“Nous ne sommes pas que des entreprises de logistique !”
FOAI est une affaire récente dans la profession, a-t-elle gardé le même visage depuis sa création en 91 ?
Quand la société est créée, en 91, c’est un tout petit magasin de négoce de pièces, pas très loin du site d’aujourd’hui, qui est vite renforcé par une autre affaire, toujours de pièces, à Vineuil (à côté de Blois), dès 94. Puis, vient le moment d’agrandir, et, en 98, c’est notre adresse actuelle qui est retenue, plus spacieuse et dans laquelle on réunit le commerce des pièces et un atelier 100 % PL. Pour mes beaux-parents, il s’agit d’un vrai virage vers l’activité PL, via deux grandes familles, le chronotachygraphe et le freinage PL, alors que, jusque-là, l’activité n’était que VL.
Lorsque vous arrivez, la structure VL/PL de Romorantin, plus VL à Vineuil n’a pas bougé ?
Jusqu’en 2005, les choses n’évoluent pas fondamentalement mais après la confirmation, par une rapide étude, de ce que je pressentais, je décide de transformer l’activité atelier PL qui n’avait pas beaucoup de sens dans une région aussi isolée, qui plus est sans flottes d’entreprise à prendre, en un atelier dédié au VL. Là encore, je spécifie autour de trois familles, le diagnostic, la climatisation et la rectification, d’une part, pour apporter un service, de la valeur ajoutée à mes clients, d’autre part, pour pérenniser l’entreprise car on sait bien que sans technique, le métier devient très difficile. L’objectif étant, également, d’apporter de la sous-traitance à nos clients. Et c’est pourquoi, nous avons créé le poste d’assistance Diag, dont le technicien est aussi notre “homme réseau”.
Les deux sites ont-ils des ateliers ?
L’atelier n’a sa place qu’à Romorentin car nous disposons de 1 300 m2 alors qu’à Vineuil le magasin prend les 450 m2 de l’espace total. En revanche, le mode de fonctionnement est identique et le stock presqu’au même niveau, compte tenu du fait que Vineuil est situé à côté de Blois, riche en concurrence… Mais nous arrivons à tirer notre épingle du jeu, sans doute parce que nous avons fait de la relation clients une priorité - et ce qui prouve que la logistique, seule, ne suffit pas. En effet, j’ai opté pour une polyvalence complète des personnels (hors les responsables de site), ce qui signifie que le magasinier va voir le client, que le chauffeur-livreur s’occupe du magasin ou du comptoir… tout le monde (18 personnes en tout) comprend les problématiques des autres et surtout des clients. Et cela fonctionne, car nous avons des progressions à deux chiffres !
Quelle part représente l’atelier dans votre chiffre d’affaires ?
Nous réalisons un chiffre d’affaires annuel de trois millions d’euros, environ, soit deux fois ce qu’on faisait en 2000. L’atelier ne représente que 10 % du CA, ce qui me convient dans la mesure où cette activité amène aussi du chiffre au magasin, tout en étant bien positionnée comme une sous-traitance afin de ne pas faire concurrence à nos clients.
Est-ce qu’un distributeur, en région plutôt rurale, peut survivre sans atelier ?
Nos amis équipementiers nous ont fait croire, pendant des années, que notre rôle était purement logistique, c’est-à-dire amener la bonne pièce, le plus vite possible à nos clients professionnels. C’est, certes, l’une de nos missions mais pas la seule, parce que nous avons un rôle de conseil, de technique, de formation, d’information etc. auprès de nos clients, qui, eux-mêmes, ont la même mission auprès des consommateurs. Partant de là, il faut faire en sorte que le garagiste ait tous les moyens de faire son métier, donc acquiert du savoir technique, et du savoir-faire de vente. Le schéma purement et seulement logistique n’est pas viable, parce qu’on n’apporte pas de valeur ajoutée en tant que distributeur. Si on n’a pas une offre globale à apporter à notre client, cela deviendra compliqué pour la distribution.
Mais n’est-ce pas le rôle du groupement d’apporter ces services que les équipementiers selon vous, vous délèguent ?
Mais ce sont les groupements qui, justement, ont apporté tous les moyens aux petits et moyens distributeurs que nous sommes. Et le groupement nous procure ces services en plus de la logistique puisque notre centrale est aussi une grosse plate-forme, avec 11 millions de stocks, soit une réponse aux besoins des distributeurs “classiques” que j’évalue à 90 %. Sa deuxième mission, consiste à apporter une valeur ajoutée en marketing, ce qui devient prépondérant pour nous. Et dans le marketing, il y a des actions, des études et aussi des réseaux ! Individuellement, nous sommes incapables de monter un réseau avec un contenu, des accords, des services, un catalogue électronique et cela, de surcroît, au niveau national.
Dans votre atelier, quelle est l’activité principale, la plus nécessaire ?
L’activité la plus importante porte sur le diagnostic, bien sûr. La rectification est un service plus mais reste très secondaire et relève du dépannage. Quant à la climatisation, elle pose problème aujourd’hui, du fait de la normalisation. Avant le début juillet, il faudra obtenir les attestations de capacité et d’aptitude, c’est là que commenceront les contrôles… Notre activité de sous-traitance, à ce moment-là, va considérablement augmenter puisque nombre de garages vont arrêter la climatisation à cause des contraintes normatives et aussi, un peu, des investissements à faire. Mais soyons précis, l’atelier, je ne le prends pas vraiment comme un centre de profits mais comme une carte services. Cela ne nous empêche pas de faire du profit, mais ce n’est pas l’objectif premier. Un distributeur qui n’est pas un peu technique aura du mal à soutenir ses clients et aussi à vendre de la pièce technique, ce que l’activité diagnostic favorise.
Pourquoi avoir privilégié le groupement Starexcel-Autolia plutôt qu’un autre ?
C’est d’abord historique, puisque l’entreprise, à l’origine, adhérait à Copafa. Par ailleurs, dans les arguments que je retiens en faveur de Starexcel, se trouvent, bien sûr, les conditions et le mécanisme de redistribution que la coopérative avait mis en place et que l’on retrouve dans notre nouveau cadre. Tout euro gagné par Starexcel était redistribué aux adhérents. Ensuite, Starexcel avait pour valeur fondatrice, un esprit de famille, qui se traduisait à la fois par la convivialité et par une vision entrepreneuriale commune. Ce qui est encore sa force aujourd’hui.
Quelles sont les actions du groupement vers lesquelles vous vous sentez le plus proche ?
La plate-forme de distribution de Starexcel met à la disposition des adhérents toutes les familles de produits, y compris la peinture, c’est primordial pour nous. En 2e, l’activité réseau, qui est un élément fondamental du groupe, séduisait, il y a encore peu de temps, seulement 70 adhérents qui développaient le réseau, maintenant, ce sont 130 adhérents qui, d’une manière ou d’une autre animent les réseaux. Et cela était attendu par les garages qui avaient tous un besoin de communication, par rapport à la nouvelle distribution, mais aussi à la communication des constructeurs. En outre, les garagistes sont assez seuls dans leurs affaires et les réunir chez leur distributeur, au-delà de la fidélisation inhérente à ce genre de démarche, favorise le fait qu’une profession se reconnaisse et communique. Aujourd’hui, nos Précisium se connaissent, s’appellent, se demandent des informations techniques et des aides, un lien a été créé… un réseau !
Et que vous inspire la venue d’un “étranger” chez vous, sous forme d’un fonds d’investissement ?
La venue d’un partenaire ! Elle était sans doute inéluctable et elle est inéluctable dans tous les groupements parce qu’une structure coopérative n’avait pas les moyens de son développement aujourd’hui. Et même si cela ne s’est pas véritablement produit, nous voulions anticiper les effets du papyboom et les reventes des entreprises. Dans cette perspective, il s’agissait de pouvoir aider au rachat des entreprises de nos membres pour conserver des parts de marché, le temps qu’un autre adhérent puisse se déclarer. Pour cela, il nous fallait un partenaire financier et nous avons eu la chance de trouver un fonds d’investissement, qui soit aussi un actionnaire actif. Pechel Industries est à côté de nous, littéralement, et apprend notre métier comme nous apprenons le sien, ensemble. Tout ne se règle donc pas dans un conseil d’administration autour de chiffres mais entre hommes.
Starexcel est-il à même d’acheter d’autres entreprises et songez-vous à créer une part de fidélisation ?
Nous sommes, aujourd’hui, capables d’acquérir des sociétés mais en aucun cas dans le but de filialiser, ce qui serait contraire à la philosophie de notre groupement. Les filiales que nous avons créées n’ont été envisagées que dans le cadre du portage.
Depuis que vous êtes entré chez Starexcel, vous avez assisté au regroupement avec le Gefa, (puis à son rachat) et avec Agra, ensuite avec Temot France et Flauraud et aussi Careco, le tout sous la bannière Autolia, vous sentez-vous encore chez vous ?
Starexcel, seul, sur la scène internationale n’avait pas la taille suffisante. Dans le cadre d’une organisation comme Autolia, nous pouvons nous rassembler et adhérer à un groupe international pour rencontrer les équipementiers sur un plan européen, pour consolider les relations et accéder aux mêmes canaux et niveaux d’information européens que nos deux grands collègues.
Avec 22 000 références en stock chez vous, et celui de la centrale de Starexcel, avez-vous besoin de vous approvisionner auprès de plates-formes régionales ?
Extrêmement peu et ce n’est pas par politique. D’une part parce que je dispose de deux stocks, le mien et celui de Starexcel et d’autre part parce que je suis approvisionné par certains équipementiers en compte direct. Pour l’hyper longueur de gammes, je reconnais m’approvisionner auprès des plates-formes mais cela représente à peine 10 000 euros d’achat sur un an ! Je fais davantage de chiffre avec des plates-formes spécialisées, comme NPS par exemple (Nippon Pièces Service, N.D.L.R.) ou Allmex (pièces américaines). Mais la plate-forme généraliste, qui me propose comme tout le monde, Bosch, Valeo, LuK, Purflux, Mann… cela ne m’intéresse pas et ne correspond pas aux besoins d’un distributeur - stockiste.
Pour vous, quel doit être alors le rôle d’une plate-forme, même si vous répondez déjà en grande partie à la question ?
Très honnêtement, un distributeur-stockiste n’a pas besoin d’une plate-forme. Les plates-formes généralistes n’existent en France, uniquement parce que nous avons deux types de distributeurs, les stockistes et les jobbers. Cela conduit à un effet pervers, la multiplication exponentielle des plates-formes. Quand, sur certaines villes, vous avez autant de grossistes que de plates-formes, cela pose un réel problème de survie pour elles et un appauvrissement de notre filière. C’est pourquoi, je suis convaincu que la position des plates-formes entre les fournisseurs et nous est préjudiciable aux groupements qui vont se retrouver coincés entre les équipementiers, les distributeurs et les plates-formes. Et si les jobbers prennent de l’ampleur, ils n’auront, quand même, jamais les moyens d’investir dans la formation et les services etc. Et notre métier va s’appauvrir au bénéfice unique de notre réel adversaire, le constructeur.
Quelle position prenez-vous vis-à-vis d’Internet ?
Ce media existe dans toutes les activités, donc pourquoi pas pour l’automobile. C’est un business comme un autre, mais qui pose le problème du référencement prix. Cependant, je ne comprends vraiment pas pourquoi les groupements ne sont pas sur Internet. Comment se fait-il que Darty ou Boulanger aient un site de ventes et co-existent avec CDiscount ou Prime Minister, pourquoi Carrefour, Auchan ont un site de ventes qui co-existent avec Aldi ou Lidl. Pourquoi, dans l’automobile, AD, Groupauto ou Starexcel ne seraient pas capables de co-exister avec Oscaro, Webdeal auto, etc. c’est une aberration. Evidemment, nous sommes en réflexion… J’attends, comme l’écrivait Kundera dans un contexte historique, le lever de rideau. Ou le lever du voile de l’hypocrisie. Dans notre sphère automobile, on aime bien faire croire au consommateur que le garagiste est un maréchal-ferrant. Le maréchal-ferrant faisait ses fers pour les chevaux et on veut faire croire que le garagiste fait tout, qu’il fabrique ses plaquettes de frein, le soir dans son atelier, qu’il a du stock, y compris des pièces de constructeurs. Le garagiste est une profession en France qui gagne le moins d’argent sur sa main-d’œuvre et le plus sur la pièce. Je n’y vois pas de question morale sauf que le consommateur, quand il va sur Internet, découvre que d’autres savent vendre aussi des pièces automobiles. Et pas cher. Il ne comprend donc pas que le garagiste lui vende la pièce 50 fois plus cher. Si on levait le voile de l’hypocrisie, on dirait que le garagiste est un prescripteur de services, qui vend de la main-d’œuvre, de la technique mais achète ses pièces : disons au consommateur chez qui il les achète. Nous aurions une clientèle de particuliers qu’on alimenterait en pièces que le garagiste monterait moyennant une prestation (je sais, cela semble utopiste). Je ne vois pas ce qui est choquant là-dedans. On m’objectera que le garagiste ne peut pas vivre qu’avec sa seule prestation ; certes, avec 40 euros de l’heure en moyenne, il ne le peut pas. Si demain, il vend à 80, il s’en sort…
Si Starexcel se décide de faire un site de ventes, comment gérerez-vous cela sur le terrain ?
En premier lieu, ce n’est pas un site de ventes qu’il doit faire - du moins pas celles-ci. A l’heure actuelle on a le modèle Oscaro qui inhibe les gens, qui pensent qu’il n’y a rien à faire. Mais c’est l’inverse qui est vrai : nous avons beaucoup de choses à faire sur un site, comme vendre une prestation - on a tous des réseaux -, valoriser les réseaux, faire de la mise en relation et prendre des rendez-vous comme on le fait dans la nouvelle distribution, et rediriger vers le distributeur. A chaque distributeur d’adhérer à une action du groupement ou à une promotion nationale. Le consommateur a le choix et peut retrouver son point de vente de proximité. Maintenant, le reproche que je pourrais faire aux groupements c’est de ne pas y être allés dès le début.
Est-ce que la pièce d’origine contribue encore à faire vendre aujourd’hui ? Et le garagiste poursuit-il cette démarche ?
Ma politique consiste à mettre en avant les équipementiers d’origine, d’abord parce que c’est un gage de qualité et parce que la marque est très importante, aussi, aux yeux du client. Je vends des MDD mais avec beaucoup de mesure et sur certains produits très ciblés, sur des marchés d’appel, sur le fond de parc… Je suis convaincu qu’on ne sait pas, dans l’automobile travailler la MDD parce que nous en faisons “un premier prix” alors que c’est une erreur fondamentale et stratégique. La MDD est conçue pour dégager de la marge. Pour faire du prix, il faut une troisième strate, le premier prix, ce que l’on n’a pas toujours dans l’automobile. Dans l’automobile, on se sert de la MDD pour prendre des parts de marché en cassant les prix, c’est antinomique. La MDD doit être dépositionnée mais pas bradée. Mais dans l’automobile, c’est ce qui est fait ! Et l’origine, c’est aussi la formation, l’accès aux informations, l’accompagnement terrain, les fondamentaux de notre métier. En fait, une vraie relation de partenariat comme pourrait l’illustrer, par exemple Exponentia.
Que donnez-vous comme rôle à la fédération ?
Un syndicat professionnel est une absolue nécessité parce que dans une profession, il faut qu’on se parle, or, pour se parler entre concurrents, si on ne dispose pas d’un médiateur, le dialogue est quasiment impossible. Puis, il y a les actions de la Feda, qui ont permis d’engranger des résultats pour la profession qui sont loin d’être négligeables. Le règlement européen mais aussi l’éco-entretien, et le fichier AAA sont des acquis fondamentaux pour la profession. Sans compter la synthèse des aspects juridiques, sociaux, et commerciaux de nos métiers dont nous bénéficions avec le prix de son adhésion et en un temps record ! On se demande pourquoi, autant de distributeurs sont encore en dehors de la Feda ! Il faut vraiment faire du prosélytisme au sien des groupements pour que tout le monde adhère.
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Bio Express
50 ans
Atypique, Jean-Philippe Gobert commence par une licence de droit et un diplôme de Sciences Po.
Part enseigner l’administration publique en Colombie dans le cadre du VSNA (coopération), pendant un an.
Poursuit son séjour à l’ambassade de France de Bogota, un an et demi, en remplacement de leur attaché culturel.
Rentré en France, prend un poste de chef de département achats et vente, en hypermarché, secteur “bazar” et électroménager, au siège de Casino, à Saint Etienne. Puis chez Rallye, à Tours.
Les années suivantes, dirige des magasins de meubles (Monsieur Meuble) dans la région de Bourges.
Rencontre sa future femme, qui est la fille des fondateurs de l’entreprise, des “transfuges” de l’AD qui avaient créé leur propre affaire, en 91. Déclare que sa venue dans l’automobile est une histoire d’amour !
Reprend avec sa femme l’entreprise en 2000. Pendant deux ans, assure la direction commerciale jusqu’en 2002, date à laquelle Patrice Godefroy lance un appel aux bonnes volontés pour venir au chevet de Starexcel. Lance sa candidature dans le cadre de la création d’un nouveau conseil de surveillance et devient membre du conseil. Doit donc, pour cela, être mandataire social et prendre la gérance de FOAI. “Les distributeurs ont un intérêt majeur à être au sein d’un groupement”.
Depuis, gère les affaires de Romorentin et de Vineuil (créé en 94). Est président de la Feda Centre, depuis 2010.