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Equipementiers

“Nous avons comme objectif prioritaire la distribution traditionnelle et les services que nous lui devons”

Publié le 19 avril 2013
Par Hervé Daigueperce
9 min de lecture
Philippe Baudin, directeur exécutif Schaeffler Automotive Aftermarket - A la tête de Schaeffler Aftermarket en France, Philippe Baudin prône la proximité comme vecteur de développement et se donne les moyens d’une politique terrain de poids, pour LuK comme pour INA et FAG.
Philippe Baudin, directeur exécutif Schaeffler Automotive Aftermarket - A la tête de Schaeffler Aftermarket en France, Philippe Baudin prône la proximité comme vecteur de développement et se donne les moyens d’une politique terrain de poids, pour LuK comme pour INA et FAG.

Comment se porte le marché ?
Il n’est pas anodin de dire que le monde de l’automobile est en crise et qu’au sein de ce marché, les acteurs Aftermarket sont peut-être ou sûrement ceux qui peuvent le mieux s’en tirer.

Il n’en reste pas moins vrai que si nous considérons les remontées du terrain, le marché est difficile car nécessitant une remise en question permanente pour anticiper les difficultés du quotidien.

Cette règle s’appliquant à l’ensemble des acteurs de notre environnement Aftermarket, qu’ils soient garagistes, distributeurs, groupements et fournisseurs.
Le marché se porte donc bien pour ceux qui voient le verre à moitié plein !

Quels sont vos bras de levier ?
Le groupe est très actif en première monte et cela nous procure ainsi qu’à nos clients l’assurance de leur proposer à l’Aftermarket des produits d’origine et donc gage de sécurité et de pérennité. Nos marques bénéficient de ce “pouvoir” d’attraction que ce soit pour nos familles embrayages LuK VL et PL, que pour INA et l’environnement moteurs ou pour FAG pour les roulements. L’ensemble de ces produits étant de plus en plus technique, et le fait d’être en équipement d’origine démontre tout notre savoir-faire.

Le groupe offre cet élan positif, que génère la relation avec les constructeurs, à l’Aftermarket. C’est rassurant, pérenne et apporte quelque chose de solide à la rechange. Plus le réparateur voit nos marques sur les pièces qu’ils démontent, plus cela draine de la confiance vers nos produits dédiés à la rechange. A titre d’exemple, nous utilisons, sur le marché de la rechange, le fait d’être à l’origine en PL, depuis que nous sommes sur l’ANTOS de Mercedes.

Les marques sont connues mais le nom de Schaeffler bénéficie-t-il d’une véritable notoriété en France ?
A nous de la construire ! Notre structure Aftermarket en France ne date que de 2005. Le travail réalisé à ce jour est, et a donc été colossal pour arriver humblement au résultat qui est le nôtre.

La notoriété de nos marques LuK, INA FAG est forte et elles sont dans l’esprit des réparateurs et distributeurs, un gage de sérieux et de qualité.

Je crois sincèrement que pour nos clients et compte tenu de nos actions de communication, le nom de Schaeffler est directement lié à nos marques. A nous de travailler davantage sur le sujet pour en faire la démonstration auprès des réparateurs, même si les retours sont positifs et encourageants pour une structure en France qui est finalement toute jeune.

Vous avez hérité récemment d’un beau bateau, comment l’avez-vous perçu et qu’est-ce que vous voulez en faire ?
Je l’ai tout d’abord perçu comme une chance et un honneur car le travail de mon prédécesseur Helmut Dechant et de l’équipe a été remarquable.

Pour ce qui est du “que vais-je en faire ?”, je répondrai simplement qu’il ne faut pas changer une recette qui fonctionne. Juste prendre conscience de ce qui a été fait et comment, pour ensuite développer et trouver de nouvelles parts de marché. Il m’a tout d’abord fallu apprendre et comprendre l’ADN du groupe tout en observant les équipes dans leur quotidien pour les aider à améliorer certains process internes ou externes. Ce qui est certain c’est que vous prenez vite conscience du potentiel qu’offre ce groupe et de la force que représente l’ensemble des équipes de par leur implication. La confiance que vous porte votre patron est aussi un point favorable et primordial vous permettant ainsi de réfléchir posément aux mois et années à venir. La réaction pour le jour même serait, à l’inverse, un gage de non-sérénité.

Quels ont été les premiers “chantiers” que vous avez mis en place pour gérer les petits problèmes de croissance ?
Il faut d’abord préciser que la gestion de la croissance peut parfois s’avérer aussi complexe à appréhender que la gestion de crise ! Après avoir partagé avec l’ensemble de l’équipe la vision que j’avais de l’entreprise et obtenu l’assurance qu’elle s’approprie, convaincue, les chantiers que j’avais retenus, le premier chantier a été la logistique. Nous avons ainsi déménagé notre logistique pour lui donner toute sa mesure avec les outils et les process les plus adaptés aux besoins d’aujourd’hui. C’est un énorme travail qui réclame des investissements, que le groupe n’a pas hésité à faire en France, pour que ce marché ait son stock dédié.

En fait nous avons travaillé après un consensus sur 4 grands thèmes : Le commerce, le marketing, la logistique et le back-office. Tout le personnel a été partie prenante dans ces chantiers avec le même objectif : faire un bilan de l’existant et être force de proposition pour tirer tout vers le haut.

Tout cela dans un seul but : la performance pour nos clients.

Nous nous devons de nous paramétrer pour mieux appréhender le futur et les challenges qui sont les nôtres, comme par exemple notre volonté de faire entrer sur le marché des produits comme INA et FAG. Nous voulons affirmer nos différences et dire à nos clients que nous investissons pour eux dans les hommes et les outils pour les aider à vendre mieux et plus.

Une démarche aussi active, “terrain” suppose de nouveaux investissements dans une période plutôt tendue, comment les “faire passer” ?
Alors que presque partout ailleurs, on entend qu’il faut faire plus avec moins, ma direction me demande “de quoi avez-vous besoin pour faire plus” ? A nous simplement de répondre présent par nos résultats. Il devient ensuite beaucoup plus simple d’argumenter pour, par exemple, effectuer des embauches sur le terrain et en back-office. Nous avons donc embauché et notre objectif est d’aller encore beaucoup plus loin, vers un objectif ambitieux mais atteignable. Ce qui nécessite de se dimensionner dans tous les domaines, afin d’être capable d’accepter une masse de progression supplémentaire. Par exemple, s’il faut ajouter une ou deux personnes pour soutenir notre activité PL, nous le ferons.

Pour revenir sur les marques, est-ce que LuK a encore des marges de progression intéressantes ?
Oui, ne serait-ce que par les innovations, sur les bimasse, les LuKBoX, la 2CT, nous créons ces zones de progression. Tous ces produits, très novateurs tant sur le plan technologique que marketing font que des clients viennent chez nous parce qu’ils ne les trouvent pas ailleurs. Notre adaptation constante aux demandes spécifiques du marché comme par exemple : le RepsetPro dédié aux véhicules équipés de systèmes semi-hydraulique.

Nos formations permanentes sur le terrain dédiées aux réparateurs sont aussi une immense opportunité de progression (cet aspect étant valable pour l’ensemble de nos offres).

Quelles sont vos ambitions pour INA et FAG ?
Leur donner la place qu’elles sont en droit d’avoir compte tenu de leur extrême qualité tant sur le produit que sur l’image qu’elles reflètent pour les réparateurs, qui les retrouvent sur les véhicules lors des interventions.

Les deux marques sont, pour moi, commercialement, indissociables parce que nous avons l’opportunité de présenter deux programmes en même temps, l’un sur le moteur, INA, l’autre sur le roulement de roue, FAG, pour faire face à nos concurrents.

En outre, nous entrons aussi, souvent, par LuK, qui est déjà bien implanté. Ce sont des avantages concurrentiels sérieux pour une rationalisation vers laquelle se tournent bon nombre d’acteurs distributeurs. Notre angle d’attaque consiste, alors, à expliquer que nous n’apportons pas qu’un produit avec une remise mais, qu’autour, nous apportons toute une batterie de services. Sans oublier les hommes ! Car, avec trois marques, nous mettons de plus en plus de monde sur la route, ce qui n’est pas la tendance aujourd’hui, personne ne parlant de croissance interne actuellement…

Comment êtes-vous perçus par les groupements de distribution ?
Il me semble, en toute humilité, qu’ils nous voient comme une alternative et une opportunité. Comme ceux qui ont fait le pari de LuK il y a quelques années, qui n’était pas très connu, aujourd’hui ils regardent avec beaucoup d’intérêt les programmes INA et FAG. Agra, Autodistribution, Autolia, Doyen, Groupauto, Précisium (etc.) ont tout de suite vu d’un bon œil notre démarche. D’autant qu’au-delà des conditions d’achat nous proposons des solutions novatrices de dynamisation des ventes au niveau des distributeurs et de leurs clients, comme par exemple nos valises d’outillages spécifiques permettant une fidélisation du garage vers le distributeur (valises que certains clients ont primées dans leurs trophées de l’innovation). Quelques fournisseurs tentent de prendre des parts de marché en cassant les prix, sans rien apporter de plus, j’estime que c’est irresponsable. On doit, tous, faire attention au prix du marché sous peine de le détruire en le tirant vers le bas ; d’ailleurs quand on entre par le prix, on finit par sortir par le prix. La distribution doit évaluer réellement ce que lui apportent les équipementiers qui la soutiennent dans son activité, et valoriser ces moyens mis à leur disposition. Notre force, c’est d’avoir des hommes sur la route, et d’avoir des distributeurs qui apprécient le suivi au quotidien.

Dans le service, il y a la logistique, comment Schaeffler Aftermarket peut tirer son épingle du jeu dans ce domaine ?
Nous avons été jugés un peu sévèrement parce que nous n’apportions pas totalement le service escompté, du fait de notre croissance qui a été beaucoup plus rapide que nous l’escomptions, et pour laquelle notre outil logistique était sous-dimensionné. Sur ce point, nous n’étions pas à la hauteur de nos ambitions et en avons convenu. Depuis l’an dernier, nous avons changé l’outil et le dotons de tous les équipements destinés à le rendre plus efficace encore. Du côté de l’Allemagne, le support logistique a aussi été redimensionné et optimisé. En plus de ces deux sourcings, nous nous appuyons sur les structures de nos clients groupements (les centrales) et sur une sélection de plates-formes régionales dont la mission consiste non pas à faire le travail des équipementiers et encore moins celui des distributeurs mais à les dépanner sur leur zone de chalandise. Nous avons donc obtenu une représentativité nationale et nous pensons avoir un maillage suffisamment complet.

Quels ont été les critères de choix des plates-formes ?
Nos critères ont porté sur l’implantation géographique, la pérennité de l’entreprise, et la capacité de déploiement, l’outil en fait. Nous avons défini une stratégie de déploiement au travers des plates-formes, qui est évolutive et se traduit par un cahier des charges basé sur des droits et des devoirs respectifs. Nous décidons, ainsi, de la légitimité des plates-formes et restons maîtres de notre choix. Nous avons un vœu, c’est de réunir la totalité des plates-formes autour d’une table et que ces plates-formes défendent la stratégie qui est la nôtre, parce que nous aurons réussi à répondre à leurs attentes le plus intelligemment possible (tout du moins nous avons la faiblesse de le croire !).

Au-delà des plates-formes, nous avons comme objectif prioritaire, et comme ligne de conduite, la distribution traditionnelle et les services que nous lui devons. Celle-ci ayant fortement contribué au succès de l’entreprise depuis le début et nous ne l’oublions pas.

La défense de la distribution traditionnelle ferme-t-elle les portes à d’autres acteurs ?
A une époque, certains professionnels comme les centres-autos, les fast-fitters, les plates-formes furent mis au purgatoire. Finalement, tout le monde a trouvé sa juste place.

Il faut tenir compte des évolutions du marché. Tout le monde doit pour autant prendre conscience de son rôle, de ses forces et faiblesses. Quand une porte se ferme, si elle se ferme, il faut se mettre dans les deux positions, la première : pourquoi suis-je dedans ? La seconde : pourquoi suis-je dehors ? Les deux parties pensent avoir raison d’être là où elles sont mais rien n’avance. Il faut donc faire preuve d’écoute et d’aptitude à évoluer dans les pratiques.

Cela nous amène à Internet ?
D’un côté nous avons des distributeurs qui ont raison de protester en voyant les prix affichés sur Internet. De l’autre, des “pure players” qui ont un modèle économique s’appuyant sur de très beaux outils, animés, enrichis, etc. et qui proposent un clic et une livraison. Or il s’avère qu’ils perdent de l’argent, selon les informations qu’on peut lire dans la presse. Donc, d’une part, des gens perdent de l’argent et de l’autre des gens n’en gagnent pas, quelque chose ne va pas !

Parallèlement, il faudrait sans doute simplifier la chaîne de distribution pour qu’elle soit plus compétitive face aux “pure players”. Et si ces derniers ne faisaient pas autant de remises, je suis convaincu qu’ils vendraient tout autant, sans mettre à mal les grossistes et donc le marché. Nous avons un peu l’impression d’assister à une pièce de théâtre.

Qui peut mettre de l’ordre dans ce faux dialogue Internet ?
Bizarrement, je pense que les distributeurs ont raison de penser que c’est aux équipementiers de “mettre de l’ordre”. C’est de notre responsabilité. Et je suis sûr que les “pure players” sont dans l’attente d’avoir un dialogue avec les équipementiers au sens large, car pour vendre sur Internet, il faut bien qu’ils s’appuient sur un travail qui a été fait par l’équipementier. Une marque inconnue ne déclenchera pas d’achats sur le net. Le lien avec le fournisseur est essentiel, inévitable, et il faut, sans doute que l’équipementier soit un bras de levier, amorce une pompe, une dynamique, de manière objective et qu’ensuite, les distributeurs et les “pure players” s’approprient ce bras de levier pour le travailler, et rendre ce changement dynamique. Si les distributeurs, alors, saisissent cette opportunité pour travailler autrement et que les “pure players” décident d’augmenter les prix pour gagner de l’argent, tout est imaginable, mais il faut que les gens se parlent et se comprennent sur les objectifs.

En évoquant la notion de dialogue, le lien avec la Feda est aisé à faire. Quelles sont vos réflexions sur le rôle d’une telle fédération ?
Effectivement, la Feda est le liant du marché, un lien entre les institutions et les acteurs. Je trouve que Michel défend parfaitement les intérêts de notre corporation dans un contexte difficile et a su enlever son costume d’équipementier pour adopter celui de président de la Feda. Mais comme souvent, certains voudraient que la Feda fasse plus de choses ou différemment, et, de même, trop peu de gens se proposent pour venir soutenir les actions, donner un coup de main. Il faut que certains d’entre nous s’investissent davantage auprès de la Feda – du Golda également, comme l’ont fait nos prédécesseurs. Michel Vilatte a fait bouger beaucoup de choses et j’espère que son successeur saura poursuivre les actions, car la Feda défend le collège distributeurs mais aussi, finalement, le collège équipementiers. Et qu’il ouvre de nouveaux débats. La Feda joue bien son rôle, sincèrement, y compris sur les salons.

Un mot, justement, sur Equip Auto ?
Nous y allons, bien sûr, un peu en contre-pied comme ce que nous faisons sur le terrain en gonflant les forces de vente et techniques. Nous allons être et nous voulons être au cœur du garage en partageant notre stand en deux modules. Nous allons essentiellement sur Equip Auto pour les garagistes et aussi pour les distributeurs que l’on voit toute l’année.

Un mot pour finir : j’ai la chance d’avoir une équipe motivée et professionnelle autour de moi qui avance dans le même sens, qui rame en même temps et c’est génial !

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