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Le freinage, un long fleuve tranquille

Publié le 26 mars 2015
Par Romain Baly
4 min de lecture
Après une année globalement stable, les principaux acteurs du marché naviguent toujours entre deux eaux sur un marché aux volumes encore importants, mais aux perspectives de développement aussi rares que lointaines.
Après une année globalement stable, les principaux acteurs du marché naviguent toujours entre deux eaux sur un marché aux volumes encore importants, mais aux perspectives de développement aussi rares que lointaines.

Voilà un an, dans notre enquête annuelle consacrée au freinage, nous évoquions une “année de transition” sur la foi des remarques formulées par les fabricants et distributeurs. Une transition vers un futur plus radieux, contrebalancé toutefois par plusieurs incertitudes qui laissaient alors planer des doutes quant à la probabilité de connaître, dès 2014, un lendemain chantant. Douze mois plus tard, il est étonnant de voir à quel point la situation n’a, pour ainsi dire, pas évolué. “Ne craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt”, dit un célèbre proverbe chinois. Au-delà des interrogations passées, le marché semble donc s’être littéralement sclérosé lors du dernier exercice, comme bloqué entre les certitudes d’un présent qui lui garantit toujours des niveaux de ventes corrects et, a contrario, l’atonie technologique d’un secteur qui peine à se renouveler. Pas vraiment satisfaits, pas vraiment déçus, pas vraiment optimistes, voilà en résumé l’année qu’ont vécue tous les protagonistes d’une famille de produits difficile à évaluer. Chacun se fera donc son avis entre la dégradation des ventes aperçue par certains, la reprise décelée par d’autres et la stagnation constatée par la plupart. De manière assez paradoxale et avec un brin de mauvaise foi, tous en chœur se félicitent d’une année porteuse qui leur aura permis de voir leurs volumes et leurs chiffres d’affaires progresser. Nonobstant cela, Roland Mensa, directeur marketing de TRW, livre une analyse lucide de la situation : “Au-delà des tendances plus ou moins positives du marché, il faut se dire que nous sommes à présent bien loin de l’âge d’or du secteur. L’activité freinage se tasse car le pouvoir d’achat des consommateurs est en baisse, l’inflation augmente ou encore les politiques favorisant les transports en commun se multiplient.” Partant de ce postulat, comment réussir à inverser la donne ? Sur un marché où le duo plaquettes-disques varie peu alors que les kits chutent chaque année davantage, certains ont fait le choix de se tourner vers des segments de niche, jusque-là peu travaillés. Responsable marketing de bilstein group, auquel appartient la marque Blueprint, Arnaud Pénot estime ainsi que “la différence se fait aujourd’hui sur tous les produits annexes. Flexibles, câbles, capteurs ABS constituent des leviers de croissance importants et permettent d’améliorer la capillarité de l’offre plutôt que d’étendre coûte que coûte la gamme”.

La différence est dans le détail

Une stratégie suivie ou amorcée, selon les avis, par les pure players du Net qui tentent avec elle de répondre à tous les besoins, comme le rappelle Yann Gissels, directeur général de Yakarouler : “Nous avons énormément travaillé en 2014 pour tenter de peaufiner notre catalogue avec des pièces annexes. Cela devient la clé du succès à présent.” La preuve par les chiffres. Grâce notamment à cette politique du détail, Yakarouler a vu son activité freinage grimper de 30 % l’an dernier alors que celle-ci représente à présent près d’une vente sur cinq. Payante au premier abord, cette stratégie n’a pour autant pas convaincu tout le monde. Plutôt traditionalistes, les acteurs du genre s’en remettent encore à une méthode désormais éprouvée, consistant à renforcer toujours davantage les gammes de produits. “C’est effectivement toujours le maître mot de notre croissance, étaye Philippe Astier, chef de produit freinage chez Delphi. L’an dernier, nous avons ajouté 250 références à notre catalogue en ciblant, entre autres, notre travail sur les véhicules asiatiques, qui ont concentré l’an dernier un tiers de nos créations.” Désormais actée, la profondeur de l’offre se poursuit donc, mais avec un pointage plus précis des besoins du marché et des véhicules phares de celui-ci. En parallèle, se développe un autre aspect renforçant cette course au “toujours plus”, comme le souligne Didier Gilson, responsable du département formation et service technique de Ferodo : “Le renforcement des gammes est aujourd’hui exacerbé par une tendance de fond qui fait que nous avons maintenant quatre ou cinq types de plaquettes différents pour un même modèle, alors que nous n’en avions qu’un il y a encore quelques années.” Un prérequis qu’il convient de compléter par d’autres mesures, au premier rang desquelles figure l’aspect logistique. Ce volume faisant, il devient alors tout aussi important pour les fabricants comme pour les distributeurs d’améliorer leur processus de mise à disposition, pour s’assurer d’avoir en toutes circonstances la moindre référence. “C’est un vrai problème pour les distributeurs”, constate Roland Mensa, qui souligne au passage que cela nécessite de leur part “un investissement financier et une place importante”. Un mal nécessaire pour garantir une disponibilité optimale et des délais de livraisons raccourcis. “C’est le nerf de la guerre, note Yvon Granier, directeur général de MGA Distribution. Aujourd’hui, pour rivaliser avec certains acteurs, il faut être au plus près des clients et pouvoir les livrer en une heure.”

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

En outre, chaque intervenant met plus que jamais en exergue le besoin de communiquer sur le freinage. Elément de sécurité fondamental, ce dernier demeure pourtant trop peu considéré. “L’entretien régulier des éléments de freinage est encore très mal intégré et il revient à nous, fabricants, mais aussi aux constructeurs, de mieux communiquer là-dessus”, selon Romain Guerardelle, chef de produit freinage chez Bosch. Dans cette optique, mais aussi dans une optique de croissance, le réseau Autodistribution a largement intensifié son action cette année. “Nous avons renforcé notre communication sur ces produits avec une première vague en janvier-février et une seconde en juin-juillet pour permettre de dynamiser les ventes chez les réparateurs”, étaye Sylvain Munar, Catégorie Manager à l’Autodistribution. A plus longue échéance, il importe désormais à chacun de trouver de nouvelles solutions malgré le relatif désert ambiant. Souhaitant volontiers retrouver le sommet du marché français, Brembo consacre ainsi “5 % de son CA en Recherche & Développement, une donnée fondamentale pour trouver de nouveaux leviers de croissance”, aux dires de Richard Soriano, responsable France, Belgique et Maghreb. Problème, si des technologies émergent, “chaque part de marché est de plus en plus difficile à consolider car le gâteau n’a pas grandi, contrairement au nombre d’acteurs, explique Roland Mensa. Chaque point est onéreux à conquérir et il faut savoir si l’on est prêt à investir des sommes conséquentes avec des solutions aux retours assez lointains”. Parmi lesquelles se trouvent les éléments électroniques (capteurs) tendant à prouver que des pistes existent, tout comme les disques peints destinés au segment Premium et présentant l’avantage de limiter la rouille et la corrosion, ou encore les systèmes sans cuivre, déjà bien intégrés chez Delphi et Ferodo (implémentés sur 95 % de la gamme d’ici fin 2015). De manière plus terre à terre, de nouvelles perspectives se dessinent avec le retrait de la marque Bendix France qui va, de fait, “redistribuer les cartes et offrir de nouvelles opportunités”, d’après Yvon Granier. Avec mesure, le marché tente donc de conjurer le sort et de faire quelques vagues. Une manière de se donner également des raisons d’espérer connaître, enfin, des lendemains meilleurs.

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