Le "giga-casting", une menace pour les carrossiers ?
Pour la Feda, c’est un danger pour l’environnement et le budget des ménages. Mais ce sont bien les carrossiers qui, en premier lieu, risquent de faire les frais du "giga-casting". Depuis quelques années, ce nouveau mode de production (aussi appelé "méga-casting") séduit de plus en plus de constructeurs automobiles. Le procédé se veut plutôt simple : il consiste à concevoir d’un seul bloc, au moyen de gigantesques presses, des parties entières du véhicule qui nécessitent habituellement d’assembler de nombreux composants.
Les atouts du "giga-casting"
Tesla a été la première marque à s’essayer à ce process de production avec son modèle Y en s’appuyant sur d’énormes presses de moulage, développées par l’entreprise italienne Idra. Ces presses utilisent d’immenses forces de fermeture, s’élevant jusqu’à 9 000 tonnes.
Simplification du montage, gain de productivité, de compétitivité et de flexibilité, etc. Le "giga-casting" est considéré comme révolutionnaire car il réduit la complexité de production en remplaçant entre 70 et 100 pièces par une seule moulée sous pression. Le procédé se veut, en outre, particulièrement adapté à la conception de véhicules électriques où le pack de batteries doit être intégré au reste de la carrosserie.
Ces atouts n’ont d’ailleurs pas manqué de séduire de nombreux constructeurs. Parmi eux, Volvo et Zeekr (groupe Geely) ou encore les jeunes marques chinoises Nio et Xpeng. GM, Mercedes et Toyota ont également annoncé leur intention de s’inspirer du "giga-casting" pour le développement de nouveaux modèles.
Une réparabilité limitée
Cet intérêt marqué de l’industrie automobile pour ce process de fabrication suscite aujourd’hui l’inquiétude de la Feda. Dans un récent communiqué, la fédération professionnelle s’interroge sur les "effets pervers" du "giga-casting". Elle pointe tout d’abord ses conséquences sur la réparabilité de ces véhicules. En cas de dommage, elle estime qu’il faudra remplacer l’ensemble de la "méga-pièce" en lieu et place d’un seul composant. Ce qui ne sera pas sans conséquence sur le pouvoir d’achat des automobilistes.
Ces limites ont été également mises en évidences par le Centre technique des industries mécaniques (Cetim). Dans un récent webinaire, ses experts y relèvent que ces pièces géantes n’ont pas vocation à être redressées, ni même remplacées.
"Les voitures avec ces pièces sont plus rigides, plus simples, mais aussi plus jetables. […] Le coût de ces pièces ainsi que la capacité de réparation inférieure à la moyenne sont des raisons suffisantes pour qu’un petit accrochage transforme une Tesla en épave aux yeux des assureurs", observent ces derniers, en s’appuyant notamment sur des études menées par des cabinets nord-américains.
Du "giga-casting" au "giga-gaspillage" ?
En raison de ces doutes sur la réparabilité de ces véhicules, la Feda craint à terme un "désastre environnemental". "Est-il écologiquement vertueux de remplacer des blocs entiers d’un véhicule – dont la production nécessite bien plus de matière et d’énergie, là où une pièce détachée de plus petite taille fait l’affaire aujourd’hui ?", s’interroge l’organisation professionnelle.
Compte tenu de ces nombreuses questions, la Feda appelle donc le gouvernement à prendre les mesures afin que le "giga-casting" ne soit pas synonyme de "giga-gaspillage".
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Les craintes de la fédération sont d’autant plus fondées que Tesla a annoncé son souhait d’améliorer son process de fabrication. Selon l’agence Reuters, la marque travaillerait notamment sur une innovation qui lui permettrait de remplacer les quelque 400 pièces nécessaires au soubassement d'un véhicule électrique par une seule pièce moulée sous pression. Ce procédé est au cœur de la nouvelle stratégie de production de Tesla, baptisée Unboxed process. Elle doit permettre à la marque de fabriquer des dizaines de millions de véhicules électriques en réduisant de moitié les coûts de production.