“Se remettre à faire du commerce de proximité, en valorisant la marque”
Quelle est votre mission au sein du groupe SKF ?
J’ai la charge de la rechange automobile, indépendante et constructeur, puisque nous ne segmentons pas, chez SKF. Cette double approche client m’intéressait, j’avais eu l’occasion de m’y confronter chez Lucas Diesel, où je m’occupais des grands comptes, notamment PSA, dès 1995. Et comme la sensibilité internationale est aussi importante dans mon parcours, je suis également responsable grands comptes auprès d’AD International et Groupauto International. Le véritable intérêt de ce poste réside dans l’ouverture à tout ce que je sais et aime faire, à savoir la rechange indépendante, la rechange constructeur et la dimension internationale.
Quelle était la dynamique que vous avez souhaité insuffler, dès votre arrivée ?
J’ai de suite voulu montrer que nous développons et proposons une solution à nos clients, pas un produit. Quand je suis arrivé, tout cela était assez nouveau chez SKF. La structuration d’une démarche marketée, avec de l’animation des ventes, la mise en place d’un message autour de la valeur du produit…, bref, comment ne pas se focaliser uniquement sur les prix.
En effet, on a le sentiment que SKF veut donner une nouvelle dynamique à l’activité…
Auparavant, les grands fabricants savaient que, globalement, le marché viendrait à eux car ils maîtrisaient le produit, sa production. Le phénomène existe toujours et nous continuons de l’exploiter, avec un pedigree OE très fort chez SKF. Toutefois, il s’est considérablement dilué. Et les acteurs non fabricants, qui capitalisent sur le service, se sont fait une place respectable sur le marché. Il apparaît donc clairement que, face des concurrents très dynamiques au plan commercial et marketing, SKF devait faire face. Nous sommes donc effectivement dans une période de mutation, autour de la plus-value que nous pouvons apporter en termes d’accompagnement, au client, distributeur ou réparateur.
Comment faites-vous, concrètement ?
Nous travaillons sur deux axes principaux. Nous avons tout d’abord pris l’initiative de recoller nos tarifs face à certains décrochages, ce n’est pas un secret. Pour les références correspondant à des véhicules âgés, par exemple, nous n’étions plus suffisamment bien positionnés. Alors, nous avons créé une gamme spécifique, qui, sur un parc identifié, se décroche de 15 à 20 %, ce qui permet au réparateur de disposer d’un kit de marque SKF, et d’ainsi réaliser une prestation de qualité pour son client, à un coût raisonnable. Et l’on constate que, sur ces produits, sur lesquels nous étions en chute libre, nous récupérons maintenant des parts de marché.
Par ailleurs, nous reprenons également les liens avec le garagiste, le vrai décideur de l’achat. Nous avons mis en place un plan d’animation et de communication autour de SKF, en partenariat avec les distributeurs. En proposant, par exemple, des montages commerciaux innovants. Pour cibler les réparateurs à plus fort potentiel, nous analysons le portefeuille clients du distributeur, en cherchant les ateliers qui achètent le plus de grandes marques dans les autres familles concurrencées, et nous vérifions qu’ils achètent du SKF. Si ce n’est pas le cas, nous leur rendons visite pour comprendre et leur présenter nos atouts.
Considérez-vous que le roulement soit mal travaillé en rechange indépendante ?
Je pense que fabricants et distribution ont encore un gros travail de pédagogie à mener. Il ne faut pas oublier que, dans le cadre du contrôle technique, le roulement fait partie des composants soumis à contre-visite si l’on constate un jeu excessif, ce qui impose son remplacement. Or, je ne suis pas convaincu que les contrôles préventifs et systématiques soient légion dans notre pays sur ce sujet… Mais je ne désespère pas, car dans la famille direction-suspension, les lignes ont déjà un peu bougé. Il faut replacer le message sécuritaire autour du roulement, auprès du réparateur et du public.
Toujours dans le sens de l’accompagnement du réparateur, nombreux sont les fournisseurs qui proposent des outils d’aide au contrôle systématique. Quelle est votre position chez SKF ?
C’est un sujet sur lequel SKF n’a pas de réponse, aujourd’hui… L’outillage doit faire l’objet d’une large réflexion que nous allons mener très prochainement. Mais nous souhaitions tout d’abord relancer une méthodologie commerciale dans les relations que nous entretenons avec notre distribution, pour redynamiser le business.
Il semblerait que cela prend du temps…
En France, il y a de grands groupes très forts qui occupent le terrain, mais en fait, paradoxalement, le commerce est très atomisé. Le temps que tous les efforts que nous déployons au quotidien redescendent sur la totalité du territoire, il est exact que cela peut paraître long… Sans compter que l’on n’est jamais vraiment assuré que l’information parvienne vraiment jusqu’au bout de la chaîne… C’est la raison pour laquelle, bien souvent, nous préférons nous en charger…
Est-ce que cela veut dire augmenter la force de vente sur le terrain ?
Nous avons sept commerciaux sur la route, et je pense en recruter deux autres, principalement pour muscler la rechange constructeur chez SKF.
La rechange constructeur, parlons-en. Comment se comporte-t-elle chez SKF ?
C’est un secteur dynamique, en ce moment. Il faut reconnaître que les nombreux contrats en première monte, remportés notamment grâce à notre programme “Beyond Zero”, facilitent notre pénétration en OES. Par ailleurs, nous sentons que l’état d’esprit des constructeurs autour de l’après-vente évolue très vite. Ils s’ouvrent au multimarquisme, ainsi qu’au parc ancien, qui leur échappait jusqu’alors. Je pense que la rechange indépendante doit être vigilante face à ce phénomène… Renault est notamment très avancé sur le sujet, avec une vraie politique commerciale orientée autour des véhicules de plus de 6 ans.
Plusieurs équipementiers tissent des partenariats pour leurs programmes de fidélité (Bosch et ZF ou encore NGK, Philips et TRW…). Y avez-vous réfléchi ?
Nous y avons réfléchi, mais nous n’avons pas franchi le pas. En fait, il existe une notion juridique à bien prendre en compte. Quand on intègre un programme de fidélité, il faut faire attention à ce que ledit programme ne devienne pas une entrave au libre choix, et donc à la libre concurrence… Pour l’heure, nous avons donc choisi de conserver notre programme propre, mais il est certain que la mutualisation des moyens pourrait être clairement à l’avantage du client pour l’attribution de points, de cadeaux…
Quels sont les produits qui tirent l’activité rechange de SKF à ce jour ?
Aujourd’hui, le kit distribution + pompe à eau est vraiment le produit phare de notre business. Il est même passé devant le kit de distribution classique. Les clients y voient une solution de réparation globale, une référence, une ligne de facturation, une référence à stocker, une seule garantie, un seul retour le cas échéant… bref, une rationalisation intéressante.
Par ailleurs, nous sommes, pour l’instant, les seuls à proposer des kits de courroie d’accessoires intégrant la pompe à eau. Ces applications représentent tout de même 30 % du marché en OE, et la tendance est très positive en rechange pour nous. Cela représente à ce jour 30 à 40 références et nous poursuivons l’expansion de gamme.
Comment voyez-vous la rechange indépendante française et ses mutations actuelles ?
La distribution se consolide, avec le paradoxe cité plus haut, et donc la bagarre est plus rude, car nous avons moins d’interlocuteurs. Concernant le rachat de Précisium, nous l’avons accueilli avec plaisir, car cela nous a permis de nous rapprocher de gens auprès de qui nous n’étions pas présents. De toute façon, il faut bien intégrer que ces rachats (ACR pour Autodistribution ou Groupauto/Précisium), répondent à une stratégie claire, que les protagonistes exposent aux fournisseurs en temps voulu. Nous avons le choix d’y adhérer, ou pas. Nous avons trouvé intéressant de nous inscrire dans le projet avec Groupauto.
Pour parler de la reprise d’ACR par l’AD, je dirais que les groupements qui intègrent des plates-formes nationales importantes et créent ensuite des relais régionaux pour alimenter des points de vente, c’est ce qui se pratique partout en Europe, donc nous y croyons ! Enfin, concernant l’arrivée annoncée de Van Heck Interpièces, de la même manière, si leur approche nous paraît intéressante au plan stratégique et commercial bien entendu, nous y souscrirons.
Toutefois, je n’exclus pas d’arrêter les relations avec un groupement quel qu’il soit, même si elles existent et représentent des volumes, si nous n’adhérons pas au projet d’entreprise.