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Carrosserie

Les nouveaux défis du groupe Faubourg

Publié le 26 mars 2021
Par Mohamed Aredjal
8 min de lecture
Arrivé fortuitement dans la carrosserie en 2005, Mohamed Aouar est aujourd’hui à la tête d’un groupe réunissant trois pôles d’expertise (Serenicar, Aniel et Traxall), bâti grâce à une stratégie ambitieuse de croissance organique et externe. Création d’un réseau de carrosseries, internalisation de la R&D et essor à l’international : le dirigeant sort de sa discrétion pour nous dévoiler ses derniers projets dans une interview exclusive.
Le président du groupe Faubourg, Mohamed Aouar, n’exclut pas de nouvelles acquisitions en 2021...
Le président du groupe Faubourg, Mohamed Aouar, n’exclut pas de nouvelles acquisitions en 2021...

Né d’une seule carrosserie en 2005, le groupe Faubourg a connu un fort développement ces dernières années. Pouvez-vous nous retracer son historique ?

Mohamed Aouar : Il faut savoir tout d’abord qu’à nos débuts, lorsque le groupe a démarré son activité, je n’étais pas du tout carrossier ! À l’époque, en 2005, je travaillais dans le conseil en finance et en contrôle de gestion. Je m’étais notamment spécialisé dans l’utilisation du logiciel de gestion SAP. Mais j’étais fatigué par ces grandes structures où la dimension politique, très forte, peut ralentir les projets sur lesquels j’étais alors impliqué. Il se trouve que j’ai découvert le milieu de la carrosserie par le biais de ma belle-famille qui possédait une carrosserie de quatre personnes à Troyes. J’étais très admiratif du travail mené par ces artisans. Cependant, je trouvais que l’organisation mise en place par mon beau-père dans son atelier pouvait être déployée à une échelle plus importante. C’est pourquoi j’ai abandonné le conseil pour me lancer dans la carrosserie, avec la volonté d’industrialiser ce métier. Pour réaliser ce projet, il me fallait de la place. J’ai donc commencé par le rachat d’un supermarché ! La carrosserie familiale est passée d’une superficie de 300 à 10 000 m² (dont 4 000 d’atelier). L’autre question qui s’est alors posée, c’est celle des véhicules. Ou plus exactement comment doper les entrées à l’atelier. Nous aurions pu nous concentrer sur le développement de nos parts de marché localement, mais il nous a semblé plus opportun de nous tourner vers Paris, qui souffrait alors d’un manque de carrossiers. Notre idée était de trouver un garage à Paris avec un grand parking pour y stocker les véhicules qui seraient ensuite rapatriés à Troyes. Le calcul était assez simple : le coût de la réparation est plus intéressant en province, où les coûts fixes sont plus faibles, nous permettant ainsi de proposer des tarifs attractifs à la clientèle urbaine que nous souhaitions cibler. Nous avons donc racheté une première carrosserie dans le 19e arrondissement, puis une deuxième dans le 17e, une autre ensuite à Nanterre…

Est-ce à cette époque que vous vous êtes intéressé à Aniel ?

Petit à petit, nous avons constitué un groupe de carrosseries. Malgré notre organisation, nos clients se montraient très exigeants et nous challengeaient de plus en plus. Pour continuer à proposer des tarifs intéressants tout en grandissant, il a fallu trouver de nouveaux relais de croissance. Dans le métier de la carrosserie, la pièce représente environ 50 % des coûts. En faisant quelques économies sur ces achats, nous pouvions donc améliorer notre rentabilité de quelques points. C’est ce qui nous a conduits, par étapes, à réaliser l’acquisition d’Aniel. L’idée étant de servir nos carrosseries par la maîtrise de nos approvisionnements tout en contribuant au développement de la société. À l’époque, Aniel travaillait essentiellement avec les distributeurs. Notre ambition a été de transformer la société, avec son président Vincent Belhandouz, en orientant davantage son business vers les carrossiers.

Quelles sont les motivations qui vous ont conduit à acquérir ERCG en 2011, société dont l’activité ne correspondait pas à votre cœur de métier historique ?

Au cours des années 2000, nous nous sommes vite rendu compte que le marché de la carrosserie vivait de profondes mutations avec une activité de moins en moins portée par le grand public. Les automobilistes réduisaient leur kilométrage et achetaient moins de VN, tandis que les entreprises et leurs parcs roulants voyaient leur part de marché croître. Or ces grandes flottes sont en majeure partie externalisées auprès de spécialistes. Je me suis rapproché de l’un d’entre eux, ERCG. De fil en aiguille, nous avons décidé de prendre une participation dans le capital de cette société pour ensuite devenir propriétaires de l’ensemble de la structure, au départ à la retraite de son fondateur. Parmi nos clients, nous comptions de grandes entreprises qui souhaitaient s’appuyer sur des prestataires capables de gérer leur flotte au niveau international. C’est ce qui nous a conduits à tisser un réseau de professionnels de la gestion de parcs dans plusieurs pays européens. Progressivement, nous nous sommes rapprochés de ces sociétés partenaires auxquelles nous avons proposé notre outil de gestion de flottes. Le groupe a fini par prendre plusieurs participations chez certaines d’entre elles pour contribuer à leur développement. Aujourd’hui, le réseau Traxall International est présent dans 24 pays et gère plus de 230 000 véhicules, dont 60 000 en France.

Le groupe Faubourg est resté assez discret ces dernières années. Pourquoi sortez-vous de l’ombre ? Aujourd’hui, le groupe Faubourg compte près de 350 salariés pour un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros. La distribution de pièces de carrosserie reste notre activité la plus importante, suivie de la gestion de flottes et de la réparation-carrosserie. Pour accompagner sa croissance, le groupe recrute de nouveaux profils, de plus en plus techniques. En particulier pour notre équipe recherche et développement, qui travaille désormais pour l’ensemble de nos métiers à travers l’édition de logiciels spécialisés. C’est un service transverse qui œuvre pour la marketplace d’Aniel, notre outil de gestion de flottes, ou encore notre futur outil de gestion d’ateliers, etc. C’est l’une des forces du groupe de s’appuyer sur des services centralisés pouvant mutualiser nos différentes expertises. Avec plus de 50 recrutements en 2020, nous avons la volonté de nous rendre plus visibles et faire connaître le groupe auprès d’un public élargi, pour partager cette aventure avec de nouveaux talents.

Outre votre service recherche et développement, quelles synergies avez-vous développées au sein du groupe ?

Les services comptabilité, commercial, marketing et RH font partie des premières équipes que nous avons mutualisées. Nous sommes aussi capables de trouver des synergies à l’atelier, avec nos techniciens. Exemple : nous avons des mécaniciens et des convoyeurs qui sont partagés entre nos sites. Nos différentes activités sont également complémentaires, ce qui permet de générer des synergies. C’est le cas notamment d’Aniel, qui agit comme une centrale d’achat pour le réseau Serenicar. Nous pouvons également citer Traxall, qui sous-traite la réparation de ses véhicules dans nos carrosseries ou auprès d’ateliers clients d’Aniel avec lesquels nous entretenons de bonnes relations. Le groupe Faubourg a été l’un des premiers acteurs du marché de la réparation-collision à industrialiser les process de la carrosserie.

Qu’est-ce qui vous a conduit à prendre ce virage aussi tôt ?

Pour être exact, je ne suis pas encore arrivé à la sortie de ce virage. Nous l’avons amorcé en adoptant les fondations nécessaires à l’industrialisation de cette activité. Nous devons encore travailler sur notre capacité à conserver un flux constant de véhicules dans toutes nos carrosseries. Avec un volume régulier, nous serons alors en mesure de segmenter toutes nos tâches pour gagner en efficacité. Concrètement, l’objectif est d’identifier toutes les activités à forte valeur ajoutée qui resteront confiées aux profils les plus expérimentés. Les autres tâches pourront, en revanche, être déléguées à des techniciens plus polyvalents qui pourront être formés progressivement. C’est une organisation qui nous permettrait de poursuivre l’industrialisation de l’activité de nos carrosseries tout en trouvant une solution à la pénurie de main d’œuvre actuelle. Nous n’avons pas encore formalisé cette méthodologie dans nos ateliers. Ces dernières années, le groupe a concentré ses efforts sur les autres activités, mais nous entendons bien nous recentrer rapidement sur notre métier historique.

Faire du volume au détriment de la rentabilité, ou l’inverse : comment vous situez-vous vis-à-vis de ce débat qui oppose souvent les carrossiers ?

Je pense que les deux stratégies sont possibles, avec chacune leurs vertus. Un assureur peut apporter du volume à un tarif raisonnable, à condition de pouvoir gérer convenablement ce flux. Avec les particuliers, les niveaux de facturation sont certes plus élevés, mais cela ne suffira pas à faire vivre un atelier, à moins de communiquer massivement et d’être en situation de monopole dans sa région… À mi-chemin entre ces deux types de clients, il y a aussi les flottes automobiles ainsi que les clients professionnels (concessionnaires, loueurs, etc.) qui peuvent nous sous-traiter certaines prestations. Toutes ces clientèles présentent des atouts et je pense qu’il est possible de travailler avec chacune d’entre elles en gardant un équilibre rentable pour l’atelier.

Les assureurs restent-ils des partenaires incontournables ?

Bien sûr, les assureurs restent nos plus grands clients. Je pense d’ailleurs qu’il est possible d’aller encore plus loin avec ces partenaires. À terme, nous pourrions leur proposer des solutions pour optimiser la gestion des sinistres et ainsi leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier. Si nous fluidifions tout ce process, il est possible de rendre cette chaîne de valeur plus intéressante pour l’ensemble de ses acteurs.

Comment le groupe Faubourg a-t-il traversé cette année 2020 si singulière ?

Cette crise n’a pas été sans incidence sur notre activité, en particulier pour la distribution de pièces. Dans nos ateliers, en revanche, nous avons vraiment limité la casse puisque nos sites ont la chance d’être implantés dans des zones où l’activité est restée forte. C’est sur la gestion de flottes que le Covid-19 a finalement eu le moins d’impact. Nos contrats portent sur plusieurs années avec nos clients et cette activité s’équilibre. Au global, notre chiffre d’affaires est resté identique à 2019, voire légèrement supérieur. En parallèle, nous avons réalisé quatre acquisitions : les divisions Traxall en Allemagne, dans le Sud-Est et le Sud-Ouest ainsi que Bolides, un établissement spécialisé dans la rénovation mécanique de véhicules prestigieux situé à Rouffach, près de Colmar. Avec cette dernière entreprise, l’objectif est de réaliser, là encore, des synergies avec nos ateliers de carrosserie. Nous envisageons également de développer cette activité avec l’implantation d’autres sites en France. Serenicar est l’entité qui regroupe vos neuf carrosseries affiliées à plusieurs enseignes.

Pourriez- vous, à terme, faire de cette marque un réseau ouvert à d’autres indépendants ?

Nous n’avons pas initié cette démarche jusqu’ici, par manque de temps et car nous n’avions pas suffisamment de plus-value à apporter à ce métier et aux carrossiers indépendants. Entretemps, le groupe a élargi ses compétences avec Aniel et avec Traxall. Nous sommes donc désormais en mesure de fournir une offre complète de pièces à des tarifs compétitifs avec notre marketplace et un flux de véhicules à réparer. Nous bénéficions aussi d’un centre de services partagé, comme détaillé précédemment. Enfin, notre service R&D travaille sur la conception d’un outil destiné aux carrossiers qui verra le jour avant la fin de l’année. Finalement, nous disposons de nombreuses solutions qui nourrissent aujourd’hui notre réflexion. D’autant que nous avons été sollicités par plusieurs interlocuteurs souhaitant que nous développions notre enseigne dédiée à la carrosserie… Mais c’est un projet d’ampleur qui nécessite d’être structuré avec un concept construit. L’offre d’une enseigne ne peut pas se limiter à un catalogue de pièces ou à une offre peinture. Un réseau se doit aussi d’accompagner le réparateur dans la vie de son entreprise. Il doit, par exemple, être en mesure de l’aider à trouver des moyens financiers pour développer son atelier. De la même manière, lorsqu’un réparateur souhaite arrêter son activité, il faut lui fournir des solutions de transmission pour pérenniser son affaire. Ce sont des services essentiels qui doivent faire partie de l’offre proposée par un réseau.

En 2018, Aniel s’est illustré en lançant la première marketplace dédiée aux pièces et consommables de carrosserie. Quel bilan tirez-vous de cette initiative ?

Notre place de marché bat régulièrement ses records ! Trois ans après son lancement, le bilan est donc très positif. Mais nous devons poursuivre notre travail d’évangélisation auprès des vendeurs et clients de la marketplace. Nous sommes dans un marché où certains conservatismes restent forts et il faut continuer à convaincre. Il y a également un travail à mener sur le développement de l’outil : de nombreux chantiers sont en cours et nous veillons à les accomplir au plus vite pour proposer le meilleur service à nos clients. Mais une chose est sûre : nous observons de l’appétence pour cette plateforme qui permet aux réparateurs de consacrer moins de temps à leurs achats pour se concentrer sur leur métier, c’est-à-dire la remise en état de véhicules.

La distribution de peinture est-elle une activité qui pourrait vous intéresser ?

La marketplace d’Aniel doit servir à répondre à tous les besoins du réparateur, que ce soit en pièces de carrosserie et de mécanique qu’en consommables ou en peinture. Aniel doit devenir le one stop shop du carrossier et nous travaillons dans ce sens en développant progressivement l’offre de la place de marché. Souhaitez-vous poursuivre votre stratégie de croissance externe à court terme ? Si oui, dans quel domaine d’activité envisagez-vous de renforcer vos positions ? Croissance externe et croissance organique sont les deux voies que nous privilégions. Nous avons finalisé quatre acquisitions et intégrations en 2020. Il est un peu tôt pour en parler, mais nous envisageons des rachats qui pourraient permettre au groupe de poursuivre et consolider ses synergies.

Vous avez déjà investi plusieurs marchés étrangers avec Traxall. Souhaitez-vous accélérer cette stratégie avec vos autres entités ?

Le groupe est aujourd’hui présent dans 24 pays et nous voulons continuer ce développement à l’international, avec nos différents métiers, en particulier en Afrique du Nord et en Europe de l’Est. Nous avons également des opportunités en Amérique latine via l’une de nos filiales.

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