TechTruck, la disponibilité et l’identification des pièces pour tous les ateliers
Ala suite de ses études d’ingénieur, Yves Delorenzi entre chez DAF comme inspecteur technique. A l’époque, en 1982, les constructeurs se focalisaient bien plus qu’aujourd’hui sur cet aspect de l’activité. “Nous étions douze sur le terrain, alors qu’aujourd’hui, ils ne sont plus que deux. Je m’occupais alors des problèmes de garantie, de développement réseau, en direct sur le terrain.” Arrivé plus tard à la responsabilité du service pièces du constructeur, intégrant la gestion du magasin, de la logistique, et enfin des services associés, il comprend rapidement que “l’atout du constructeur se trouve dans sa capacité à donner de la valeur à sa pièce, par la technicité”. Un constat qui se révélera primordial pour la suite…
Au bout de sept ans, en 1999, les sirènes de l’Autodistribution PL détournent Yves Delorenzi, qui devient alors patron de l’activité poids lourds du groupement. “J’y ai découvert le monde de l’aftermarket et la relation équipementiers”, décrira-t-il. Un changement de culture radical, puisque derrière une pièce il ne s’agit plus de gérer une simple référence, mais également une marque, un fournisseur. Durant cinq ans, il perfectionne son approche, contribue à la mise en place du portail Truckissimo, de la marque Isotech ainsi que des garages AD PL.
“J’étais toutefois resté très “constructeur” dans ma culture. La découverte de l’Autodistribution, de son organisation, ainsi que la relation équipementiers et leur expertise technique m’ont donné envie d’apporter toute cette expérience dans le réseau constructeur, et c’est comme ça qu’a démarré TechTruck, pour réunir le meilleur des deux mondes”, analyse-t-il aujourd’hui.
Avant de lancer TechTruck pour son propre compte, Yves Delorenzi avait proposé une évolution en ce sens à l’Autodistribution, mais le groupement n’a pas souhaité s’inscrire dans cette dynamique de mélange des genres… Dommage, quand on voit combien les acteurs de la rechange rêveraient d’arborer une marque sur leur façade, tandis que les réseaux constructeurs adoreraient bénéficier de la caution multimarque sur leurs frontons… Fin de la parenthèse. Yves Delorenzi quitte donc l’AD en 2004, et engage le montage du projet.
“J’ai repris contact avec des anciens collègues de DAF, avec lesquels nous avons décidé de construire le portail TechTruck, spécifiquement conçu au départ pour l’organisation des concessionnaires. Il nous fallait choisir un positionnement, car les services après-vente poursuivent des buts différents. La rechange indépendante focalise son attention sur la vente comptoir, tandis qu’en rechange constructeur, on travaille plus sur la partie atelier.”
Un concept à la croisée des chemins
A la base, l’initiative consiste à proposer un portail permettant de trouver la bonne pièce au bon moment, au bon prix, qu’elle soit d’origine équipementier, constructeur ou équivalente à l’origine. C’est en fait une centrale de référencements pour les concessionnaires. TechTruck référence donc des équipementiers (un par fonction) et, de plus, propose le référencement de tous les constructeurs PL, avec tous leurs tarifs. La cohabitation de ces deux sources nécessite un gros travail de croisement de références, de qualification, afin de faire correspondre les bases. Au final, un client qui recherche une pièce visualise la référence constructeur, son prix, mais également la correspondance équipementier et, au final, il choisit ce qu’il veut commander en ligne.
Fonctionnement simple, structure légère
Une fois que l’affilié TechTruck a choisi sa pièce, il valide son panier, et le système informatique génère directement le bon de commande chez le fournisseur, qui livre et facture le client lui-même. “Si la demande de facturation centralisée émanait de nos adhérents, nous considérerions la question, mais aujourd’hui, ils ne sont pas submergés de factures, donc cela fonctionne bien en l’état. Cela nous permet d’avoir une structure plus légère. Notre métier consiste plutôt à référencer des fournisseurs, à enrichir la base et à animer le réseau”, estime Yves Delorenzi.
Et si notre homme parle de réseau, c’est avant tout parce que, lorsqu’il signe un contrat avec un adhérent, il lui donne l’exclusivité de l’utilisation de sa plate-forme sur son département. Un véritable avantage concurrentiel, mais qui limite mécaniquement le développement de l’outil au nombre de départements en France, donc une centaine d’adhérents, alors qu’il existe environ 400 concessions PL aujourd’hui dans le pays.
Bien entendu, une telle initiative fait un certain tort aux groupements en place, puisque les concessionnaires qui passent par TechTruck pouvaient auparavant être amenés à se fournir chez eux. Toutefois, il leur arrivait également de se fournir dans une gamme multimarque d’un constructeur, et le business échappait alors à toute la rechange indépendante…
Grâce à TechTruck, ce chiffre revient soit sur des plateformes, soit même chez des distributeurs, car les ventes ne se font pas systématiquement en direct équipementier.
Quant aux constructeurs, après quelques rounds d’observation, ils considèrent désormais que, dès lors qu’un concessionnaire devient capable de faire venir d’autres marques dans son atelier ou de vendre des pièces de sa marque à d’autres réparateurs, l’opération est bénéfique.
“Notre but consiste en fait à aider le concessionnaire à se développer sur le multimarquisme et sur les activités complémentaires. Nous n’avons pas pour but de cannibaliser son CA en pièces de sa propre marque”, explique Yves Delorenzi. Le système a même eu des conséquences vertueuses inattendues chez les constructeurs, puisqu’on constate que, sur certaines références, ils ont baissé leurs prix pour les rapprocher du tarif équipementier, et ne plus perdre de ventes.
Cruciale identification
En PL, le nerf de la guerre reste l’identification des pièces. Plus encore que dans le VL, c’est un sujet critique, qui peut induire le succès ou l’échec d’une relation commerciale. En rechange constructeur, la recherche de la pièce se base sur la fiche d’identité véhicule, issue directement de la chaîne de production. Une arborescence liée au numéro de châssis, sur lequel est attachée toute la chaîne de pièces. Avec ce numéro, on est sûr d’avoir la bonne pièce. En rechange indépendante, on fonctionne plutôt avec des outils de type TecDoc ou ETAI, des catalogues qui partent du type commercial du véhicule pour établir les correspondances. Ce sont les équipementiers de première monte qui indiquent leur présence sur le véhicule, par famille de produits, ce qui permet de reconstituer le camion. Ce qui se révèle un peu moins pointu, car un type commercial, un même véhicule, sorti des lignes le même jour, peut présenter des plaquettes de frein différentes ou des garnitures plus ou moins épaisses, par exemple. Ainsi, “pour les pièces constructeurs, nous utilisons les bases de nos affiliés, puisque nous en avons dans toutes les marques. Quant à la pièce d’origine équipementier ou la pièce de qualité équivalente, nous obtenons l’information via les plateformes ou les distributeurs stockistes. Généralement, nous essayons de proposer l’alternative dans tous ces niveaux”, poursuit Yves Delorenzi. TechTruck utilise donc, cette fois encore, le meilleur des deux mondes. Lors d’une recherche, un adhérent utilise les catalogues électroniques cités plus haut et, au moindre doute, le réparateur peut appeler un collègue de la marque concernée, également affilié TechTruck, pour valider sa recherche avec le numéro de châssis. “Nous parvenons à identifier 80 % des pièces directement, mais, pour les 20 % qui restent, l’apport de la base constructeur est bien utile. Le message, c’est d’aller vite, de ne pas perdre de temps”, décrit Yves Delorenzi.
Un vrai club
Les concessionnaires affiliés au système ont aussi accès aux pièces d’origine* constructeur des autres marques, par le biais de la rétrocession entre représentants de marques. Ainsi, quand ils commandent une pièce d’origine constructeur, le système génère automatiquement une commande chez l’affilié TechTruck le plus proche, à des conditions de rétrocession. Un partenariat qui offre également l’accès aux infos techniques, pour le collègue qui va monter la pièce.
“Nous sommes à la fois un club et un réseau. Nos adhérents communiquent entre eux alors qu’ils viennent d’horizons différents et ne le faisaient pas auparavant. Nous organisons également des réunions régionales, pendant lesquelles les participants font leur propre benchmark entre eux, échangent des idées… Comme ils ont l’exclusivité TechTruck sur un département, ils ne sont pas concurrents directs”, précise Yves Delorenzi.
Concernant les modalités, les affiliés TechTruck paient une cotisation mensuelle de 225 euros, qui leur donne accès à la base de données, auxquels il faut ajouter un abonnement par site physique qui l’utilise. “Nous nous rémunérons en plus avec les commissions fournisseurs, en fonction du CA que nous leur générons”, admet le chef d’entreprise. Actuellement, dix ans après son lancement, TechTruck propose ses services à une trentaine d’adhérents concessionnaires, issus de toutes les marques, pour environ 70 sites qui utilisent le système.
Et pour passer à la vitesse supérieure, Yves Delorenzi capitalise sur le redémarrage économique. “Le marché a perdu 15 % ces dernières années et, comme on sait que l’activité redécollera sur un parc qui aura vieilli, nous constituerons une véritable offre alternative cohérente”, conclut-il.
* Emballage constructeur.