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Outillage à main, de la rentabilité au coup de cœur

Publié le 19 septembre 2013
Par Jean-Marc Felten
6 min de lecture
Entre concurrence exacerbée et exigence de qualité, la vente d’outillage est difficile. Mais l’outillage spécialisé ou les compositions des fabricants, laissent penser à des jours meilleurs…
Un équipement parfaitement adapté à chaque activité, l’objectif de chaque réparateur, soumis aux fabricants en permanence.

Les fabricants asiatiques ont pris la main sur la fourniture d’outillage à main, y compris chez les professionnels. La chute de l’investissement des réparateurs n’est compensée que par le besoin d’innovation, en partie maîtrisée par les fabricants européens historiques. La complexité croissante des véhicules, la qualité de réparation attendue des clients et des réseaux, et le besoin de rentabilité de l’atelier, arbitrés par la passion et les coups de cœur, peuvent faire la différence dans les choix des utilisateurs.

Comme l’automobile pour le grand public, l’outillage à main est encore une affaire de coup de cœur pour le réparateur. Fortement sollicités par les fabricants et les distributeurs, les garagistes ne planifient pas leurs achats d’outils. Pourtant, ils expriment des besoins que les tournées accompagnées des commerciaux permettent de remonter aux fabricants.

Le marché global

Il est difficile de donner un chiffre précis du marché de l’outillage à main pour la réparation automobile, tant les acteurs ont des cibles différentes, et la distribution s’éparpille entre réparation automobile, industrie, grands comptes et grand public. L’estimation qui est faite de l’ensemble des outils qui sont vendus en France, hors ventes aux particuliers, a atteint 270 à 300 millions d’euros en 2012. Les ventes au secteur automobile s’établissent à environ 80 millions d’euros. Le leader incontesté reste Facom, très présent sur le terrain avec une force de vente conséquente, qui assure la proximité. Proximité avec le client, innovation et actions commerciales sont les clés de la prise de parts. Quelques acteurs ont délaissé le créneau ou ont mal abordé certains tournants et sont attaqués par les plus petits qui cherchent à se faire une place. Même Facom est critiqué par ses concurrents sur sa marque d’entrée de gamme, Expert, perçue comme un repli ou une compensation. La gamme courte de 2 500 références (8 000 pour la marque Facom) réussit pourtant à capter un chiffre d’affaires pesant presque 10 % du total de l’outillage Facom.

Une myriade de chiffres entre contenu et clientèle…

Plus encore, les tendances et le positionnement de chaque famille d’outils sont quasi impossibles à préciser. Si les servantes ont encore le vent en poupe, ce sont les compositions qui leur permettent de rester en tête des ventes, principalement tirées par les actions commerciales. Ce mode de vente permet de générer du chiffre d’affaires et de commercialiser des outils généralistes, que les réparateurs ne remplacent pas d’eux-mêmes, sinon au bénéfice de la garantie commerciale, que ne manquent pas de proposer les fabricants Premium. L’un d’eux nous confie cependant que cette garantie ne dépasse pas 0,2 % du chiffre global réalisé sur l’outillage.

Les habitudes prises sur la vente de servantes garnies commencent à trouver leurs limites. D’une part, les réparateurs hésitent de plus en plus sur des investissements (souvent pour le plaisir) pouvant dépasser 1 000 euros, avec un contenu souvent promotionnel, de qualité basique, avec des servantes qui ne proposent pas les fonctionnalités vantées par les fabricants de haut de gamme. Les plateaux sont sans modularité, les tiroirs tiennent moins la charge, les flancs ne peuvent pas recevoir d’accessoires… Quant au choix des outils, il ne correspond jamais aux besoins complets de chaque mécanicien, qui devra le compléter au fil du temps. Conscient du défaut dans ces propositions, SNA Europe, dans le cadre du lancement de sa nouvelle marque Bahco, propose le programme Ergo Tool Management System, qui permet au client de composer sa servante selon ses désirs les plus personnels. Au-delà du format, des couleurs, du type de tiroirs ou même des poignées, les mousses sont réalisées à la demande pour des compositions que le client choisit lui-même sur un programme informatisé, accessible en ligne sur le site du fabricant, ou avec l’assistant commercial, lors d’une visite. La touche finale est proposée avec le marquage de chaque outil au nom du réparateur ou du garage.

Derrière cette ligne vedette, plusieurs catégories d’équipements se distinguent pour leurs volumes et le dynamisme de leurs ventes. L’outillage spécifique est porteur chez plusieurs fabricants. Dans la ligne de la rentabilité attendue d’un outil, l’outil spécial s’impose aussi par son caractère indispensable à la réalisation de certaines opérations. Ainsi, les coffrets de calage de distribution sont désormais proposés en servantes complètes. “Nos ventes de ce type d’équipement sont suffisamment importantes et il nous est nécessaire d’en maîtriser l’offre, nous précise Michel Garmrouguian, directeur outillage chez Facom. Nous nous adaptons aujourd’hui en permettant au client de choisir sa propre composition. Certains kits de calage ne leur sont pas utiles, et le réparateur ne les veut pas dans les kits qu’on peut lui proposer.” Chez Gedore-Klann, les outils spéciaux représentent aussi une part importante des ventes. Ceux-ci bénéficient du partenariat qui lie Klann aux équipementiers de première monte. Ils associent leurs innovations aux appareils de réparation. Il est ainsi possible de citer les outils de montage des embrayages à rattrapage d’usure ou des systèmes bi-masse, ou plus simplement les presses de montage des roulements de moyeux sans dépose du pivot.

La dynamométrie

La dynamométrie est un secteur porteur pour les fabricants qui la proposent. Garant de la qualité du travail réalisé, le serrage dynamométrique n’est pas encore suffisamment présent dans les ateliers et la marge de progression est encore importante. On peut situer les besoins à deux niveaux. D’une part l’équipement de base, pour des clés mécaniques qui sont utilisées pour les serrages courants, tels que les roues ou les éléments de suspension. D’autre part, les constructeurs imposent une précision croissante des serrages des divers éléments, avec des méthodes complexes qui exigent des équipements beaucoup plus précis, dont les clés “couple et angle” électroniques, qui existent désormais à des prix abordables. La traçabilité des opérations qui est exigée dans les réseaux doit favoriser l’évolution de la mentalité des mécaniciens vis-à-vis de l’utilité de la clé dynamométrique. L’électronique a permis de garantir au réparateur la rapidité d’exécution (pas de repère à identifier), la précision (jusqu’à moins de 3 % d’écart) et la traçabilité, avec une mémorisation des serrages réalisés. Chez les spécialistes du domaine, la croissance de diffusion de ces clés va jusqu’à 30 % par an. Le prix moyen s’établit autour de 200 euros, c’est donc un poste important pour les fabricants et les distributeurs.

Tendance, innovation et service

Pour enrayer la déferlante asiatique qui dévalorise le prix des outils à main, les fabricants enrichissent leur offre de produits innovants et de services, en dépassant la traditionnelle garantie à vie. “Nous sommes là pour aider nos clients à exploiter leur site au mieux, considère Christian Colombel chez Stahlwille. Nous complétons la fourniture d’équipement d’un conseil sur l’organisation de l’atelier. Nous nous déplaçons chez les clients pour étudier avec eux le projet. Ce sont principalement des sites de distribution automobile où la rentabilité de l’après-vente se fait au travers de l’ergonomie du poste de travail.” La marque est également un fournisseur privilégié de l’industrie aéronautique, particulièrement pointilleuse sur la gestion de l’équipement d’atelier. La “FOD” (Foreign Object Damage) est une technique de suivi des outillages qui doit permettre de connaître le cheminement de chaque outil utilisé. Facom s’apprête ainsi à investir ce marché avec plusieurs innovations, un marquage électronique et une couleur d’identification repérable à distance sur un chantier. Cette technologie pourrait très bien trouver sa place dans un atelier automobile, où la “perte” des outils est préjudiciable à la rentabilité.

Diversification dans le métier

D’autres pistes existent encore pour renforcer la vente d’outils : la carrosserie, les services pour les systèmes électriques,… confirment que les métiers deviennent plus spécialisés et font appel à des matériels particuliers. Nombre de clientèles montrent un attrait plus marqué pour l’outillage de qualité. Le poids lourd représente ainsi chez certains fabricants près de 50 % du chiffre d’affaires. “Chez Sam, nous commençons à proposer aux carrossiers des servantes équipées avec une sélection d’outils adaptés pour les électriciens, remarque Sébastien Bonhomme, chef de produit automobile chez SAM Outillage. Cette stratégie vient de la demande clientèle industrielle qui est très différente entre les climaticiens ou ceux qui équipent des centrales nucléaires. Quarante pages du catalogue y sont consacrées.”

La distribution


Les plus importants des fournisseurs ont des camions équipés des principaux matériels et des nouveautés. Les attachés commerciaux utilisent les tournées accompagnées avec les commerciaux des distributeurs pour recueillir l’avis des utilisateurs sur la pertinence des innovations. “Le contact est primordial, remarque Sébastien Bonhomme. Les réparateurs automobiles sont visités par huit camionnettes équipées. Nous assurons ainsi la proximité avec les clients, ce qui représente le premier critère d’achat.” En troisième force, la distribution directe affiche une bonne santé, qu’elle doit à son organisation. Les trois marques (Würth, Berner et Förch) appliquent des procédures très rigoureuses, qui reposent sur un contact privilégié avec le client, un service sans faille et une politique de nouveautés planifié. “Nous disposons de près d’une nouveauté tous les quinze jours, que les attachés commerciaux reçoivent immédiatement pour montrer aux clients, note Frédéric Lose, chef de produit outillage chez Würth. Nous n’avons pas de camions, mais des produits de qualité et des commerciaux qui ont un minimum dans leurs voitures et des outils commerciaux très performants.” Comme dans la distribution traditionnelle, l’équipement de l’atelier est un service obligé pour faire progresser les autres catégories du catalogue. “Le chiffre d’affaires réalisé sur l’outillage est mineur dans ce que nous servons, signale Rui Melao, responsable marketing de Förch. Mais nous sommes résolument attachés à la satisfaction du client avec des produits de qualité.”

En conclusion, les fabricants européens restent confiants dans leur potentiel. “Face aux importateurs de produits asiatiques, qui se contentent de répondre à une demande ponctuelle sans valeur ajoutée, les fabricants vont apporter l’innovation et la qualité, précise Philippe Loison, chef de produit chez SNA Europe. Les réseaux vont demander à leurs réparateurs d’assurer une qualité et un suivi des réparations qui vont exiger un équipement de qualité.” L’outil ne doit plus être considéré comme un coût, mais comme un investissement.

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