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“La réparation Diesel est intimement liée à la stratégie des équipementiers”

Publié le 23 mai 2013
Par Frédéric Richard
5 min de lecture
Jean-François Niort, qui dirige les établissements éponymes, est aussi président du bureau du Groupe Diesel et Nouvelles Technologies au sein de la Feda. A ce titre, il nous livre son avis d’expert sur le marché de la réparation Diesel et sa confiance en l’avenir pour la rechange indépendante.
Jean-François Niort, P-dg de Niort Frères et président du bureau du Groupe Diesel et Nouvelles Technologies de la Feda.

Comment la réparation Diesel a-t-elle évolué sur les vingt dernières années ?
Le marché a beaucoup souffert au début des années 2000. En cause, la fiabilité des véhicules et, bien sûr, l’arrivée du Common Rail. Il faut bien se souvenir que la rechange indépendante s’est à l’époque globalement un peu désintéressée du sujet, en raison de la communication des équipementiers et notamment de Bosch, qui affirmait que la technologie de Common Rail ne nécessiterait jamais d’interventions mécaniques.

Par la suite, l’ensemble de la filière de réparation a bien compris que, dès lors qu’un problème survenait, certes tardivement dans la vie du véhicule, le coût du remplacement de certains composants des systèmes Diesel se révélait incompatible avec la valeur réelle du véhicule. C’est à ce moment que les équipementiers ont commencé à chercher des solutions de réparation et d’échange standard… Ils se sont structurés, ont mis en place de véritables process de réparation, mais aussi des lignes de pièces de réparation, des formations… Ainsi, aujourd’hui, le champ de réparations possibles s’est considérablement élargi. Même les constructeurs ont poussé en ce sens, car leurs clients trouvaient exorbitants les tarifs des opérations de maintenance sur des véhicules présentant 150 000 km au compteur.

Peut-on tout réparer sur un système Diesel, et ainsi éviter le remplacement à neuf ?
C’est une demande du marché, mais, dans le cadre de la crédibilité de notre démarche et de celle des indépendants au sens large, nous ne souhaitons pas réparer de manière sauvage les injecteurs ou d’autres composants. Il y a des normes et, dans le cadre du groupe Diesel et Nouvelles Technologies de la Feda, nous avons toujours mis en avant la réparation selon le cahier des charges établi par l’équipementier d’origine, gage de qualité et garantie pour le client final. Toutefois, il existe des solutions dites adaptables, mais qui risquent de poser des problèmes de fiabilité.

Quelle est la mission du groupe Diesel et Nouvelles Technologies de la Feda ?
Il s’agit de donner un accès, pour la rechange indépendante, aux outils, formations, informations techniques… pour intervenir sur les systèmes et technologies auparavant réservés aux seuls réseaux de marques. Mais nous avons aussi pour but de faire la promotion de cette activité de diéséliste auprès des pouvoirs publics, de leur expliquer quelle valeur ajoutée nous apportons, et comment nous permettons une concurrence plus juste avec les réseaux de marques…

Cela va bien plus loin que les seules technologies Diesel…
Historiquement, il est exact que, comme le groupe Diesel et Nouvelles Technologies est issu de l’Aitra et, plus loin encore, de l’amicale Bosch, les travaux se sont orientés vers le Diesel. Mais, désormais, nous travaillons aussi beaucoup sur la réparabilité des systèmes hybrides, par exemple. Notre souci est vraiment de donner l’égalité de chances avec les constructeurs.

Pensez-vous que ce message de diversification passe chez les réparateurs ?
Je pense que chacun a bien conscience de la nécessité vitale d’intégrer dans son activité quotidienne les nouvelles technologies au sens large. Sans quoi, c’est la disparition annoncée à moyen terme. D’où l’élargissement de notre champ d’actions aux nouvelles technologies. Je parle là d’entretien et de réparation des systèmes micro-hybrides, par exemple. S’ils représentent aujourd’hui 20 % des commercialisations, ils seront plus de 80 % des nouvelles immatriculations dans trois ans. Il faudra bien des professionnels pour les entretenir et les réparer, en alternative aux constructeurs. C’est maintenant qu’il faut se positionner, pour être prêts quand ces opérations arriveront sur le marché indépendant. Les réparateurs sont condamnés à évoluer sur ces sujets pour sauvegarder leur métier.

Comment êtes-vous organisés, au sein du groupe Diesel ?
Deux entités composent le groupe Diesel et Nouvelles Technologies. Le bureau, tout d’abord, a un rôle plus politique. En lien direct avec les équipementiers, il se charge du lobbying afin de recueillir le maximum d’informations techniques, organiser l’accès aux formations… Ce bureau est composé des grandes centrales d’achat (AD, Groupauto, Starexcel), de grossistes…

Par ailleurs, le groupe se compose aussi d’une commission technique, formée de techniciens, de chefs d’ateliers, de directeurs techniques, etc., dont le rôle consiste à faire évoluer les procédures de réparation, les prix de revient, bref des problématiques de terrain plus précises. Cela permet de remonter de nombreuses informations vers les équipementiers, afin qu’ils ajustent leurs offres et collent, ainsi, au plus près des problématiques de leurs clients de la rechange indépendante.

Quels sont les enjeux de votre métier, aujourd’hui ?
Le premier enjeu est de pouvoir disposer d’un prix de revient de pièces détachées nous permettant de réparer en restant compétitifs. Ce paramètre est lié à la politique commerciale de l’équipementier, qui nous fournit les composants pour réparer ses systèmes. C’est très important, car si l’équipementier ne joue pas le jeu, cela ouvre la porte à l’adaptable, et tout le monde est perdant. Dans un second temps, la problématique de gestion des vieilles matières est primordiale dans notre métier. Cela nécessite de véritables filières de récupération des vieilles matières, sachant que lorsque l’on récupère, il peut y avoir jusqu’à 30 % de “non récupérable”. Il y a donc là une véritable difficulté, qui nous oblige même parfois à réinjecter du neuf pour alimenter la filière de récupération.

Enfin, le troisième enjeu réside dans l’image du Diesel, qu’il faut redorer. Actuellement, la communication faite par les pouvoirs publics indique que le Diesel est dangereux et cancérigène. Si c’est sans doute exact pour les véhicules d’un certain âge, les Diesel modernes, équipés de FAP notamment, présentent des niveaux d’émissions plus que corrects, en termes de particules ou bien du CO2. Ce discours anxiogène est basé sur des études réalisées il y a plusieurs années, et dans des conditions discutables.

Selon vous, comment va évoluer le marché de la réparation Diesel ?
L’une des hypothèses est qu’il pourrait se passer la même chose dans le Diesel que dans le domaine des machines tournantes. Au départ, on remplaçait les démarreurs et alternateurs en prenant les pièces chez les constructeurs. Puis les réparateurs, les ESA, se sont mis à remplacer des éléments à l’intérieur, donnant naissance à des offres d’échange standard sur ces composants. Et plus le temps a passé, plus la démarche s’est industrialisée. Des entreprises spécialisées d’envergure sont nées, mais ont rencontré des problèmes de gestion de vieille matière et ont surtout fini par ne plus être compétitives par rapport aux offres d’E/S des équipementiers. Je pense que l’on peut transposer le modèle au secteur du Diesel. Demain, des industriels vont peut-être et sans doute se lancer en raison des volumes, mais le problème de la gestion des vieilles matières rendra difficile l’industrialisation de la réparation d’éléments, et c’est finalement l’équipementier qui reprendra la main. C’est un métier d’épicier, et il ne faut pas oublier qu’il est piloté par les équipementiers. Ce sont eux qui déterminent les pièces pour la réparation, les tarifs…

Parmi les nouvelles technologies, travaillez-vous sur des process de réparation des nouvelles lignes de dépollution, qui incluent catalyseur, FAP et SCR, par exemple ?
La technicité grandissante des véhicules fait augmenter les tarifs de réparation dans les réseaux de marque, ce qui favorise l’émergence de solutions alternatives de qualité, proposées par les équipementiers d’origine, et mises en œuvre par de réseaux très techniques d’indépendants. Mais nos implications sur un secteur sont aussi dépendantes d’une loi de marché. A savoir que si les volumes sont au rendez-vous et que les tarifs pratiqués par les constructeurs sont prohibitifs, cela justifiera sans doute que les équipementiers mettent en place des solutions alternatives au remplacement pur et dur. Quoi qu’il en soit, c’est toujours l’équipementier qui décide.

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