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Lubrifiants : en demi-teinte ?

Publié le 23 janvier 2013
Par Marc David
5 min de lecture
Toujours soumis aux fluctuations des coûts des matières premières et en particulier du pétrole brut, le secteur des lubrifiants a connu un exercice 2011 positif, notamment du fait des intervalles de vidange allongés. Toutefois, à l’instar d’autres secteurs liés à l’automobile, les perspectives à fin 2012 sont plus sombres, conjoncture économique hasardeuse oblige.
Toujours soumis aux fluctuations des coûts des matières premières et en particulier du pétrole brut, le secteur des lubrifiants a connu un exercice 2011 positif, notamment du fait des intervalles de vidange allongés. Toutefois, à l’instar d’autres secteurs liés à l’automobile, les perspectives à fin 2012 sont plus sombres, conjoncture économique hasardeuse oblige.

Avec un léger tassement des ventes en décembre 2011 (23 900 tonnes contre 26 400 tonnes en novembre), le secteur des lubrifiants automobiles aura finalement bouclé l’exercice sur une note positive. En effet, l’activité automobile recensait à elle seule 327 000 tonnes de lubrifiants distribués sur le marché intérieur, soit une progression de 3,2 % par rapport à 2010. Une progression qualifiée “d’exceptionnelle” par Thierry Martin, coordinateur marketing opérationnel de Motul, dans la mesure où celle-ci “va à l’encontre des résultats recensés ces dernières années”.

Sur ce volume global, le segment des voitures de tourisme pèse quelque 168 800 tonnes, dont 131 900 tonnes pour la catégorie Essence et Mixte, en progression de 4,2 %, et 33 400 tonnes pour la catégorie Diesel Tourisme, en régression de 4 %. Hausse d’un côté, baisse de l’autre… Pour autant, difficile d’avancer une explication rationnelle, si ce n’est la tendance commerciale, qui met clairement la notion de produit mixte (Essence et Diesel) en avant… Pour ce qui est du début d’année 2012, la tendance à la hausse s’est poursuivie puisque les deux premiers mois se sont bouclés sur une progression équivalente à 1,6 % pour l’automobile contre une régression de 2,8 pour le secteur industriel.

On le sait, le marché des lubrifiants demeure en corrélation avec les espacements de vidanges. Toutefois, cet allongement des intervalles a probablement contribué au fait que le marché redevienne porteur. En effet, désormais, le défi visant à augmenter ces espacements s’atténue, certains constructeurs ayant même fait machine arrière, notamment en raison des problèmes engendrés par la montée en puissance des carburants bio et en particulier du biodiesel. Renault en donne un bel exemple. Alors que le constructeur au losange avait déjà modifié légèrement sa stratégie en 2011, faisant passer ses intervalles à 2 ans ou 30 000 km pour la plupart de ses modèles, il a revu sa copie depuis avril dernier : en fonction des motorisations, cet intervalle de vidange est désormais revenu à un an ou 30 000 km (Diesel muni d’un FAP) ou un an ou 20 000 km (moteur turbo essence). Il s’avère également que PSA, jusque-là calé sur un intervalle de 2 ans ou 30 000 km (certaines motorisations Diesel étant à 20 000 km), serait également sur le point d’imiter son concurrent direct en opérant un retour sur une opération annuelle. Bref, hormis quelques cas particuliers, la moyenne européenne d’intervalles de vidange se situe aujourd’hui entre 20 000 et 30 000 km. A ce niveau, le bon sens a repris ses droits, et c’est tant mieux.

Un début d’année 2012 plus tendu

Désormais, la prudence doit être de rigueur puisque le seul mois de février marque un tassement de la progression, égale à 0,7 %. En réalité, certains acteurs de la profession évoquent même une régression comprise entre 1 % et 1,7 % sur les mois de mars/avril. Il faut évidemment y voir une baisse du kilométrage, compte tenu de l’envolée des prix des carburants à la pompe et en particulier du gazole (80 % des carburants consommés), qui a atteint un record historique (1,45 euro le litre) à la mi-mars. En ce sens, les derniers chiffres de l’Ufip (Union française des industries pétrolières), basés sur ceux du CPDP (Comité professionnel du pétrole), étayent cette thèse. Sur les quatre premiers mois de l’année, le recul de la consommation de carburant équivaut à 1,7 %. Or, qui dit baisse du kilométrage dit report des entrées en atelier…

En dépit de certains éléments, le mix produits continue d’augmenter

Patrick Thevenard, directeur du commerce Automotive France au sein de la direction générale lubrifiants de Total, globalise la situation actuelle, en faisant référence à un proche passé. “Si nous assistions il y a peu à une contraction du marché (avec un point très bas en 2008, année marquant une régression record de 7,9 %, N.D.L.R.) pour des motifs techniques essentiellement liés au renouvellement du parc avec des véhicules plus économes et aux intervalles de vidanges en constante augmentation, ce phénomène est aujourd’hui amplifié par un pouvoir d’achat nettement limité et un ralentissement de la consommation dans le secteur automobile, déplore-t-il. Même si le consommateur continue à se déplacer, il renonce sans doute un peu plus au kilomètre individuel au bénéfice probable du kilomètre collectif, du type covoiturage, notamment.” Et d’ajouter : “Bien sûr, l’impact sur le marché est réel, mais cela détermine-t-il pour autant une réorientation du marché vers des lubrifiants de moindre qualité, etc. ? Je ne le pense pas, dans la mesure où l’arrivée sur le marché de petits véhicules équipés de moteurs plus économes, et en particulier de moteurs essence, fait que nous constatons toujours une augmentation du mix produits côté lubrifiants.” Une chose est certaine : à l’inverse de certains secteurs tel le lavage, qui peut être dynamisé par une offre attrayante sur le plan technique notamment, le secteur des lubrifiants demeure quelque peu démuni face à la morosité ambiante.

Fortunes diverses de la distribution

Sur le plan de la distribution, il semblerait que la progression enregistrée sur 2011 ait bénéficié à la plupart des canaux. “Considéré comme un réseau de proximité avec un niveau de prix raisonnable, le MRA s’en sort toujours très bien, avec, au minimum, un maintien de son chiffre d’affaires, note Thierry Martin. Le constat est identique pour les réparateurs agréés (agent), avec lesquels nous travaillons bien.” Selon lui, les pneumaticiens et toute la réparation rapide (Speedy, Midas…) doivent également tirer leur épingle du jeu. Pour Martial Sauvee, directeur des ventes nationales à l’automobile au sein de la direction Lubrifiants & Spécialités de Esso SAF, qui distribue la marque ExxonMobil, tous les segments ont progressé, à l’exception de la grande distribution. Plusieurs facteurs expliquent ce recul, à commencer par la réduction drastique des linéaires dédiés au lubrifiant. “L’autre facteur déterminant est que les GMS sont en en train de rater le virage technologique en se focalisant davantage sur la 10 ou la 15W40, qui plus est en proposant leur propre gamme, note Martial Sauvee. En outre, ils ne dispensent pas de conseils à l’attention du consommateur final.” Ainsi, selon lui, l’évolution du marché ne plaide pas en leur faveur, d’autant qu’un élément nouveau peut venir semer le trouble, à savoir l’émergence d’Internet. En effet, de plus en plus de sites de vente de pièces détachées commencent à référencer les fournisseurs de lubrifiants. “A ce niveau, il faut attendre au moins deux ans pour juger mais, dans le cadre d’un pouvoir d’achat en baisse, la démarche pourrait séduire”, avance-t-il. Enfin, difficile d’évoquer la grande distribution sans prendre en considération le “do it yourself”. Qu’il s’agisse d’une démarche strictement personnelle ou d’une démarche disons, effectuée par “délégation”, les avis sont partagés. Pour Martial Sauvee comme pour Thierry Martin, le “do it” demeure circonscrit aux véhicules anciens. “Je ne pense pas que la démarche se développe, d’autant que la vidange devient une opération de plus en plus compliquée avec l’électronique, qui demande une remise à zéro des compteurs, rappelle ce dernier. En outre, le fait que l’on s’oriente vers des lubrifiants à usage exclusif, complique la démarche.” Bref, dans ce contexte, et compte tenu de l’afflux de véhicules neufs sur le marché, on peut raisonnablement avancer que la régression des GMS a profité au réseau constructeurs (concessionnaires + agents de marque) et sans doute aussi, dans une moindre mesure, aux centres-autos. Dans ce registre, la part du premier canal, toujours largement majoritaire, devrait être selon nos estimations, de 35 %. Quant aux centres-autos, ils devraient peser 25,5 % du marché, la 3e marche du podium revenant aux MRA avec quelque 20 % du marché.

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