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Formation

Formation à la suspension : (petit) investissement amorti

Publié le 19 avril 2012
Par Axel Abadie
7 min de lecture
La question est récurrente et concerne les réparateurs : qu’ont-ils à gagner à se former davantage ? Dans l’offre pléthorique des équipementiers, les initiatives à valeur ajoutée apparaissent ça et là, destinées au distributeur comme au réparateur. Les supports d’information ont vocation à formation, dans un souci d’éduquer l’automobiliste sur l’importance de la réparation préventive.
Pour arriver à une prestation préventive plutôt que curative, et écouler davantage de volumes, les équipementiers souhaitent que l’amortisseur soit considéré comme une pièce de sécurité.

Imaginez : vous êtes chez votre distributeur, entouré d’une dizaine de MRA, autour d’une table de jeu sur laquelle sont étalées des cartes. A tour de rôle, vous répondez comme lors d’un quiz. On approche du principe du jeu de société. Sauf que vous êtes bien en train de suivre un module de formation sur la suspension, imaginé par un équipementier. Le Febi Play, initiative qui porte le nom de son créateur, “permet un échange d’expériences”. Arnaud Pénot, responsable marketing, commente : “C’est très efficace. Cela permet de sortir du côté formalisé des formations dispensées un diaporama à l’appui, suivies d’une séance de questions. Avec ce procédé, l’animation et l’échange sont facilités.”

Typiquement, l’initiative de Febi apporte une vraie valeur ajoutée. Partons du principe que les banderoles, les posters, les deux phases de promotion annuelle sont des modes d’animation considérés comme acquis. Dès lors, comment les équipementiers rivalisent-ils d’ingéniosité, à l’heure où la concurrence ne se fait plus sur les produits, mais bien sur les services additionnels ? Avec quels contenus et sur quels supports concernant la famille suspension accompagnent-ils les distributeurs et les réparateurs ?

Entre formation et information, on parle désormais “d’éducation marketing”. En effet, “éducation” semble plus appropriée, quand l’enjeu se trouve dans la capacité des équipementiers à convaincre les garagistes de ce qu’ils ont à gagner à se former davantage. Se traduisant en l’occurrence dans la nécessité de piqûres de rappel sur l’amortisseur et les pièces en incidence directe sur la suspension des véhicules. Un constat : les équipementiers ont le plus grand mal à faire de l’amortisseur une pièce de sécurité. Or, c’est bien de là que tout part, car si l’automobiliste en a conscience, alors il sera moins difficile de lui facturer une prestation sur les suspensions.

Réparation préventive

C’est la pierre angulaire, selon Christophe Speybrouck, responsable marketing de Quinton Hazell : faire en sorte que l’ensemble des acteurs perçoive l’amortisseur comme une pièce de sécurité. Et l’accent est mis là-dessus en termes de communication. “Après cela, l’activité suivra naturellement, la réparation se fera de façon préventive”, suppose-t-il. Un autre facteur important relève du contrôle technique. Toujours d’après le responsable marketing, “le problème, aujourd’hui, est qu’il n’y a que la fuite qui soumet à contre-visite. Si le contrôle technique considérait l’amortisseur comme une pièce de sécurité, il y aurait inévitablement une prise de conscience générale”.

Même constat du côté de KYB, où Vincent Devaux, assistant marketing, ajoute que “l’amortisseur est une pièce cachée, il faut donc une animation dynamique pour vendre”. Son directeur général, Eric Le Gall, par ailleurs président de la Collective des amortisseurs, appuie ce raisonnement : “Il ne faut pas perdre de vue la triplette pneus/freins/amortisseurs, pour les questions de tenue de route et de sécurité. Mais l’amortisseur est unique, car il n’y a pas de signal en cas de dysfonctionnement, pas de témoin d’usure. D’où l’importance que revêt la prestation préventive, non pas curative.” L’équipementier a constaté que les garages qui arrivent le mieux à se développer sont ceux qui pratiquent le plus de diagnostics et qui ont, par conséquent, compris qu’une démarche préventive est indispensable.

Des constatations qui remontent directement du terrain. Et l’audit est à la mode. “Cela permet de se rendre compte qu’il y a beaucoup d’opportunités qui ne sont pas forcément saisies”, remarque Vincent Devaux. Febi, également, a compris l’importance de cette “prise de température” directement dans les garages. Une équipe d’animation réseau, mise en place il y a deux ans, a réalisé pendant six mois des mesures des performances. “Il est apparu une cassure dans le système de communication aux MRA, puisqu’ils disposaient parfois d’informations divergentes”, analyse Arnaud Pénot. Il détaille ensuite une initiative outre-Rhin : “En Allemagne, une équipe se déplace dans les garages partenaires. Elle reste trois jours et accompagne les équipes sur place afin de les faire progresser.”

Image à l’appui

Afin de vraiment se démarquer, les équipementiers privilégient de plus en plus la vidéo. Elle peut servir à véhiculer des messages concernant la sécurité, ou bien être un support technique lors des réparations. Ce que fait Monroe avec ce média se rapproche d’une démarche d’adhésion à la marque, en interpellant les fans, les “tifosi” dans la bouche du directeur marketing, George-Henry Descos. L’équipementier a fait appel au pilote WTCC Tiago Monteiro pour des démonstrations au volant d’une Seat Ibiza. L’objectif étant de sensibiliser sur la nécessité de remplacer des amortisseurs usés, en prouvant, image à l’appui, que la distance de freinage est plus importante dans de telles conditions.

KYB, de son côté, utilise la vidéo pour le support technique. Disponibles sur son site, quelques clips s’attardent sur des modèles de véhicules qui posent des problèmes récurrents lors du montage d’amortisseurs. C’est un format court qui a été privilégié, autour de cinq minutes en moyenne, durant lesquelles un technicien opère un remplacement. Un gros plan sur la pièce permet de voir les différentes étapes à effectuer, en plus des informations contextuelles relatives à l’outillage à utiliser.

Hors vidéo, cependant, les équipementiers trouvent d’autres moyens dans l’accompagnement des garagistes. Monroe, par exemple, s’attarde sur la pièce avec la mise en avant du Quick Strut. Il s’agit d’une suspension complète prémontée dont le montage est facilité, puisque ne nécessitant pas d’outillage spécifique. George-Henry Descos explique : “C’est entré dans les mœurs aux Etats-Unis, où nous en écoulons un million d’unités, tandis qu’en France, le phénomène est naissant.” KYB a, quant à lui, choisi de mettre à disposition de ses clients un fichier tableur permettant de réaliser un devis rapide. Le réparateur remplit plusieurs cases, indique son taux de main-d’œuvre, ses promotions, coche si le 4e amortisseur est offert. Le formulaire fait le reste, en décomptant dans la liste des tarifs. Du côté de ZF Trading, Gilbert Soufflet, directeur marketing, parle d’un accord européen, depuis deux ans, avec Bosch, pour un accès aux informations techniques intégrées à l’outil ESItronic, en plus du module de formation dédié aux trains roulants complexes.

Bénéfices collatéraux

La formation par l’information apparaît en tant que vecteur de volumes. Elle permet de faire progresser à la fois les réparateurs et les ventes d’amortisseurs – et les ventes additionnelles. Gilbert Soufflet, qui explique travailler en fonction des besoins locaux, rappelle que l’idée d’un tel accompagnement, “au-delà de l’apport du savoir-faire, c’est bien sûr de générer des ventes, du business, d’associer la marque à un produit de qualité”.

Ce sont des outils et supports innovants, qui parfois impliquent un surcoût pour le MRA, au-delà de l’investissement en temps. L’équipementier peut facturer certaines prestations ; le distributeur doit, dans certains cas, suivre le programme complet pour accéder à tous les bénéfices. Et libre à ce dernier de refacturer auprès de son client garagiste. Des coûts indirects aussi, puisqu’à travers le message de prévention est induite la possession d’un outil de diagnostic. Cependant, on a vu que les retombées bénéficiaient à toutes les parties. Ce n’est pas Arnaud Pénot qui dira le contraire, les volumes de ventes du testeur de jeu ayant doublé depuis le lancement du Febi Play.

En trame de fond, et comme l’explique Roland Mensa, directeur marketing de TRW, il y a un travail sur les coûts. L’impératif d’une équipe de vente compétente sur le terrain s’ajoute à une logistique la plus pertinente et la moins onéreuse possible. Et la nécessité de concentrer les efforts de communication au bon endroit : “La communication au grand public, via la télévision notamment, revient trop cher. Nous n’avons pas les budgets des groupements pour cela. Nous préférons exploiter tout ce que le Web met à disposition.” Gilbert Soufflet complète : “Communiquer en BtoC n’a de toute façon pas un grand impact sur les ventes de pièces.” Alors, on distille des argumentaires aux réparateurs, et on rappelle qu’il ne faut pas se frustrer si la vente n’est pas réalisée immédiatement. Le client, bien conseillé, reviendra.

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ZOOM - KYB fournit une fiche de diagnostic

“Amortisseurs usés = danger”, “KYB préconise de vérifier les amortisseurs tous les 20 000 km et de les changer tous les 80 000 km.” En en-tête et pied de page de sa fiche d’aide au diagnostic, l’équipementier KYB envoie deux signaux forts au réparateur, qui vont dans le sens de la prestation préventive. Ainsi, ce support permet de faire un devis rapide et de présenter le contrôle à l’automobiliste. Au début, sont rappelées au réparateur quelques questions qu’il peut poser à son client, et qui peuvent déterminer, a priori, si les conditions d’utilisation du véhicule sont propices à l’entretien ou la réparation des suspensions, amortisseurs et pièces complémentaires. Par exemple, outre le kilométrage ou le dernier remplacement en date, l’automobiliste se verra demander s’il transporte souvent des passagers, s’il entend du bruit, si le véhicule pique du nez au freinage, ou s’il se déporte “par vent latéral ou dans les virages importants”. Le réparateur procède ensuite à l’identification du véhicule et au contrôle visuel. “Fuite d’huile”, “corps déformé”, “silentbloc endommagé”, “corrosion/oxydation” et “usure régulière des pneumatiques” sont parmi les critères déterminants. Dernière étape, le devis, en fonction des observations. Un support à la fois pratique et pédagogique.

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ZOOM - Back to basics

L’éducation par l’information, développée par les services marketing en collaboration avec des techniciens, si elle est un formidable accélérateur de business, reste bien un complément à la formation technique. Les stages développés par eXponentia en rappellent tous les pans. Pascal Renne, directeur du développement de la coentreprise dédiée à la formation, assure que “l’intégralité des technologies sont appréhendées, de l’amortisseur traditionnel à la suspension pilotée”. Et bien au-delà, puisque c’est une démarche de formation globale qui est préférée. “Même si on a un module spécifique, il s’inclut dans la géométrie”, commente Pascal Renne. En effet, les différents stages au catalogue s’attachent aux technologies de toutes les marques, et leur fonctionnement au sein du véhicule. Les éléments périphériques sont au cœur des démonstrations. Mais ces modules techniques anticipent aussi sur les pratiques futures. Selon Pascal Renne, “le support de cours en papier, figé, est un inconvénient.” Ainsi, s’il y a bien des présentations classiques via diaporamas, cela passe également par des tablettes tactiles et la vidéo, qui permet de décortiquer les réactions des pièces au freinage. L’enjeu est de mêler à tout cela les fondamentaux commerciaux, pour que le garagiste voie, au-delà de la compétence technique, son CA augmenter.

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ZOOM - Le guide technique selon QH

Certains pourront se ruer directement sur le lexique, quand d’autres mettront un marque-page à l’étape de “Diagnostic des problèmes dus à l’amortisseur”. Dans un document de 16 pages, Quinton Hazell guide les réparateurs concernant sa gamme d’amortisseurs QH Lip. De manière très didactique, l’équipementier appréhende toutes les questions que pourrait se poser un MRA. De la fonction de l’amortisseur à son contrôle, en passant par le remplacement, ce “Guide technique” est un vrai assistant. Il passe en revue tous les cas de figures. Pour le vieillissement de l’amortisseur, par exemple, QH informe sur l’axe, l’étanchéité, le piston, le clapet, le réservoir ou le tube intérieur. Une exhaustivité qui permet au réparateur de ne rien laisser passer à l’étape de diagnostic, si tant est que l’amortisseur ait été identifié comme source de problème. C’est aussi pour cela que l’équipementier pose la question du contrôle et de ce que cette étape permet de mettre en évidence. En toute fin, on retrouve les différents produits de la gamme et un glossaire, afin de dissiper tout doute sur les différents composants de l’amortisseur.

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