“Les exigences des garages sont plus intenses et ils veulent tout, tout de suite”
Pouvez-vous nous présenter votre société ?
Henri Proton. Le groupe Guiproman distribue des pièces VL et VUL sur les départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, des Hautes-Alpes et des Alpes de Haute-Provence. Le siège social est à Aix-en-Provence, au sein de la structure Guiproman B&M, qui réalise un CA de 4,3 millions d’euros. Durand Diffusion, à Manosque, réalise 1,2 million d’euros de CA, tandis que DPL (Distribution Pièces Auto du Lubéron), qui a remplacé Cavasse Electrique Auto depuis un an et demi, fait 600 000 euros. L’ensemble de ces structures est rattaché à la holding Financière Proton, chacune restant ainsi juridiquement indépendante. Les sites gèrent eux-mêmes leurs réapprovisionnements auprès de nos fournisseurs, les synergies se faisant surtout pour les dépannages.
Romain Proton. Notre activité repose uniquement sur du négoce. Nous avons simplement un atelier pour le SAV matériel. Historiquement, nous n’avons jamais eu d’atelier. Cavasse Electrique Auto avait une activité de réparation électronique et de climatisation que nous n’avons pas gardée. La technologie automobile actuelle demande de gros investissements matériels, et il n’est pas sûr que pour nous, novices, cela soit rentable de nous y mettre. Gérer un atelier est un autre métier, notre fonds de commerce, c’est la vente de pièces.
Comment se porte votre entreprise ?
HP. Nous avons bouclé notre exercice au 30 septembre 2012. Après trois années successives de progression, nous avons enregistré un chiffre d’affaires en légère baisse. Cela s’explique notamment par la vente de gros matériels sur 2011, qui n’a pas été renouvelée en 2012. En gommant cette variable, nous arrivons à une baisse du CA de 1 à 2 %. Nous avons connu une activité en dents de scie pendant toute l’année. Aujourd’hui, dans le métier de distributeur-stockiste, sans atelier, ceux qui connaissent une croissance positive sont passés par une croissance externe. A zone de chalandise égale, tous les grossistes ont les mêmes résultats. Nous avons connu cet essor en créant DPL en 2011.
RP. Je suis persuadé que si nous ne trouvons pas un axe de développement en termes de CA, nous aurons tendance à reculer par la force des choses. La concurrence se développe, avec l’arrivée de nouveaux acteurs comme les sites de vente en ligne ou les gros distributeurs qui rachètent des plus petits pour augmenter leur poids auprès des fournisseurs. Pour faire face à ces mouvements, nous devrons passer par de la croissance externe. Après, la question se pose de savoir si nous passons par un rachat, pour obtenir la même surface de chiffre d’affaires tout de suite, avec un historique de structure pas forcément positif, ou par une création, qui demande plus de temps pour récupérer du chiffre.
Vous pourriez aussi vous lancer dans une nouvelle activité ?
RP. C’est beaucoup plus compliqué aujourd’hui de se lancer dans une nouvelle activité qu’il y a une dizaine d’années, du fait du contexte économique plus tendu. Malgré tout, si on n’est pas en recherche permanente de diversification, on éprouve des difficultés. C’est le même schéma que pour la croissance externe et le fait de se développer. Nous devons aller chercher une progression de CA. En plus de l’extension géographique, nous pouvons également ajouter de nouvelles cartes, tout en restant dans notre cœur de métier et nos compétences, le VL et l’utilitaire. De plus, nous nous appuierons sur les outils que peut nous proposer notre groupement.
Comme la peinture ?
RP. Avec le rachat de Brun&Maurin, nous avons une activité peinture et para-peinture que nous avons bien exploitée et que nous comptons encore développer. La grande différence, avec la peinture, c’est que la fidélisation d’un client est plus longue. Il faut retourner le voir plusieurs fois avant de signer un contrat. En revanche, après la phase de tests, quand un carrossier prend notre marque de peinture, il reste fidèle au moins pour trois à quatre ans. Nous travaillons avec Lechler, car ils suivent la même philosophie que nous, une politique d’indépendants pour des indépendants.
Etes-vous impactés par la concurrence en ligne ?
RP. Mesurer l’impact des sites de vente en ligne est compliqué. Il est vrai que nos ventes au comptoir ont diminué, mais d’autres facteurs l’expliquent également. En revanche, il est clair que cela jette le trouble et donne lieu à de nombreuses discussions avec nos clients et nos magasiniers. Notre première décision a été de faire rentrer une seconde gamme, courte, pour répondre aux demandes de prix. L’objectif est bien sûr de chercher à convertir ensuite les clients vers des marques Premium en rappelant l’importance de la qualité OE. Nous n’avons d’ailleurs pas constaté de cannibalisation. Concernant la concurrence des sites, nous faisons face à des problèmes plus ponctuels, lors d’opérations spécifiques qui cassent les prix. Les fournisseurs nous rétorquent qu’ils ne peuvent refuser la vente. Pour autant, ces derniers n’ont pas pris en compte l’impact de cette politique sur le long terme. Les prix du Web sont devenus un référent, alors qu’avant, c’était les tarifs constructeurs qui l’étaient. Le prix est une chose, mais le service compte également. Quand on se trompe en ligne, cela coûte cher, au final. Nous avons d’ailleurs certains clients qui reviennent vers nous après l’avoir testé. En revanche, de notre côté, nous devons également proposer des services en nous appuyant sur le Web, pour gagner en productivité, tel le passage de commande en ligne.
Que pensez-vous du rapport de l’ADLC ?
RP. Le débat sur la pièce de carrosserie nous intéresse fortement, car celle-ci rentrerait pleinement dans nos compétences. D’ailleurs, je ne comprends pas que nous en soyons toujours là. Le rapport de l’Autorité de la concurrence est en notre faveur. Nous devons intensifier notre opposition pour débloquer la situation. Plus rien ne justifie la situation française. Nous suivons de près l’actualité et nous envisageons déjà un potentiel développement de cette activité. De plus, nous nous appuyons sur la campagne contre les idées reçues de la Feda. Nous sensibilisons nos clients pour qu’ils nous informent quand ils ont des problèmes pour accéder à des informations techniques, afin de les faire remonter. Le lobbying se fait autant dans les hautes instances que sur le terrain, avec les concessionnaires. Les indépendants doivent s’unir sur ce sujet pour faire face aux réseaux constructeurs.
Quelle politique fournisseurs adoptez-vous ?
RP. A 98 %, nous sommes tous uniformisés sur les mêmes fournisseurs, avec un approvisionnement directement chez les équipementiers ou auprès de la plate-forme du groupement. Nous tentons de limiter les dépannages sur les plates-formes indépendantes, mais le métier fait que nous devons aujourd’hui répondre au plus pressé. Donc, si nous pouvons répondre à la demande avec le délai de la plate-forme nationale, nous prenons cette option. Sinon, nous utilisons les plates-formes locales. Nous sommes sur une dimension moyenne de distributeurs. Nous essayons de stocker au maximum les gammes les plus longues pour contenter nos clients en direct sur nos stocks. Nous stockons environ 80 à 85 % des gammes de nos fournisseurs. Après, gérer l’équation entre la demande du client, les niveaux de stocks et les dépannages, tout en restant dans le raisonnable, n’est pas évident. Notre taux de service est de 95 %.
HP. Les magasiniers au comptoir ont ordre de ne jamais dire non aux clients. Tous les jours, nous avons des colis qui arrivent des dépôts de Marseille. Toute commande passée avant 10 h 30 arrive chez le client avant 14 h. Au final, nous disposons de 10 000 références chez Guiproman.
Arrivez-vous à faire stocker les garages ?
RP. Les plus gros clients arrivent à stocker. J’ai vu l’évolution depuis 2001 : une majorité des clients qui stockaient hier ne stockent plus du tout aujourd’hui. Nous les avons également amenés à le faire, car nous avons intensifié nos services. Nous disposons de quatre livreurs intégrés, chacun ayant un secteur défini de 25 à 30 km autour du magasin d’Aix. Nous sous-traitons ensuite à un transporteur pour les livraisons plus étendues.
HP. Nous livrons nos clients sur Aix et le Grand Aix quatre fois par jour, ainsi que sur Manosque et Pertuis, nos autres magasins. Pour les clients plus éloignés, nous sommes à deux tournées par jour. Commercialement, et pour fidéliser les achats, nous prenons en charge la logistique. Le temps où les clients stockaient est révolu, les plus gros se contentent simplement de quelques filtres, lampes et balais d’essuie-glace. Bien évidemment, nos coûts logistiques ont augmenté, mais cette réactivité fidélise fortement les garages.
Vous utilisez également les réseaux de Groupauto pour fidéliser ?
RP. Nous arrivons à fidéliser sans panneau, mais il est vrai que nos plus gros clients sont sous le panneau Top Garage. Nous disposons de 24 Top Garage et Top Carrosserie, plus des Garage Premier. Ils représentent le socle de notre chiffre d’affaires. Nous avons d’ailleurs décidé d’embaucher une coordinatrice qui s’occupe à 100 % du suivi du réseau. Cet apport commercial nous permet d’être réactifs par rapport à leurs achats. Depuis 2001, l’état d’esprit des garages a changé. Leurs exigences sont plus intenses et ils veulent tout, tout de suite. Au final, la technique a été supplantée par la rapidité !
HP. Il y a eu une évolution énorme dans la qualité de nos clients. Le réparateur qui bricolait au fond de sa cour, sans pont, avec sa fosse, c’est fini. Les garagistes, qu’importe la taille de leur affaire, gèrent mieux leurs ateliers. Ils sont obligés, de par la technicité des véhicules, d’investir dans du matériel et de la formation.
Quelles actions mettez-vous en place pour la formation de vos clients ?
RP. Nous organisons prioritairement des sessions pour nos Top Garage. Mais dès qu’il est possible de raccorder d’autres clients, nous les leur proposons également. Ce qui est intéressant, et qui rassure, c’est de constater une réelle prise en compte de la formation. Les garagistes réalisent bien l’importance de se former et sont plus attentifs à ce que nous leur présentons. Pour les formations, nous sommes en partenariat avec Exponentia, et pour les soirées techniques, nous nous appuyons sur un fournisseur. Les clients qui sont sous enseigne se déplacent, et sont demandeurs d’informations techniques. Je suis d’ailleurs agréablement surpris par le taux d’écoute. Les réparateurs sollicitent également des formations pour amortir leur investissement dans des outils de diag. La situation économique actuelle les pousse à gagner en rentabilité.
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Romain Proton
33 ans. Pacsé.
2 enfants.
En 1998, Romain Proton obtient son bac ES et continue sur un IUT Technique de commercialisation, en alternance au sein du Comptoir de l’Automobile, à Avignon.
Il enchaîne avec quelques mois à Londres, avant d’intégrer le 24 septembre 2001 la société familiale, pour prendre en main l’animation des réseaux dans le cadre d’un 2e cycle d’alternance en école de commerce à l’Idrac de Montpellier.
En 2003, il termine sa formation et devient commercial au sein de la structure, se préparant au fil des mois à prendre la succession de l’affaire familiale.
En 2006, Henri Proton part à la retraite, lui laissant le poste de directeur général.
Henri Proton
66 ans. Marié.
Deux enfants.
En 1974, Henri Proton intègre le monde de l’automobile comme vendeur garage chez Bendix, passant ensuite inspecteur, puis chef de région.
En 1980, il monte Guiproman, l’abréviation pour Guisano, Proton, Mandine.
En 1995, Mandine prend sa retraite et Proton rachète ses parts.
En 1996, il rachète Durand Diffusion, à Manosque, pour améliorer la zone de chalandise.
En 1998, Guisano part à la retraite, Proton rachète l’intégralité de la société.
En 2000, il rachète Cavasse Electrique Auto, à Pertuis.
En 2001, il rachète Brun Maurin.
En 2002, fusion de Guiproman et Brun Maurin. Création d’un Etape Auto à Saint-Maximin, dans le Var.
En 2006, Henri Proton prend sa retraite, devenant travailleur non salarié.