Goodyear convoqué par la justice française
Les représentants légaux de Goodyear France et de Goodyear Operations, entité luxembourgeoise du groupe, sont attendus mardi 13 et mercredi 14 mai 2025 dans le bureau du juge d’instruction Marc Monnier. Ce dernier décidera ou non de leur mise en examen pour "homicides involontaires", "tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise" et "pratiques commerciales trompeuses", comme l’avait annoncé en avril dernier le procureur de Besançon, Etienne Manteaux.
L’enquête, ouverte en 2016, porte sur trois collisions mortelles impliquant des poids lourds dans la Somme, le Doubs et les Yvelines, faisant au total quatre victimes. Dans chaque cas, le pneu avant gauche du camion a éclaté, provoquant la perte de contrôle du véhicule. Des experts indépendants ont conclu à un défaut de fabrication des modèles Goodyear Marathon LHS II et LHS II+, écartant toute cause extérieure.
Goodyear est soupçonné d’avoir eu connaissance de ces défauts, sans en informer ses clients. À partir de 2013, l’entreprise a lancé des "programmes volontaires d’échange" qui lui ont permis de récupérer environ 50 % des pneumatiques incriminés. Mais aucune campagne de rappel officielle n’a été initiée.
"Certains de ces pneus sont toujours disponibles sur des sites de ventes d'occasion en Europe de l'Est", avait alerté Etienne Manteaux, pointant le risque persistant.
Une stratégie de discrétion assumée ?
Le procureur avait fustigé ce qu’il qualifiait de "pratique systémique de dissimulation", visant à éviter une perte de confiance des clients. Selon lui, "les accidents auraient peut-être pu être évités si l’entreprise avait enclenché un programme de rappel".
Ces différents chefs d'accusation pourraient exposer Goodyear à une amende représentant jusqu’à 10 % de son chiffre d'affaires mondial, rappelait Etienne Manteaux.
Quatre autres accidents similaires, survenus entre 2011 et 2014 dans l’Hérault, l’Indre et l’Isère, ont été versés à l’instruction à titre informatif, bien que les faits soient prescrits. Le procureur évoquait alors "des accidents dans toute l’Europe", et disait avoir reçu "plusieurs messages d’intérêt" en provenance d’autres pays.
"Il y aura une offre de service de porter à la connaissance d'autres pays européens les éléments recueillis dans le cadre de l'enquête", avait-il déclaré.
À l’origine de l’affaire, Sophie Rollet, veuve de Jean-Paul Rollet, chauffeur décédé dans un accident sur l’A36, n’a jamais cessé de se battre. Refusant la "fatalité du routier" et le classement sans suite initial, recensant inlassablement les accidents impliquant les mêmes références de pneumatiques.
C’est grâce à sa ténacité que l’enquête a pu être relancée, jusqu’à déboucher aujourd’hui sur ce procès inédit, au potentiel retentissement international.