Ducournau, une affaire de famille
Le transporteur Ducournau, c’est l’exemple parfait de la success story, à l’Américaine ! Le fondateur, Jean-Pierre Ducournau, a commencé dans le transport en 1971 avec un camion Volvo. Sept ans plus tard, un premier tournant pour l’entreprise s’opère. Le dirigeant rencontre alors le patron des cheminées René Brisach, qui lui confie le transport de ses marchandises. Un deuxième camion vient renforcer l’entreprise Ducournau en 1979. Afin de ne pas dépendre d’un seul client, un commercial est recruté pour développer l’activité transport par groupage technique. Le transporteur installe son siège à Flassans-sur-Issole (Var) et, dès 1982, l’équipe se monte à 10 personnes. Année après année, la société familiale n’a de cesse de prendre de l’ampleur, de se structurer et d’industrialiser son fonctionnement.
Aujourd’hui, le groupe Ducournau propose plusieurs services au travers de plusieurs sociétés, réalisant un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros. Ainsi, l’entité Ducournau Jean-Pierre et fils se focalise sur les transports nationaux et internationaux, tandis que Ducournau Transports garde une dimension régionale, que Ducournau Logistique propose 118 000 m2 de stockage. Pour gérer ces entités, chaque fils a choisi sa spécialité. Ainsi, Thierry se concentre sur le transport (P-dg du transport et directeur général de la logistique) tandis que Frédéric se focalise sur la logistique (P-dg de la logistique et directeur général du transport). Jean-Pierre, le fondateur, garde la main sur la partie financière et la relation avec les banques, et survole le travail de ses fils. “La diversification fait partie du métier et se révèle nécessaire pour pallier les activités en baisse, explique Thierry Ducournau. Par exemple, auparavant, la distribution représentait une opération rentable, mais se montre aujourd’hui plus complexe à gérer. Nous essayons actuellement de nous développer sur le porte-conteneurs. La demande existe, avec des tarifs redevenus attractifs, et peu de sociétés proposent ce service. En résumé, il ne faut jamais dépendre d’une activité. Par ailleurs, notre politique consiste à fournir à nos clients un service global, allant du groupage au transport d’une à trente palettes, et nous proposons aussi du stockage et un peu d’affrètement.”
Une diversification salutaire
Pour mener à bien toutes ces activités, Ducournau a bâti sa “cathédrale” à Flassans-sur-Issole, siège social du groupe et plate-forme logistique. Le groupe a également investi au fil des années dans d’autres sites, à Cavaillon (84), Mezieu (69), Gonesse (95) et Douai (59). Le transporteur dispose d’une flotte de 355 camions, toujours Volvo ! Le fondateur est resté fidèle à la marque “historique” du groupe, avec un large panel de modèles : camion à caisse mobile, tautliner, fourgon, frigorifique, camion-grue, rail route, porte-conteneurs, bennes céréalières, fond mouvant, plateau, camion remorque…
“Nous avons changé l’année dernière 100 camions en Euro 5 avant la nouvelle réglementation, explique Thierry Ducournau. Et concernant Euro 6, nous avons d’abord testé un modèle afin d’éprouver sa fiabilité, car ces véhicules conjuguent deux nouvelles technologies. Puis, nous avons décidé d’en acheter 15. In fine, nos plus vieux camions datent de 2007. Nous aurions dû déjà les renouveler, mais le coût unitaire d’un modèle a augmenté de 20 000 euros tandis qu’à la revente le prix a baissé de 10 000 euros. Seule une obligation environnementale nous poussera à les changer à court terme, même si l’éco-taxe semble repoussée pour l’heure.”
En revanche, si les camions ne sont pas renouvelés, il faut les entretenir. Le groupe Ducournau dispose d’un atelier intégré, avec 15 mécaniciens qui permettent de traiter les véhicules six jours sur sept, mais uniquement pour la carrosserie, l’entretien premier échelon et les changements d’embrayages sur les anciens véhicules. “Nous “usons” un camion par semaine environ, précise Thierry Ducournau. Un véhicule coûte en moyenne 1 500 à 2 000 euros par an à entretenir, en incluant les opérations préventives. Ces dernières sont sous-traitées au concessionnaire Volvo, car les procédures se révèlent longues et complexes. Même si nous avons de bons mécaniciens, nous ne pouvons pas les expatrier en formation quinze jours par an. Il faut dire que le groupe doit envoyer en maintenance un camion toutes les semaines en moyenne.”
Ainsi, à 450 000 km, tous les organes clés des camions sont changés, comme l’embrayage, les alternateurs, ainsi que les huiles, incluant une vidange de la boîte.
Le transporteur accueille depuis peu dans ses locaux un mécanicien Volvo qui sert de référent, et s’occupe de contrôler les véhicules et de gérer les pannes. Il dispose également d’une valise de diagnostic de la marque pour effectuer la réinitialisation des capteurs. Pour son approvisionnement en pièces, l’entreprise passe par le constructeur, certaines références restant captives, ou par le groupe Todd France. La politique du transporteur consiste à limiter les stocks, et à s’appuyer sur des distributeurs qui connaissaient ses besoins et le livrent sous quatre heures.
Le cas du 44 tonnes
Toute cette démarche vise à éviter au maximum qu’un camion tombe en panne sur la route. Par exemple, tous les pneus bénéficient d’un traitement anti-crevaison. Mais le risque zéro se révèle impossible, d’autant plus avec le 44 tonnes. “Certes, nous pouvons charger plus de marchandises, mais les véhicules souffrent, et les pièces s’usent prématurément, commente le dirigeant. Par exemple, nous avons eu des jantes qui se sont torsadées ou fendues. Michelin a constaté lui-même les dégâts sur nos camions. Les phénomènes de crevaison lente se révèlent également plus fréquents. C’est préoccupant, car la sécurité de nos chauffeurs est en jeu. Les constructeurs doivent réagir.”
Autre sujet qui inquiète le transporteur, les palettes Europe. Ou plus exactement, le trafic qui en est fait et l’état du bois. En effet, une palette coûte 5 euros. La théorie veut qu’en déposant 30 palettes chargées, le transporteur reparte alors avec 30 palettes vides. Sauf que, bien souvent, le camion repart soit avec une partie seulement du volume, voire à vide, simplement avec un bon pour 30 palettes. Le taux de retour atteint 40 %, selon le transporteur. Il s’est même créé des groupements de sociétés de restitution de palettes ! Au final, il faut souvent bloquer la facture pour se faire entendre.
De plus, Thierry Ducournau tient à souligner le problème sanitaire de ce produit. Si les palettes ont permis d’améliorer le transport, aucune traçabilité n’existe pour savoir ce qui a été stocké sur le bois. “Les palettes sont des déchets que l’on manipule sans aucun contrôle, estime Thierry Ducournau. Nos employés les manipulent et, avec une écharde, ils peuvent attraper des maladies. Ce sujet pourrait pourrir nos relations sociales.”
Le transporteur appelle donc à une législation sur la palette pour que, d’une part, elle appartienne à la marchandise et non aux transporteurs et que, d’autre part, une norme environnementale soit instaurée au même titre que les traverses de chemin de fer qui bénéficient d’un traitement particulier du fait de leur usage.