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“La mission d’une fédération consiste à apporter à ses adhérents les services qui leur sont nécessaires pour la vie des entreprises qu’ils dirigent”

Publié le 20 novembre 2014
Par Hervé Daigueperce
10 min de lecture
Rassembleur, porteur d’idées fortes et sans crainte pour une ambition personnelle qu’il n’a jamais cherché à satisfaire, Alain Landec s’est déjà fixé plusieurs missions qui semblent frappées au coin du bon sens, mais qui puisent leur source dans une subtilité pragmatique et opérationnelle. Du nouveau à la Feda ? Assurément. Mais pas de vent dans les branches de sassafras, du concret et du collectif !
Alain Landec, président de la Feda.

Qu’est-ce qui a motivé votre décision de devenir le président de la Feda, est-ce qu’on vous a forcé la main ?
On ne m’a absolument pas forcé la main ! C’est une décision que je qualifierais de bizarre. Après quarante-deux ans de carrière, je me suis dit “pourquoi pas”, pensant que mon père, qui était mécanicien, en aurait été ravi, et que cela allait dans le sens de ma vie professionnelle. Et puis, lorsque je me suis aperçu qu’il y avait un consensus qui se créait autour de ma candidature, je me suis laissé porter par cette idée qu’il y avait si peu de personnes à qui l’on faisait une telle proposition que ce serait ingrat de ne pas accepter. Par ailleurs, cela faisait douze ans qu’à la tête de Précisium je fréquentais la Feda, cela m’était très proche et j’avais envie de proposer différentes choses.

Comment expliquez-vous un tel consensus de la part des différents groupements ?
Il me semble que, durant les nombreuses années où j’étais équipementier, j’étais connu pour ne pas être sectaire par beaucoup de distributeurs, comme Jean-François Niort, que j’ai rencontré alors qu’il était tout jeune. En outre, mon rôle au sein de Précisium, de Gefa, m’a sans doute donné une étiquette de “rassembleur”, ce qui est plutôt apprécié dans cette fonction.

Il n’y a pas eu beaucoup de prétendants face à vous, cela signifie-t-il que l’esprit militant se meurt en France ?
C’est une certitude ! Nous sommes dans un monde où l’intérêt particulier prime sur le collectif, comme l’expliquait Pascal Bruckner : “Ce qui caractérise la société aujourd’hui, c’est : occupez-vous de moi et laissez-moi faire ce que je veux.” C’est actuellement valable partout, même le secteur associatif tend à reculer.

Ce qui nous amène sur un autre terrain : quels doivent être le rôle, la mission d’une fédération aujourd’hui ?
La mission d’une fédération consiste à apporter à ses adhérents les services qui leur sont nécessaires pour la vie des entreprises qu’ils dirigent. Et le pilier, c’est la formation. J’ai été quelque temps dans une autre fédération, celle du commerce associé, où la formation s’est révélée comme un vecteur essentiel et structurant dans le développement de l’activité des adhérents, cela est vrai dans tous les secteurs. Nous connaissons les métiers de nos adhérents et, en fonction de leur taille, de leurs besoins, de leur développement, nous devons leur apporter tous les éléments de la formation, commerciale, technique, managériale. Le besoin existe, il faut aller dans ce sens, la formation est vraiment au cœur de tout. A côté, coexistent les services indispensables comme les informations juridiques ou sociales, et les services additionnels que l’on peut apporter telle de l’assurance, ou d’autres qui peuvent être mutualisés par les adhérents. Le premier travail d’une fédération est d’être au contact des besoins de ses adhérents. Si l’on perd de vue cet aspect fondamental, l’adhérent va se demander si le combat que l’on mène, apparemment loin de ses préoccupations, de sa compréhension, va lui apporter quelque chose. C’est une problématique liée à toutes les organisations, comme à la politique d’ailleurs. Mon travail chez Précisium a d’abord été celui-là, écouter les besoins des clients, des adhérents, et y répondre de manière opérationnelle.

Doit-on s’attendre à un nouvel élan à la Feda ?
Je crois qu’il faut faire vivre la démocratie des systèmes. A la Feda, il y a des groupes métiers, des régions. Il faut d’abord avoir des idées, mener des actions au quotidien et pas forcément, justement, pour des combats lointains. Il apparaît nécessaire qu’un groupe métier puisse donner des solutions à des problèmes concrets qui se posent aux adhérents. Si l’on arrive à mettre en place ce type de production, et que l’on communique bien vis-à-vis des adhérents – et de la profession en général –, les adhérents viendront d’eux-mêmes. Faire vivre la démocratie, produire des idées de terrain, pragmatiques, proches des gens… Grâce à cela, on obtient mécaniquement une adhésion des distributeurs et des réparateurs. Une fois ce mécanisme enclenché, et que l’on a généré la crédibilité nécessaire, on peut les emmener vers des combats beaucoup plus lointains et les rassembler autour de soi. Je connais des distributeurs importants (en chiffre d’affaires et rayonnement), qui n’adhèrent pas encore à la Feda, cela est désolant et contre-productif car ils ne sont pas promoteurs des idées fortes de la Fédération.

Vous venez d’ajouter les réparateurs dans ceux qui seraient appelés à adhérer, que voulez-vous dire par là ?
Depuis des années, je m’étonne que les réparateurs et carrossiers pour lesquels les groupements investissent en temps, en formation, en publicité et marketing, soient dispersés dans de nombreuses organisations professionnelles et non pas à côté de leurs distributeurs. L’Unirra* m’avait semblé aller dans ce sens, cela n’a pas abouti pour je ne sais quelles raisons, mais l’idée qu’elle portait, celle d’une filière forte et unie, m’apparaît toujours d’une puissante actualité. Pour que la Fédération soit pleinement reconnue par les pouvoirs publics, les institutions françaises et européennes, par tout le monde, il faut qu’elle parle au nom de tous. Cela m’a toujours paru comme une évidence de raisonnement.

Est-ce possible dans les statuts ?
Cela n’est pas le sujet. Tout dépend uniquement de l’ambition que l’on donne au projet. Si on a une ambition pour la distribution et la réparation indépendantes, et qu’on veut, vis-à-vis des pouvoirs publics et de ses propres adhérents, représenter quelque chose d’homogène, de puissant, de fort, qui puisse nous amener à mener des combats essentiels pour la profession, il faut changer les choses, regrouper les moyens, avoir ensemble plus de possibilités de lobbying, financières, juridiques. Nous avons quand même 6 700 garages sous enseigne ! Après, on se heurte à deux types de handicap, les aspects juridiques et les ambitions des uns et des autres. Il faut que l’ambition individuelle soit gommée au profit de l’ambition collective. A titre personnel, je n’ai pas d’autre ambition que celle-ci et nombre de réparateurs que j’ai vus après la plénière (de Précisium, le 23 octobre dernier, N.D.L.R.) m’ont confirmé dans cette démarche en me disant qu’ils souhaitaient que nous soyons unis, distributeurs et réparateurs.

Lors du dernier CDA, vous avez évoqué les équipementiers comme relevant de ce grand ensemble. Quelle place leur accordez-vous ?
Dans la structure, je ne sais pas encore, dans la finalité cela ne fait aucun doute. Quand on parle de la filière, le distributeur, le réparateur, et l’équipementier aftermarket appartiennent au même métier, c’est ce qui fait, d’ailleurs, le fondement du CDA, sa genèse. Les équipementiers demandent lors du CDA à faire venir les distributeurs, à les faire parler, à échanger avec eux, et ce depuis 1985 ! L’idéal du CDA serait de mettre en scène comme intervenants des distributeurs, des réparateurs et des équipementiers. Tous les problèmes de la filière se rencontrent, se croisent, traitons-les ensemble.

Tout ceci n’est-il pas à mettre en lien avec la représentativité des organisations professionnelles ?
La Feda, qui est au commerce de gros, doit effectivement se rapprocher de la convention collective des services de l’automobile. Elle doit rassembler et prôner l’indépendance des réseaux. Il ne faut pas se tromper de famille, nous sommes les concurrents directs des réseaux des constructeurs, qui sont dans celle du CNPA.

Vous évoquiez la formation comme pilier fondamental d’une fédération, comment voyez-vous l’avenir de l’Afcodma, le département formation de la Feda ?
Je n’ai pas encore eu le temps de tout étudier sur ce sujet. Néanmoins, il s’avère essentiel de construire une offre en formation de base et en formation technique, en formation des jeunes dirigeants comme l’Ecfa. Mais il me semble important aussi d’offrir aux dirigeants en poste, aux patrons, une filière de management, parce que cela répond à une énorme attente des managers, attente que j’ai aussi identifiée lors de mon passage à la Fédération du commerce associé. Une attente en séminaires de formation en management, en gestion des ressources humaines, en gestion commerciale. Les dirigeants de sociétés de distribution apparaissent parfois un peu perdus face aux enjeux d’une entreprise. Il faut que l’Afcodma se repositionne sur les différents segments de la formation et ait une offre forte, perçue par les distributeurs comme par les groupements. Ces derniers ont créé des écoles en interne, mais peut-être parce qu’ils ne trouvaient pas à l’Afcodma tout ce qu’ils en attendaient. A nous de leur composer le meilleur catalogue possible. C’est un sujet passionnant et essentiel, qui nous rapproche de nos adhérents.

Puisque nous parlons des services de la Feda, quel regard portez-vous sur le CDA, ce fameux club dont il est fait le reproche de ne pas accueillir suffisamment de distributeurs ? Et d’abord, comment les fait-on venir ?
Vaste sujet ! Il me semble d’abord important de ne pas travailler tout seul sur le sujet, c’est pourquoi j’ai demandé la création d’un groupe de travail composé, entre autres, du responsable de la commission aftermarket de la Fiev, Bernard Bruneaux, et du président de la commission communication de la Feda, Yves Morize. D’ores et déjà, je peux donner ma vision idéale du CDA, où l’on verrait une personnalité qui serait l’attraction de la manifestation, qui apporterait quelque chose de différent, qui nous donnerait le sentiment d’avoir appris quelque chose. Ce qui nous inciterait à revenir ! On est avides d’idées nouvelles, je citerais, comme exemple, l’intervention, dans un autre contexte, du fondateur de la machine à dupliquer en 3D, fabuleux ! En deuxième point, il faut que le distributeur parle, car sans sujets de distributeurs, pourquoi cela les intéresserait-il, pourquoi viendraient-ils ? C’est pourquoi je souhaite donner la parole aux groupes de travail, dont la mission, celle de coller aux réalités du terrain et de proposer des solutions, serait présentée, discutée lors du CDA. Les équipementiers seraient, je pense, plus intéressés d’écouter leurs clients que d’assister à la présentation de leurs collègues, dans des disciplines qui ne les touchent pas toujours. Par ailleurs, autour d’une problématique d’un groupe métier pour tel CDA, on devrait établir un fil directeur qui déterminerait les autres interventions, et qui attirerait les membres sur quelque chose de concret. Je suis bien conscient que tout ce que je propose là est souvent plus facile à dire qu’à faire ! Mais déterminer un thème, faire en sorte que les entreprises, distributeurs comme équipementiers, se greffent sur ce thème, et que ce thème soit intéressant pour la majorité aura un rôle fédérateur et générera un nouvel élan au CDA. C’est valable aussi pour les régions, faut-il avoir des tables au déjeuner, par région, pour créer de nouveaux pôles de discussions ? Tout est ouvert. Mais il y a une réforme profonde à accomplir.

Faut-il alors développer des sources de revenus plus importantes pour déployer plus de projets ?
C’est un vrai sujet, que j’ai eu à traiter chez Précisium. La première idée consiste à développer des services à commercialiser comme les assurances, des services complémentaires, en termes de revenus, qui viendraient compléter les adhésions.

Quelles sont, parmi les compétences que vous avez acquises dans votre carrière, celles qui vous seront le plus nécessaires pour effectuer votre mandat de président ?
Je répondrais mon expérience de joueur et de capitaine d’équipe de rugby ! Lorsque je me suis mis au sport, gamin, sans véritable modèle, j’ai découvert toutes les valeurs de l’engagement, de la solidarité, du lien. Cela a structuré ma personnalité et a déterminé ma manière de fonctionner. On m’a soupçonné, souvent, d’être carriériste, alors que ce qui m’a toujours animé a consisté à respecter mon engagement envers un projet, une mission professionnelle, mais jamais à favoriser une ambition personnelle. Quand j’ai un dossier à défendre, je me bats pour qu’il aboutisse, au service d’un système, d’une organisation, et non d’un quelconque intérêt personnel.

Mais qu’est-ce qui a orienté vos choix professionnels ?
Lorsque je faisais mes études, ce qui faisait rêver tout le monde à l’époque, c’était le marketing et la communication. J’ai choisi le contraire, le contrôle de gestion, l’informatique et la gestion financière, parce que je me suis dit que j’aurais besoin de ces bases, quelle que soit la profession que je choisirais. J’ai dû, au départ, effectuer le métier de gestionnaire de production, puis j’ai demandé à faire du commerce, puis… j’ai effectué, en fait, tous les métiers de l’entreprise. En passant par gérer le dossier de la distribution moderne (que personne ne connaissait !), donc un peu comme pionnier. Et j’ai fini par arriver dans la distribution traditionnelle, après l’équipement et les groupements de concessionnaires. Dans l’automobile, j’ai réussi à couvrir l’ensemble des métiers, et dans la gestion de l’entreprise, l’ensemble des fonctions, ce fut très enrichissant.
L’autre élément que l’on m’a parfois fait remarquer, c’est que je ne vais que dans des situations difficiles. Cela ne m’intéresse pas de travailler pour gagner chaque année 0,2 % de plus de chiffre d’affaires. J’ai besoin de relever des challenges, de lancer un nouveau projet, de mettre en place des choses qui n’existaient pas, de répondre par des éléments nouveaux à une entreprise en panne sur quelque chose, etc. Je n’ai pas peur de prendre des risques et je ne calcule pas mon action en fonction de risques potentiels.

Alors, quels sont les défauts qui risquent de vous ennuyer pour exercer ?
Mon défaut principal s’appelle les impasses. Quand on prend des risques, on est obligé de faire des impasses. Si l’on considère tous les paramètres autour d’une décision, on ne prend jamais la décision. Donc, on fait des impasses !

Pour terminer, dans quel sens va la distribution indépendante ?
La distribution en général s’est déstabilisée toute seule quand on a considéré les stocks comme une maladie dangereuse, alors que le nombre de références augmentait : les distributeurs ont perdu leur vocation principale, celle d’être des relais régionaux en matière de stock. Dans un deuxième temps, on a déstabilisé la distribution en multipliant de petits groupements, composés par des petits détaillants, qui ont traité directement avec les équipementiers ou ont été alimentés par des plates-formes, dans les années 80-90. Le modèle classique de distribution fournisseur, grossiste, garagiste a été rompu. Et, aujourd’hui, nous subissons la pire des périodes, où tout le monde fait le métier de tout le monde en totale contradiction avec les enjeux de ce marché, qui se veut de plus en plus exigeant du point de vue technique (besoin en formation en soutien technique), commercial (les réseaux), où l’on devrait avoir des distributeurs forts qui relaient des concepts forts (techniques, formation et réseaux). Nous avons donc un marché déstructuré face à des enjeux qui exigent une grande concentration, une grande structuration. C’est pourquoi je dis qu’aujourd’hui, toute initiative de division dans la distribution et la rechange indépendantes, toute initiative de fragmentation, affaiblit les initiatives de caractère commercial et de réseau de l’ensemble de la filière. Car, en définitive, l’arme de la distribution indépendante, c’est la réparation indépendante. Ne fragmentons pas, ne superposons pas d’autres couches qui affaiblissent la rechange indépendante !

Est-ce que cela signifie que vous prenez parti pour la concentration des groupements de distribution ?
J’ai toujours dit qu’il fallait que les distributeurs soient plus forts. Les distributeurs régionaux doivent être forts, ne serait-ce que pour avoir les moyens d’animer leurs réseaux. La concentration des distributeurs, je suis convaincu de cette nécessité, celle des groupements relève plus d’une logique financière que commerciale, mais qui me semble aller dans le bon sens, aujourd’hui, puisqu’elle préserve l’identité des groupements et leur développement.

Michel Vilatte a été nommé comme président honoraire, quel va être son rôle ?
La Feda étant, d’une part, une organisation faiblement structurée, et Michel Vilatte ayant été l’artisan efficace de l’éco-entretien, je lui ai demandé de poursuivre cette action autant de temps qu’il le souhaiterait. Par ailleurs, en ce qui concerne la Figiefa, Michel Vilatte est élu jusqu’au mois de juin prochain, il n’est pas question de remettre ceci en cause et je suis ravi qu’il accepte, là encore, de continuer cette mission. C’est pourquoi il a été nommé président d’honneur.

* Union Nationale des Indépendants de la Rechange et de la Réparation Automobile

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Bio express

Alain Landec travaille dans le secteur Automobile depuis 1973. Il a débuté sa carrière en tant que contrôleur de gestion à l’UNCAC (Union Nationale de Coopératives Agricoles de Céréales).
1973 à 1985 : Chef de service gestion de production et logistique puis chef de service Marketing Fulmen (équipementier automobile) puis responsable des ventes Grands Comptes et de la direction régionale Paris/IDF.
1985 à 1988 : Directeur Marketing Ventes chez Neiman.
1988 à 1992 : Directeur commercial chez Magneti Marelli (Groupe FIAT).
1992 à 2002 : Directeur général de Tecar France et membre du Comité Directeur de Tecar International.
2002 à 2014 : Président de Directoire de Starexcel puis
Précisium Groupe.
Depuis le 16 octobre 2014 : Président de la FEDA.
Formation : IFG – Option Gestion Financière et Informatique.
 

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