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Equipementiers

Eric Fraysse (Garrett) : "Conserver notre position dominante sur le turbo"

Publié le 4 janvier 2019
Par Mohamed Aredjal
5 min de lecture
Le groupe Garrett entre dans une nouvelle ère. Devenu indépendant en octobre 2018, le spécialiste du turbocompresseur entend profiter de son autonomie pour capitaliser sur son expertise tout en développant de nouvelles compétences autour de l’électrification et de la connectivité.
Eric Fraysse, vice-président global aftermarket de Garrett Motion.

 

Après avoir annoncé en 2017 son intention de scinder ses différentes activités en sociétés indépendantes, l’équipementier Honeywell a annoncé, en octobre dernier, l’indépendant de sa branche de transport Garrett Motion. Un nouveau chapitre s’ouvre pour le groupe qui bénéficie d’un marché du turbocompresseur porteur. Eric Fraysse, le vice-président global aftermarket, a accordé à nos confrères du Journal de l'Automobile, son tout premier entretien depuis ce changement capitalistique.

 

Garrett a quitté le giron d'Honeywell au 1er octobre 2018. Dans quel contexte s'est réalisée la manœuvre ?

Eric Fraysse : Le groupe Honeywell souhaitait réorganiser ses activités. Il a diminué le nombre de métiers couverts pour être de fait plus efficace. Quelques divisions comme la nôtre en ont profité. Dans les faits, Garrett fonctionnait déjà en toute autonomie, mais cette indépendance acquise nous permettra de poursuivre notre stratégie de développement avec une plus grande vitesse d'exécution.

 

Le CA en 2017 était de 3,1 milliards de dollars. Quelles sont les ambitions de votre plan de développement ?

EF : Sur la première moitié de 2018, nous avons enregistré une croissance de 7 % et notre premier trimestre en tant que société indépendante, soit le 3e trimestre 2018, nous laisse penser que nous allons achever l'exercice en progression de 5 à 6 % par rapport à l'an passé, hors effet de taux de change. Ce résultat sera au-dessus de la moyenne industrielle. La performance est à mettre au crédit du segment des turbos pour les moteurs essence. Cette activité profite d'une forte demande, en Europe, en Chine, aux Etats-Unis et au Japon, mais également de la concrétisation de projets signés l'an passé. Par conséquent, elle croît de 5 % et pèse 27 % de notre chiffre d'affaires global, à la fin du troisième trimestre. Dans une autre mesure, nous pouvons souligner la bonne tenue de notre activité sur les véhicules commerciaux, qui a tenu ses promesses.

 

En chiffres, quel est l'équilibre entre les régions du monde ?

EF : La croissance est plus forte en Asie et sa contribution au chiffre d'affaires augmente mécaniquement. Nous y réalisons environ 30 % de notre activité de vente de turbos. L'Europe reste majoritaire avec plus de 50 % du CA. L'Amérique du Nord totalise environ 15 %.

 

Quel visage doit prendre Garrett, maintenant que vous êtes totalement indépendant ?

EF : Sur le plan stratégique, nous avons trois axes majeurs. Ils doivent nous amener à tirer profit des transformations auxquelles fait face l'industrie automobile. Tout d'abord il faut garder en tête que nous sommes un équipementier dont le produit atteint un haut niveau de technicité. Il compte parmi les éléments qui aident les constructeurs à remplir les objectifs de diminution des émissions de gaz et de consommation de carburant, sur les différents marchés. Nous avons l'ambition de conserver ce que nous considérons comme une position dominante sur ce cœur de métier de la fourniture de turbos. Il nous faut continuer de proposer des produits innovants sur ce créneau. Garrett a été le premier à adapter la technologie du turbo à géométrie variable sur des moteurs essence, en 2007 chez Volkswagen, à titre d'exemple. Nous le commercialisons désormais avec succès sur de nombreux marchés de différentes zones géographiques. Constamment à la recherche de nouveautés, nous avons déposé plus de 1400 brevets dans notre histoire.

 

Quel est le deuxième axe stratégique ?

EF : Sans surprise, il s'agit de la tendance à l'électrification qui se développe à grande vitesse et provoque l'augmentation de l'hybridation des véhicules. Le turbo a un rôle important à jouer car il peut être générateur d'électricité, car il possède des éléments rotatifs capables de tourner à 100 000, 200 000, voire 300 000 tours/minute. Nous voyons donc apparaitre des e-compresseurs ou des turbos électriques qui permettent de générer de l'électricité à utiliser selon les choix techniques du concepteur du véhicule équipé. Il y avait jusqu'alors deux boites, un e-compresseur et un turbo. Nous avons travaillé à les conjuguer pour obtenir une pièce unique, le e-turbo, qui apporte plus de puissance et un temps de réponse raccourci pour réduire la consommation et les émissions. Nous lancerons sa production de série avec un constructeur, à partir de 2021.

 

Plus concrètement quels seront les débouchés au regard de l'avenir promis aux VE ?

EF : Les e-turbos sont des éléments contributeurs à la stratégie de nos clients, notamment pour leur modèles hybrides. La demande est donc très forte en ce moment, à commencer pour les véhicules haut de gamme. En ce qui concerne les véhicules à batterie électrique, en nous appuyant sur les études des cabinets, nous ne pensons pas qu'ils dépasseront les 10 % de pénétration de véhicules neufs. La pile à combustible nécessite un compresseur électrique, qui ressemble à un turbo en ce sens qu'il compresse de l'air pour la rendre plus efficace. Nous pouvons citer le cas de la Honda Clarity que nous équipons.

 

Quel est enfin le troisième axe stratégique ?

EF : Il s'agit de l'activité qui nous emmènera au CES de Las Vegas, en janvier prochain. Garrett a pris position sur le véhicule connecté. Un sujet que nous abordons à partir de notre propre connaissance et de notre propre expérience, en l'occurrence la maitrise de l'environnement du véhicule, notre capacité à diagnostiquer et à pronostiquer des pannes. Cela doit servir aux constructeurs, à leurs réseaux et à leurs clients. Nous opérons sur cet axe stratégique depuis plus de deux ans et avions commencé en nous rapprochant de la branche aéronautique. Mais ce n'est pas tout. Par connectivité s'entend aussi la sécurisation des systèmes, contre le piratage des véhicules. Nous anticipons la mise en place de réglementations, dans les états où circuleront des véhicules connectés.

 

Des analystes voient le marché des turbocompresseurs gagner 5,4 % par an pour atteindre 15,8 milliards de dollars en 2021. Quel est votre sentiment sur l'évolution de cette gamme de produits ?

EF : Les indicateurs sont effectivement au vert. La croissance va découler d'une explosion du taux de monte, en Chine et aux Etats-Unis, mais aussi en Inde, en Thaïlande, au Japon, en Corée du Sud, en Asie du Sud-est et au Brésil, un pays dans lequel on prévoit des fortes hausses sur les moteurs essence, liées à l'adoption d'une législation plus exigeante en matière d'émissions de gaz. D'une manière générale, la courbe du marché va tenir un moment en phase ascendante, jusqu'à parvenir à un niveau suffisamment haut pour se transformer en marché de renouvellement, comme en Europe. Nous allons aussi vers un renforcement du contenu technologique, ce qui va tirer les prix à la hausse. L'intégration de turbocompresseurs aux modèles de véhicules hybrides achèvera d'asseoir cette tendance.

 

Chez Garrett, que pèse la branche après-vente ?

EF : L'après-vente a représenté environ 11 à 12 % du chiffre d'affaires de Garrett en 2018. Il s'appuie sur un parc de véhicules d'environ 100 millions de véhicules qui gonfle avec l'ajout de véhicules neufs au quotidien. Nous avons une couverture de 180 pays, à travers le monde. A côté, il y a le département Performance & Motorsport, qui connait un essor. Nous étions au Sema Show, à Las Vegas, en octobre, et avons profité de ce salon pour introduire des nouveautés, sur ce marché passionnant. Je ne peux pas indiquer de chiffres sur ce segment car nous ne les publions pas, mais nous retenons que nous avons équipé les Porsche et Toyota qui se sont illustrées au Mans ces dernières années ou les Formule 1 Ferrari dotées d'un e-turbo.

Gredy Raffin

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