Vincent Ferron : la force tranquille
Il multiplie les casquettes, non par goût immodéré de la carte de visite honorifique – dont il se moque vraiment –, mais par besoin, celui des entrepreneurs qui ne doivent pas tenir les choses pour acquises, mais se posent sans cesse la question d’un devenir. Aujourd’hui, la maison Ferron pèse 55 millions d’euros, emploie 350 personnes (en comptant MAP) et procure encore à son dirigeant l’opportunité “d’apprendre”, comme dans le domaine de la peinture où il vient de s’engouffrer. Nous avons fait le tour de quelques thèmes le concernant, dont nous vous livrons plusieurs extraits.
Le rachat de MAP, une ode à la couleur ?
“Nous n’avions pas de volonté particulière d’aborder ce domaine, mais l’opportunité s’est présentée et comme nous avons 15 carrosseries en propre, cela avait du sens. Nous venons d’intégrer Maine Anjou Peinture, avons conservé les départements 49 et 53, et créons le 35 (périmètre de Vitré), mais nous avons cédé le 44 à Ouest Injection puisque ce n’est pas notre zone de chalandise. Nous allons donc livrer notre propre réseau avec Cromax Pro (Axalta) et je vais apprendre ce qu’est la peinture, car je ne connais pas ce secteur. Dès septembre, nous débuterons les programmes Five Star.” A noter que le CA peinture s’élève à 2 millions d’euros. Les Etablissements Ferron avaient ralenti leurs acquisitions en 2013 et 2014 pour stabiliser le réseau, et repartent de plus belle en 2015. Les réseaux, ce sont les 20 établissements en propre, les réseaux Précisium Carrosserie et Garage, les BCT, etc.
L’adhésion à Précisium, une sinécure ? La présidence, un honneur ?
“Nous sommes adhérents de Précisium et j’ai accepté, à la demande de nos collègues, la présidence suite au départ de Patrice Godefroy. Il fallait quelqu’un dont le volume d’affaires se trouvait en 2e ou 3e position, pour que l’on puisse défendre les Précisium vis-à-vis d’Alliance. Ce que je peux dire, c’est que le groupement est très à l’écoute de ses adhérents. La nomination de Florence Galisson a instauré le calme dans la maison, ce qui a été perceptible lors du voyage du groupement et a donné l’envie à tous de repartir de plus belle. Plus personne ne se pose de questions et le train est sur les rails. L’ensemble des deux phénomènes, la nomination de Florence et la clarté d’Alliance dans tout ce qui était redistribution, s’est révélé très bénéfique. En outre, Florence est très performante dans ce qu’elle fait et dit clairement les choses, aussi bien aux dirigeants qu’aux adhérents.”
Vérins et Hayons, un changement de profil ?
“Nous sommes le premier distributeur national sur ce type de produits et livrons partout en France à partir de notre plate-forme. Jusqu’à présent, nous nous procurions les produits en Chine, en Turquie, en Pologne, mais une belle opportunité s’est présentée. Nous avons donc réalisé un gros investissement en achetant une usine en Turquie, qui travaille sur le marché mondial. Nous disposons là-bas d’une personne franco-turque très compétente, ce qui a facilité notre approche. Au bout d’un an et demi, nous sommes pleinement satisfaits de l’acquisition, avons déjà atteint le point mort, passons en 2x8 et agrandissons le site de 400 m2. Nous n’avons pas l’intention d’ouvrir d’autres usines, c’est une belle opportunité que nous ne voulions pas laisser passer.”
La distribution de pièces automobiles, une voie royale ?
“Nous sommes plutôt contents, même si la concurrence est vive. Nous avons su mettre en place de nouveaux outils et produits pendant la période difficile, qui paient aujourd’hui, comme le travail de nuit et les livraisons de nuit chez nos clients, comme le call center BtoB pour les pièces techniques, etc. Notre objectif consiste à privilégier des gens sur la route plutôt que des points physiques. Il vaut mieux être meilleur dans le transport que d’intégrer ou de créer de nouvelles agences. En revanche, acheter une nouvelle agence dans le 56, parce que nous n’y sommes pas, pourquoi pas, mais nous n’irons pas créer de points là où nous pouvons livrer en H+4.”
La démultiplication des plates-formes, une course folle ?
“Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas de rationalisation dans les mois et les années qui viennent. Par région, on comptera sans doute une plate-forme Autodistribution, une Alliance, une indépendante ou une Autolia ou une ID Rechange. Les plates-formes indépendantes qui n’auront pas de taille assez importante vont redevenir des distributeurs, changer de mode économique ou disparaître.”
Internet, impair et passe ?
“Pourquoi hurler sur cette question, si cela s’est développé, c’est qu’il y avait un manque. C’est à nous de trouver quelque chose à faire. D’ailleurs, je suis convaincu que l’on peut gagner de l’argent avec la vente de pièces sur Internet. Il vaut mieux avoir ces gens-là à côté de nous et dialoguer avec eux.”
Le pneumatique, la panacée ?
“Nous vendons aussi du pneumatique, mais notre raison d’être, c’est la pièce. Nous ne nous battons pas sur le produit pneu, ce qui ne nous empêche pas d’être bien placés. Cela fonctionne et c’est rentable. Mais les clients viennent sur notre site de vente de pièces pour la pièce et achètent aussi du pneu. Pour être plus précis, nous avons une progression régulière et rentable depuis trois ans, et nous réalisons 5 millions de chiffre d’affaires. Les sites qui ne font que du pneu ont aussi leur raison d’être. Mais je crois que ce n’est pas fait pour la distribution indépendante, ce n’est pas au distributeur de s’en occuper. Il faut vraiment des spécialistes du pneumatique. La distribution à court et moyen termes ne pourra pas faire ce type de produits, notamment à cause des stocks.”
La pièce de réemploi, un mirage ?
“Nous travaillons déjà depuis longtemps la pièce remanufacturée, et je crois vraiment au marché du réemploi. Il serait temps que le distributeur s’intéresse à ce secteur. C’est peut-être un beau sujet pour la Feda et les groupements. En revanche, on ne pourra jamais mélanger les deux, le neuf et le réemploi. Mais il faut s’en préoccuper !”
La rechange indépendante, la fin d’un cycle ?
“Le marché des indépendants va encore se rationaliser et, surtout, nous n’avons pas de visibilité sur le métier à trois ou cinq ans… Nous sommes au début de quelque chose, mais jusqu’où ira la transformation, je ne saurais le dire. La distribution a pratiquement fini sa mue et l’on se demande qui va être le vrai concurrent. Le constructeur, les groupes étrangers ? Je manque de réponses, sans être défaitiste ou optimiste. Ça laisse plein de perspectives…”