“Errare humanum est, perseverare diabolicum”
Alors : après les “balladurettes”, les “jupettes” et les “fillonnettes”, aurons-nous droit aux “hollandettes” ? Si l’on en juge par les réactions d’un certain nombre de chroniqueurs de la presse économique et de la presse professionnelle, l’idée soulève plutôt des réactions hostiles frappées au coin du bon sens. “Non à la “hollandette”” écrit Stéphane Lauer dans Le Monde en précisant “les primes, c’est un peu comme l’héroïne : l’addiction est redoutable et le sevrage douloureux” ou encore Daniel Fortin dans Les Echos “coûteuse pour le budget de l’Etat, la prime à la casse s’est avant tout transformée en prime à la délocalisation”. Et encore dans “Après Vente” : “vers une prime à la casse… sans déprimer à la caisse ?”.
Et ils ont bien raison car le bilan de la précédente prime, encore récente, a largement été établi, à commencer par des organismes comme l’INSEE dont on ne peut douter du sérieux. Et les résultats de ce bilan méritent d’être rappelés :
• La prime n’a guère rajeuni le parc et c’est surtout la tranche des 10 à 13 ans qui a évolué. Les véhicules les plus anciens sont toujours là et continuent de vieillir, ce qui, économiquement parlant, s’explique assez facilement. L’automobiliste n’a pas toujours les 10 000 e pour rajouter aux 1 000 e de prime pour acheter une voiture neuve, et dans le contexte actuel, la situation n’est pas prête de s’améliorer.
• La prime a coûté plus d’1 milliard d’euros aux finances publiques (en plus du 1,2 milliard de bonus/malus). Rapporté au nombre de bénéficiaires, c’est un beau cadeau offert à 3 % des automobilistes payé par les 36 millions d’autres qui n’ont pas voulu ou pas pu en profiter. Est-ce vraiment démocratique ?
• La prime a déstructuré le marché du VN avec une sur-représentation des véhicules de catégories inférieures, à faible rentabilité commerciale et surtout, pour l’essentiel, fabriqués hors de France, y compris pour les marques françaises.
• Ce qui explique une bonne partie de la dégradation de la balance commerciale du secteur qui a atteint des niveaux très préoccupants.
• La prime a également eu un impact négatif sur le marché du VO qui lui, était pourvoyeur de marges pour les distributeurs. Merci l’effet “double peine”.
• La prime a eu et aura encore pour plusieurs années des effets négatifs sur les activités des services à l’automobile et de contrôle technique. Rappelons à ce sujet qu’il s’agit de métiers qui emploient 2 fois plus de personnes que la construction automobile nationale. Alors pourquoi casser une activité aussi importante d’emplois nationaux non délocalisables au bénéfice d’emplois industriels qui de toutes les façons seront, au moins pour partie, délocalisés demain dans le sillage des implantations au Maroc, en Algérie ou ailleurs ?
• Sur un plan environnemental, la fabrication forcée de véhicules neufs pour un remplacement anticipé de véhicules n’ayant pas encore atteint leur seuil d’“amortissement carbone” aura eu comme effet de rejeter dans l’atmosphère (7 t de CO2 par véhicule neuf en moyenne) plus que ce qui est gagné par rapport aux émissions des véhicules qui ont été remplacés, sans parler des effets de la déconstruction des épaves accumulées.
Le président de la République actuel, alors qu’il n’était que candidat, avait critiqué la campagne de prime à la casse précédente et l’un de ses ministres évoque “qu’il est difficile d’aller contre le vent négatif du marché”. Surtout que le marché, artificiellement “shooté” à la prime, est en train de revenir à son niveau socle normal pour un pays où le taux d’équipement des ménages est pratiquement à son maximum eu égard aux capacités économiques des acheteurs.
Alors, laissons les constructeurs et leurs réseaux faire, comme il se doit, leur métier de commerçants avec des remises et de bons services adaptés pour attirer les clients et développer les ventes.
Il semble, au vu des performances des différentes marques, que ce soit possible pour ceux qui ont l’image, le produit, la performance, la qualité, capables de répondre aux attentes des clients potentiels.
C’est bien ce qui se fait dans d’autres produits tels que l’électro-ménager ou la HI-FI/TV sans que les fabricants ne viennent tendre la main auprès des pouvoirs publics quand le marché ralentit.
Alors souhaitons que les pouvoirs publics sachent résister aux sirènes “diaboliques” des constructeurs ou au chantage à l’emploi… On a déjà vu ce que cela donnait ! Et réservons nos finances publiques déjà bien tendues pour d’autres meilleures opportunités, notamment en entretien et réparation/collision dont la valeur ajoutée restera sur le territoire national.