Après la fête, la gueule de bois (ou plus soft… La fête est gâchée…)
Effectivement cette liberté de choisir son réparateur s’inscrit plus globalement dans la libre concurrence entre les acteurs de la réparation et des services automobiles, sans avoir à subir les contraintes, voire des restrictions imposées par tel ou tel donneur d’ordre.
L’inscription de cet article dans la loi Consommation était donc une bonne chose tant pour les professionnels que pour les consommateurs et méritait d’être applaudie.
Mais une fois la “fête” terminée, force est de revenir aux réalités et ce retour est provoqué par la Matmut, qui se défend d’ailleurs de cette coïncidence malheureuse entre l’adoption du texte de loi et la note qu’elle a adressée aux experts.
Il n’est pas dans nos intentions de porter un jugement sur le fond de la démarche de la Matmut, pas plus que sur les réactions des organisations professionnelles des réparateurs. Les autorités compétentes s’en chargeront le cas échéant mais il faut quand même avoir le courage de regarder la réalité en face.
Si l’on en croit les déclarations des acteurs qui parlent de “liberté de choix de l’automobiliste”, du “droit à la concurrence”, de la “liberté des prix”, “d’entrave à la concurrence”…, qu’en est-il objectivement de cette liberté des prix, du droit à la concurrence et surtout de cette entrave à la concurrence ?
Dans une réparation collision, il y a trois facteurs principaux qui composent le coût de la réparation :
• Le temps de réparation : Il est déterminé, dans l’outil de chiffrage, sur les éléments du barème des temps constructeurs. (temps souvent calculé au plus près qui ne peut être rogné sans dégrader la qualité de la réparation).
Où est la concurrence ?
• Le prix des pièces : il est déterminé encore dans l’outil de chiffrage, à partir des références et des tarifs des seuls constructeurs. (l’entrave à la concurrence est alors totalement flagrante pour les pièces de carrosserie visibles puisqu’il n’y a qu’un seul fournisseur possible, le constructeur avec ses prix tarifés).
Où est la concurrence ?
• Le taux horaire de facturation de la main-d’œuvre : il est propre à chaque entreprise qui le fixe librement.
C’est effectivement le SEUL paramètre sur lequel peut jouer la concurrence (dans une mesure toute relative car le salaire du compagnon ne dépend pas du donneur d’ordre). Il n’est dès lors pas étonnant que les assureurs, qui règlent les factures, s’y intéressent !
Dommage qu’en se focalisant sur le seul “libre choix du réparateur” les pouvoirs publics et le législateur ne se soient pas posé sur le fond la question de la libre concurrence dans sa totalité, à savoir liberté de fixer ses prix de main-d’œuvre, liberté de choisir son fournisseur de pièces et leurs origines, et liberté de négocier avec l’expert son temps d’intervention, en se servant du barème des temps constructeur ou non et selon la réalité des travaux à effectuer et leur complexité. Ce qui d’ailleurs doit déjà être le cas quand il y a réparation de carrosserie plutôt que remplacement d’élément, ce qui correspond sauf erreur au métier de base du carrossier.
Avec un esprit un peu (trop) médisant, on pourrait en arriver à penser que les politiques se sont élégamment défaussés de ce sujet, en octroyant aux professionnels, pour les calmer, un article de loi, qui, même s’il le reformule et le renforce, ne leur coûte pas cher puisqu’il reprend ce qui existait déjà, tout en se gardant bien d’aller au-delà, sur le fond de cette libre concurrence, pour ne pas froisser certains grands acteurs.
Dommage d’avoir raté l’opportunité de plaider la “liberté de choix” totale : du réparateur mais aussi des pièces pour la réparation. Dommage de laisser se focaliser la concurrence et, donc les donneurs d’ordre, sur la seule main-d’œuvre, qui est la vraie valeur ajoutée, le vrai savoir faire du carrossier et qui à ce titre mérite d’être respectée et non pas bradée.
On le voit, les intérêts objectifs de tous les acteurs cités dans cet éditorial convergent vers une libre concurrence étendue aux pièces de carrosserie. Alors, à quand une action commune auprès des pouvoirs publics ?