en attendant, nous basons notre anticipation sur des spéculations”, reconnaît Thierry Leblanc.

Alors, pour pouvoir anticiper avec le plus de certitudes possible, l’équipementier allemand a désigné une poignée de Bosch Diesel Center afin de servir de centres pilotes missionnés pour intervenir, en premier lieu, sur les motorisations en Euro 6. Pilotes qui permettront ainsi de mettre au point un business model précis applicable à l’ensemble des spécialistes Diesel regroupés sous les couleurs de Bosch. Sans compter les outils et méthodes techniques – sur le Dénoxtronic notamment – d’ores et déjà mis à la disposition des réparateurs. “En tant qu’équipementier, nous avons appris à être pragmatiques et à faire preuve d’humilité. Nous nous sommes donc positionnés très en amont pour intervenir, ce qui n’avait pas été le cas sur le Common rail. L’idée étant de ne pas refaire la même erreur, nous sommes presque, du coup, en avance par rapport aux problématiques d’intervention”, admet Thierry Leblanc.

Côté équipementiers toujours, l’Américain Delphi, présent en première monte sur les motorisations Diesel en Euro 6 a débuté, dès le mois de novembre 2014, des stages spécifiques destinés à son réseau de réparateurs. “Dans la mesure où nous intervenons en OE, nous avons déjà pu mettre en place les éléments adéquats et la documentation spécifique en fonction des différents niveaux de défaillance qui pourront être constatés sur le moteur. En sus des outils et des méthodes, l’idée est également de proposer des formations ciblées afin d’être prêt et de pouvoir évoluer très rapidement vers les tests et la réparation des composants. De fait, nous avons commencé le premier stage en novembre dernier et nous devrions organiser deux ou trois séances supplémentaires cette année… Mais force est de constater qu’il n’y a pas encore une demande importante sur ce sujet”, explique Pascal Gautier, responsable Support technique Réseau France chez Delphi. Bref, une démarche structurée, appuyée par de grosses machines (les équipementiers) capables de se mettre très rapidement en ordre de marche.

… Et de spéculer

Mais quid des garages indépendants, de ceux qui ne sont pas des spécialistes de l’injection ? Les assistances techniques hotline pourront-elles être suffisantes pour répondre aux besoins des réparateurs qui voudront n’intervenir qu’à minima sur ces moteurs ? “Nous pensons que les hotlines doivent être sollicitées pour des sujets exceptionnels et que le garage doit être le plus autonome possible, analyse Daniel Roy. La formation est de toute façon indispensable car nous ne faisons pas tout. Et il est absolument inenvisageable que ces garagistes indépendants sous-traitent ou ne fassent appel qu’à une assistance. Certes, ce sont de toutes petites entreprises, et laisser une personne partir deux jours en formation peut être un frein à leur productivité. C’est pour cela que nous avons mis en place des formations courtes (1 h 30) en live via Internet. Cela ne remplace pas la formation pratique, mais c’est au moins une première approche”. En d’autres termes : s’appuyer sur les hotlines, oui. Mais ne compter que sur elles, non. D’autant qu’en moins de 20 ans, la rechange indépendante a connu une baisse des opérations techniques de 20 à 25 %. Baisse qui pourrait encore, d’après Diag Assistance, s’accélérer avec la venue d’Euro 6 si les indépendants ne s’appliquent pas tout de suite à monter en compétence.

Génélec quant à lui préparera justement cette montée en compétence… à partir de la fin de l’année 2015. “Nous avons mis au jour une formation piège à Nox prévue vers la fin de cette année ou le début de l’année prochaine pour nos réparateurs. Mais pour nous, le point essentiel, c’est la prévention sans toutefois négliger les quelque 18 millions de véhicules Diesel roulant et qui, eux, ne sont pas en Euro 6”.

Enfin, quant à savoir si l’échange standard pur et simple du moteur pourra être une alternative éventuelle – et radicale – aux problématiques techniques que pourraient, à terme rencontrer les garagistes indépendants, difficile, là encore, de se positionner avec certitude. Seule inconnue réelle : la mise à disposition des pièces par les équipementiers. Car objectivement, les normes Euro 6 n’empêcheront pas la reconstruction moteur. Reste que, pour Eric Hunault, directeur général de Faral : “Il est difficile de donner des réponses définitives aujourd’hui car il est beaucoup trop tôt. La question de savoir si les équipementiers ont prévu de nous intégrer à leur programme ne se posera pas avant deux ans. Et nous verrons dans le même temps de quelle manière se comportent les moteurs et où sont leurs faiblesses… Là nous pourrons mettre un plan d’action en place. Aujourd’hui, il s’agit surtout de spéculations”.
Bref, les acteurs de l’Aftermarket anticipent, certes, mais regardent arriver l’injection directe nouvelle génération d’un œil lointain. Comme le font, d’ailleurs, les réparateurs eux-mêmes.

Euro 6 ? Même pas peur !

Car à bien y regarder, aucune crainte n’entoure réellement la rechange indépendante quant à sa capacité d’intervenir d’ici quelques années sur les motorisations Diesel répondant aux normes Euro 6. “Chez les réparateurs de notre réseau, observe Thierry Leblanc, il y a des attentes, mais pas de craintes. D’autant que les outils désormais mis à la disposition des MRA leur permettent de faire face aux nouvelles technologies sans que cela ne soit une véritable contrainte”. Et le son de cloche est le même partout : celui qui a su prendre le train Common rail pourra aborder sereinement Euro 6. “Si les bases sont solides, il n’y a pas d’angoisse à avoir. Finalement, c’est donc surtout sur la partie du traitement de l’échappement qu’il y a le plus de questionnements”, analyse Pascal Gautier. Des questions qui, pour l’heure, ne cherchent pas véritablement de réponses, les quelques stages et formations proposés sur Euro 6 n’étant pas encore pris d’assaut. Difficile, en effet, d’entrevoir un potentiel de marché réel quand on sait que ces moteurs seront dans les mains des MRA dans 3 ou 4 ans. “Et puis, il y a peu d’anticipation dans les garages indépendants en général. Du coup, prendre une formation tout de suite sur des sujets qu’ils n’auront pas à traiter avant plusieurs années, cela peut engendrer de la déperdition d’information”, estime Daniel Roy. Alors une formalité la réparation des moteurs Diesel en Euro 6 ? Pas complètement. Mais force est de constater que pour l’heure, la norme européenne Euro 6 tient davantage en une prise de conscience générale et surtout politique en matière de dépollution et de rejets. Une prise de conscience qui devrait permettre d’encourager fortement la prévention en matière d’entretien. Et qui dit entretien plus systématique dit potentiel de croissance non négligeable sur le marché des interventions. Pour Eric Hunault : “Euro 6 va fatalement, à terme, entraîner également une évolution du contrôle technique et, par ricochets, faire évoluer le marché de la réparation”. Las, avant que l’ensemble du parc roulant soit équipé de ces moteurs Diesel vertueux il faudra patienter encore une bonne dizaine d’années. Pas tout à fait une révolution, mais au moins une évolution…

Ambre Delage
 

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