S'abonner
Non classé

Suspension : les amortisseurs au banc

Publié le 23 janvier 2013
Par Jean-Marc Felten
7 min de lecture
La vérification des suspensions sur le banc Eusama lors du contrôle technique est sujette à controverse de la part des équipementiers. De nombreux paramètres viennent contrarier la mesure effective de l’amortisseur. Pourquoi et comment trouver une autre solution.
L’amortisseur n’est qu’un élément d’un ensemble complexe. Son diagnostic et le contrôle de son efficacité présentent un grand intérêt mais également de grandes difficultés.

L’amortisseur est un élément qui engage la sécurité quand il est défaillant. Il n’existe malheureusement pas de solution simple de vérification de son état. En cause, les nombreux éléments mobiles qui sont dans son périmètre et qui influent sur les éventuelles mesures. Depuis plusieurs années, deux équipementiers proposent un banc. Comment fonctionnent ces solutions ?

Retour sur la suspension

La suspension est un ensemble complexe de pièces dont le but est de permettre la bonne application du pneu sur la route, tout en préservant le confort des passagers dans le véhicule. La roue doit être guidée dans la meilleure géométrie possible, ne pas rebondir après le passage sur des obstacles et éviter la transmission des déplacements dans la caisse du véhicule. Pour le guidage, un ensemble de bras assure la mobilité du porte-moyeu par rapport à la carrosserie. Les articulations des bras sont assurées par des rotules ou des liens caoutchouc (silent-blocs). Ces derniers permettent une filtration des petites vibrations générées par le déplacement de la roue sur le sol. Ils participent donc à la fiabilité et aux performances des amortisseurs. Le ressort de suspension maintient la force nécessaire à amortir les mouvements de la caisse du véhicule par rapport à la route. Le pneumatique constitue le point d’adhérence du véhicule sur le sol. Les efforts exercés par le véhicule en déplacement sont limités par l’adhérence du caoutchouc sur le sol.
Les déplacements respectifs de la roue et de la caisse sont définis par les déformations du sol et par l’inertie de la caisse du véhicule.

Le travail de l’amortisseur

L’amortisseur a pour rôle de freiner le mouvement anarchique de la roue quand elle entre en rebond sous l’action du ressort de suspension, contrainte par les bosses de la route. L’amortisseur doit néanmoins suivre les déplacements de la roue par rapport à la caisse du véhicule. Pour être freiné, un piston muni de passages calibrés se déplace dans un cylindre rempli d’huile. L’huile ne peut passer d’un côté à l’autre du piston qu’en passant dans les conduits calibrés. Le piston est lié par une tige soit à la partie non suspendue de la suspension (moyeu ou bras de suspension) ou à la caisse, et le corps d’amortisseur à inversement.

Fonctionnement de l’amortisseur

L’amortisseur est étudié pour répondre à deux types de sollicitations principales. Des vibrations de faible amplitude (2 à 8 mm) à fréquence élevée (15 à 20 Hz) sont produites par le mouvement de la roue sur le sol ; des mouvements de forte amplitude (30 à 50 mm) et faible fréquence (1,5 Hz environ) viennent du mouvement de la caisse du véhicule. Pour obtenir un guidage parfait de l’amortisseur, le piston est ajusté précisément dans le corps cylindrique de l’amortisseur. Le passage de l’huile d’un côté à l’autre ne peut se faire que par les orifices percés dans le corps du piston. Ceux-ci sont calibrés en fonction du tarage recherché. Pour obtenir des modulations du tarage spécifiques au déplacement d’huile (pour une course courte ou longue), le piston est muni de soupapes sur les perçages calibrés, qui s’ouvrent alors en fonction de la pression qui est créée par le déplacement du piston. Les soupapes sont dimensionnées pour des vitesses de déplacement de la tige voisines de 0,1 m/s, de 0,15 à 0,35 m/s et plus de 0,4 m/s. Les vitesses les plus lentes correspondent aux plus grands déplacements, les plus grandes vitesses se rapportent aux faibles déplacements et aux chocs sur les roues. Pour qu’un clapet s’ouvre, il faut que le ressort soit dominé par la pression de l’huile. Plusieurs types de ressorts sont ainsi utilisés sur plusieurs sortes de perçages dans le piston pour définir les lois de passage. Il y a donc des passages dans chaque sens (en compression et en détente), qui définissent autant de lois d’amortissement. En principe, la loi de détente est plus “raide” que la loi de compression, en raison de l’apport du ressort en faveur de l’amortisseur en détente et la contrainte qu’il impose en compression.

L’usure de l’amortisseur

On peut penser que, compte tenu des efforts imposés aux clapets et au piston, l’usure mécanique d’un amortisseur est rapide. Spécifiquement conçu pour vaincre ces contraintes, l’amortisseur est rarement victime de sa mécanique interne. L’usure la plus fréquente est celle des joints de tige. Ce joint supporte la charge de la suspension, souvent avec des efforts transversaux venant du positionnement de l’amortisseur qui joue également le rôle de pivot (suspension McPherson). Cette usure peut conduire à des fuites d’huile qui compromettent le fonctionnement. Néanmoins, la perte d’huile n’est perceptible en conduite normale que lorsque le niveau d’huile est très bas, ou dans des phases de fonctionnement mettant en cause une course importante de l’amortisseur. D’ici là, la fuite aura été identifiée lors d’un passage au contrôle technique périodique, où le problème est sujet à contre-visite depuis 2010.

Comme pour les clapets et pistons, l’usure de l’huile par laminage ou pollution par arrachement de matière des pièces internes est très limitée. Les huiles utilisées prennent en compte ces questions et comportent des additifs qui limitent ces phénomènes. Les fabricants reconnaissent néanmoins que le remplacement de l’huile pourrait limiter le vieillissement de la pièce.

Contrôle de l’amortisseur

Le fonctionnement de l’amortisseur est caractérisé par des courbes qui sont obtenues sur banc instrumenté. Le réglage est mesuré en force par rapport à la vitesse de déplacement du piston. Ceci est valable pour les amortisseurs qui ont un cylindre uniforme, sans artifice de réglage au point milieu, tel qu’une rainure dans le cylindre du tube, qui assouplit l’amortissement autour du point milieu du débattement de suspension. Le tarage des clapets définit l’angle de la courbe et le point d’inflexion de la courbe, la viscosité de l’huile détermine l’évolution de la courbe. Cette méthode d’évaluation n’est possible qu’avec un amortisseur monté sur banc dynamométrique, dans une position et un actionnement strictement dans l’axe de la tige. Les constructeurs effectuent ces mesures à une température de 20 à 23 °C, l’amortisseur lui-même étant échauffé. Ces conditions sont difficilement applicables à l’entretien et la réparation automobiles. Il est nécessaire de trouver un équipement d’essais qui puisse s’utiliser sans démontage.

Comment travaille le banc Eusama

Sur un équipement tel que le banc utilisé au contrôle technique, dénommé “Eusama” (Association européenne des fabricants d’amortisseurs), la mesure, qui est simplifiée, prend en compte l’ensemble des éléments du train roulant, c’est-à-dire le pneu, les jeux dans les éléments de suspension, l’élasticité des articulations de bras et de jambe de suspension, le ressort… La mesure se fait par variation du poids sur le plateau quand la roue est excitée à une fréquence de 25 Hz, jusqu’à son retour à l’arrêt, sur une course de suspension de 6 mm.
Le banc Eusama ne peut pas donner de mesure fiable de l’efficacité des amortisseurs. Au-delà des erreurs venant des autres éléments de la suspension, les conditions de réalisation du test, la température ambiante notamment, influent sur les valeurs d’amortissement mesurées. C’est la raison pour laquelle dans le contrôle sur banc “Eusama”, seule la symétrie entre les côtés droit et gauche est prise en compte.

La stratégie de mesure du banc d’amortisseurs

Dans leur stratégie de mesure de l’amortisseur seul, les fabricants de bancs spécifiques ont d’abord choisi d’identifier la part de mesure venant des éléments extérieurs à l’amortisseur pour s’en affranchir. A partir de ces résultats, une mesure d’efficacité est réalisée, mesurée sur les fréquences de rebond relativement aux fréquences d’amortissement. Pour une valeur de pesée de 100, banc à l’arrêt, le plateau est excité et le poids appliqué mesuré périodiquement, tout en connaissant la position d’excitation du plateau par rapport à la roue. La différence de mesure traduit la valeur de rebond de la roue. Selon la fréquence de rebond déterminée et la masse mesurée, l’efficacité de l’amortisseur est plus ou moins importante.

Actia Muller a développé sa propre base de données qui permet de déterminer si l’amortisseur est bon, s’il est en état d’usure normale ou si son remplacement rapide est impératif.

L’allemand Maha, qui fabrique également de l’équipement pour le contrôle technique, s’est penché de la même manière sur le sujet. Avec le banc Maha (MSD 3000), la suspension étant agitée à une fréquence de 25 Hz, les capteurs déterminent ensuite la perte de rebond qui traduit donc l’absorption d’énergie par l’amortisseur. En connaissant les valeurs de vibration des pneumatiques, du ressort et des éléments de liaison de la suspension, les valeurs spécifiques à l’amortisseur sont isolées. Elles sont contenues entre 6 et 7 Hz. Les fréquences indésirables sont supérieures à 12 Hz et inférieures à 1,6 Hz. La valeur de rebond enregistrée sera d’autant plus importante que l’amortisseur est défectueux. L’estimation de la dérive par rapport à un montage neuf détermine l’usure de l’amortisseur et le besoin de le remplacer.

Pour les équipementiers, les valeurs sont chiffrées et font l’objet d’un compte-rendu pour le client. Le commentaire indiquera un amortisseur en bon état, en cours d’usure ou à remplacer impérativement.

----------
FOCUS - Comment vendre l’usage du banc ?

Les fabricants préconisent l’installation du banc de contrôle des amortisseurs dans la zone de réception et d’y faire passer la totalité des véhicules qui entrent dans l’atelier. En deçà de 50 000 km, il est rare de trouver des amortisseurs défectueux, ce passage sur le banc permet donc de rassurer le client et de le renseigner sur l’état d’usure plus ou moins rapide de sa suspension. L’utilisation du banc en présence du client nécessite également un apprentissage et une remise en question des acquis.

Il est communément reconnu que les amortisseurs ont une durée de vie de 60 000 à 80 000 km. C’est désormais faux, et prouvé par l’utilisation d’un banc. Pour s’en convaincre, il suffit de constater l’évolution technologique de l’ensemble des composants du véhicule. Les amortisseurs n’y échappent pas. Correctement utilisés, ils peuvent facilement remplir leur rôle jusqu’à 150 000 km. Mais dans des conditions d’utilisation plus sévères, comme les routes de montage, le tout-chemin ou l’usage citadin avec un nombre croissant de dos-d’âne et de coups de trottoir, il est possible d’endommager les amortisseurs avant 50 000 km. Seule la mesure objective du banc peut déterminer cette usure, en relation avec l’état normal de la suspension, qui peut varier d’un véhicule à l’autre. Certains véhicules sont également sujets à une usure prématurée des systèmes de suspension, résultant d’une conception pas toujours idéale, tout comme l’optimisation réalisée peut être délaissée par un constructeur, dans la perspective de l’utilisation d’un système de stabilisation électronique de la trajectoire. C’est la raison pour laquelle les bancs de contrôle d’amortisseurs doivent s’accompagner d’une base de données et que la saisie dans la machine des informations concernant le véhicule sont importantes. Elles feront le lien entre les relevés objectifs et les particularités spécifiques au véhicule.

Selon Actia Muller, l’amortissement d’un banc de contrôle d’amortisseur bien utilisé prend entre un et trois ans.

Partager :

Sur le même sujet

cross-circle