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Entretien exclusif: Pourquoi Bridgestone achète Speedy !

Publié le 30 mai 2016
Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Sous la traditionnelle réserve de l'approbation des autorités de la concurrence, Bridgestone EMEA fait l'acquisition de Speedy à 100 %. En exclusivité, Laurent Dartoux, Senior vice-président ventes et marketing Bridgestone EMEA, Benoît Raulin, directeur de Bridgestone France et Benelux, et Jacques Le Foll, président de Speedy, nous commentent cette opération d'envergure qui rebat les cartes du marché français. Spicilège.
Jacques Le Foll, Laurent Dartoux et Benoît Raulin

JA :Pouvez-vous revenir sur la genèse du rapprochement entre vos deux groupes ?

Laurent Dartoux et Benoît Raulin: Cette opération traduit la volonté de développement de Bridgestone en Europe et dans ce périmètre, la France représente naturellement un marché très significatif. Toutefois, il ne faut pas y voir une simple opération de croissance externe pour acheter des parts de marché, car il y a aussi des affinités stratégiques entre les deux entreprises. Nous partageons ainsi la même approche du marché focalisée sur le client final. En outre, Speedy fait valoir une très forte notoriété et un maillage très dense, y compris dans la plupart des grandes villes.

Jacques Le Foll: Depuis cinq ans, nous avons amorcé un repositionnement de l'enseigne Speedy en retrouvant la voie de la croissance, par le biais de la qualité et de la confiance. L'impératif de qualité se retrouve dans nos offres, nos prestations et nos centres, notamment avec notre nouvelle identité. Par ailleurs, comme en témoignent nos campagnes de communication télévisuelles, nous misons sur la confiance des clients et mettons en avant nos engagements plus qu'un prix. Nous savons effectivement pouvoir nous appuyer sur une bonne couverture territoriale, avec 480 centres, et on a d'ailleurs coutume de dire qu'un Français n'est jamais à plus de 15 minutes d'un centre Speedy. Cependant, après cette phase de relance, il fallait que nous envisagions de nouveaux relais de croissance. Nous pouvions continuer en tant qu'indépendants, mais l'opportunité offerte par Bridgestone était très séduisante. Surtout quand on la replace dans la perspective des mutations considérables qui sont d'ores et déjà à l'œuvre dans le secteur automobile et dans le domaine de la relation clients. Bref, cela fait un an que nous apprenons à nous connaître et comme l'indiquait Laurent Dartoux, nous avons réalisé que nous partagions des valeurs communes. Notamment un vrai souci de responsabilité sociale, une valeur qui m'est chère. Avec l'appui d'un groupe comme Bridgestone, Speedy s'inscrit dans le long terme et se dote de moyens pour relever les défis futurs que l'évoquais, comme pour faire face à la concurrence des autres références du secteur.

Pensez-vous que l'empreinte grandissante des grands manufacturiers sur la distribution représente inexorablement le sens de l'histoire ?

LD et BR: Cette opération de croissance externe de Bridgestone n'est pas dictée par une réaction par rapport à d'autres groupes. C'est une opportunité de croissance parmi d'autres. La croissance peut être organique, comme le lancement de DriveGuard l'a récemment démontré, ou inorganique. En prenant le contrôle de Speedy, nous accélérons notre développement sur des bases très saines, avec un savoir-faire reconnu et une philosophie renforcée de création de valeur. Et pour répondre précisément à votre question, je rappelle que sur le marché "Tourisme", les manufacturiers ne contrôlent pas tout et les indépendants captent encore une part significative des opérations de montage.

JLF: On peut cependant penser que c'est le sens de l'histoire. Les indépendants peuvent cohabiter avec de grands industriels, mais les indépendants suivent aussi une tendance d'industrialisation.

Allez-vous conserver le top management de Speedy et Jacques Le Foll, naturellement très lié à l'enseigne, va-t-il conserver des fonctions dans l'organigramme du groupe ?

LD et BR: Nous sommes très attachés à la pérennité qui caractérise Speedy et c'est précisément un argument qui a pesé dans les négociations. Dès lors, Jacques Le Foll et ses équipes resteront en place dans la nouvelle structure.

Quels sont les points forts, mais aussi les axes d'amélioration pour l'enseigne Speedy dans son ensemble ?

LD et BR: Comme nous l'avons déjà évoqué, le maillage de Speedy est un atout considérable, au même titre que sa notoriété et ses performances en satisfaction clients. L'activité "Pneumatique" est importante, mais le groupe est aussi très orienté sur les services. Or, ce sont précisément les services qui deviennent déterminants dans le nouvel écosystème automobile

JLF: Le pneumatique est effectivement très important dans la mesure où il représente environ 45 % de notre chiffre d'affaires, mais cette activité a aussi été très bousculée au cours des six ou sept dernières années et les marges se sont érodées. Il était donc aussi important de se diversifier et dans cette optique, l'appui de Bridgestone sera précieux à l'avenir. Parmi les forces de Speedy, on peut souligner la qualité des services, l'agilité d'un groupe qui sait agir très rapidement et en étroite proximité avec ses centres, sans oublier notre centre de formation qui garantit un haut niveau de compétences à notre réseau et un accès aux agréments nécessaires au développement du business (climatisation, VE, etc.).

Comment allez-vous articuler la coexistence entre First Stop et Speedy, même si le positionnement des deux réseaux n'est pas stricto sensu comparable ?

LD et BR: Effectivement, Speedy est orienté vers le grand public en zones urbaines alors que First Stop est davantage positionné sur le BtoB, avec un ancrage important chez les flottes et dans les activités PL, Agraire et Génie Civil par exemple. Les deux réseaux n'ont pas non plus les mêmes implantations. Dès lors, ils sont très complémentaires et ils peuvent continuer à évoluer chacun dans leur périmètre de prédilection. Il y aura aussi naturellement des synergies à faire jouer, au niveau des Achats, de la formation ou des grands comptes flottes par exemple. En outre, il y a encore un réel potentiel de développement des points de vente, car le total de quelque 800 centres ne représente nullement un plafond.

Comment envisagez-vous les prochaines étapes de la digitalisation de Speedy ?

JLF : C'est un dossier sur lequel nous avons d'ores et déjà bien avancé. Nous sommes très proches de nos clients et nous sommes à même de connaître leurs souhaits et leurs priorités. En revanche, nous sommes assez modestes sur notre présence sur Internet et nous pouvons faire mieux dans ce domaine. De nouveaux développements sont donc à attendre, mais toujours avec les impératifs de ROI en juge de paix.

LD et BR: Le développement sur Internet fait partie de nos axes de travail et il devra s'opérer dans la même relation de confiance que les centres Speedy nouent avec leurs clients. Avec Bridgestone, l'avantage est que Speedy va bénéficier d'une vision mondiale et d'un benchmark précis sur les meilleures pratiques. Une démarche que nous menons en lien avec les constructeurs et les grands équipementiers.

Le développement international de Speedy sera-t-il à l'ordre du jour ?

JLF: Notre internationalisation reste modeste et elle est surtout significative dans les Dom-Tom et au Maroc. L'internationalisation nécessite des budgets conséquents et le ROI est lent. En fait, nous maintenons la France au cœur de nos priorités, car nous avons encore du potentiel de croissance sur ce marché. Et avec Bridgestone, nous changeons d'échelle et je crois que cet attelage industriel/distributeur de proximité sera gagnant à l'avenir.

LD et BR: Nous sommes persuadés qu'il y a effectivement un potentiel encore important à exploiter en France. Et nous sommes convaincus que l'alliance Speedy+Bridgestone constituera notamment un argument très attrayant pour des candidats à la franchise.

 

Propos recueillis par Alexandre Guillet

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