Peinture : les réseaux fortifient leurs positions et s'organisent

Le rebond d'activité post-Covid appartient bel et bien au passé. La baisse de la sinistralité automobile et l'inflation continuent de peser sur les carrossiers et leurs fournisseurs. Pourtant, les distributeurs indépendants de peinture résistent grâce à la puissance d'achat de leurs groupements, à leurs capacités logistiques, à leurs MDD et à des activités complémentaires comme la pièce de réemploi (PRE). Tandis que les spécialistes peinture de Centaure renforcent leur organisation, Alliance Automotive Group (AAG) et Autodistribution affûtent eux aussi leurs dispositifs dédiés pour ce marché très disputé.
Un marché finalement stable
Si les volumes de peinture vendus restent difficiles à mesurer, les entrées atelier reflètent une conjoncture tendue. Après une baisse de fréquentation des carrosseries de 3,1 % en 2024 (baromètre Mobilians-Solware), le premier semestre 2025 enregistre encore un recul de 3 %. Selon l'étude Feda-Xerfi, l'activité peinture a fluctué : +2 % en avril, -1,5 % en mai et +0,5 % en juin.
"Le marché de la peinture reste globalement stable, avec une légère progression en valeur, principalement liée à l'inflation des matières premières et des coûts énergétiques, observe Guillaume Legeay, directeur commercial de Centaure. Les épisodes de grêle gonflent ponctuellement les chiffres. En revanche, les volumes sont en recul, reflet d'une sinistralité en baisse et d'un vieillissement du parc roulant."
Aujourd'hui, la conquête de nouveaux clients coûte très cher Régis Napoléone, directeur du développement carrosserie chez AAG
Les filiales et adhérents d'Autodistribution et d'AAG confirment ce climat. "Dans ce contexte, les distributeurs les mieux structurés résistent et se créent des opportunités, affirme Régis Napoléone, directeur du développement carrosserie chez AAG. Désormais, la différence n'est plus établie entre distributeurs spécialisés et multispécialistes, mais entre structurés et non structurés. En gardant à l'esprit que les spécialistes peinture sont naturellement structurés."
Accompagnement indispensable face aux difficultés
Pour répondre aux attentes, il faut disposer d'équipes dédiées : support technique, contretypage de teinte, offre de PRE. Avec la digitalisation et l'automatisation de l'atelier, ces services sont de plus en plus coûteux, exigent de nouvelles compétences, mobilisant des techniciens et commerciaux à forte expertise informatique.

Parmi les distributeurs de peinture, Antonin a été le premier à automatiser son entrepôt, début 2025. Un développement inédit pour améliorer ses services en concentrant ses techniciens sur les opérations à forte valeur ajoutée. ©Antonin
Cet accompagnement devient toujours plus indispensable face à des réparateurs enregistrant des résultats contrastés selon leur taille et leur implantation. "Certains carrossiers ont l'impression de croître, alors qu'ils subissent la pénurie de main-d'œuvre, alerte Régis Napoléone. Ils affichent parfois un planning avec trois semaines d'avance, mais ils disposent de moins de techniciens à l'atelier." En contrepoint, le dirigeant évoque notamment la hausse des véhicules économiquement irréparables (VEI), conséquence directe du vieillissement du parc. Ce qui réduit d'autant les chantiers disponibles.
Au manque de main-d'œuvre s'ajoute l'inflation généralisée (énergie, pièces, salaires). "Les prix de la peinture ont augmenté d'environ 25 % en quelques années. C'est un défi, notamment pour les marques haut de gamme", souligne Damien Bontemps, responsable national des ventes carrosserie chez Autodistribution.
Fidélité proportionnelle à la taille
Finalement, à côté des réparateurs gestionnaires – souvent de taille supérieure à la moyenne – les autres subissent davantage les tensions techniques et économiques. Ces carrosseries sont fréquemment contraintes de chasser les prix et se tournent vers des alternatives de segment B, voire changent de fournisseur. Vernis, durcisseurs et apprêts sont davantage concurrencés que les teintes de base, attirant de nouveaux entrants sur le marché.
Le taux de fidélité de nos clients dépend beaucoup de leur taille Damien Bontemps, responsable national des ventes carrosserie chez Autodistribution
"Le taux de fidélité de nos clients dépend beaucoup de leur taille, explique Damien Bontemps. Il est élevé chez les grands, qui bénéficient de conditions avantageuses, mais plus faible chez les petits, pour lesquels ces conditions sont moins favorables." Les distributeurs enrichissent donc leur catalogue de marques B pour répondre à toutes les demandes.
La priorité est claire : conserver les clients. Le turnover des marques de peinture dans les ateliers se situe entre 10 et 15 %. "Aujourd'hui, la conquête de nouveaux clients coûte très cher", note Régis Napoléone.
En effet, les distributeurs doivent investir de 10 000 à 15 000 euros pour accompagner un nouveau client avec une marque haut de gamme, et 6 000 euros avec une alternative. Un à deux ans sont nécessaires pour rentabiliser ces investissements. "Il faut donc d'abord faire fructifier les acquis en fidélisant nos réparateurs."
Une structuration incontournable
Les distributeurs doivent aussi faire face à la concurrence des sites internet de peinture, qui représenteraient déjà 10 à 15 % du marché, selon les interlocuteurs. Sans surprise, les pure players profitent de l'inflation pour attirer les ateliers. "Face à cette concurrence, nous avons mieux formaté nos contrats de partenariat, en étant plus exigeants avec nos clients, engageant les deux parties, sur la logistique, l'accompagnement et la rémunération, explique Régis Napoléone. L'objectif est de fidéliser les carrossiers et de récupérer 100 % de leur consommation de peinture."

Les distributeurs restent en première ligne pour diffuser les technologies des fabricants de peinture dans les ateliers. Ici, l'installation d'une Irus Mix de mélange de teinte automatique d'Axalta par EPS dans la carrosserie Gouverneyre (38). ©EPS
Ce dispositif répond aux pure players menant uniquement la bataille sur les prix. Ce point reste d'autant plus douloureux pour les distributeurs traditionnels qu'ils supportent le coût des services aux réparateurs : stock, colorimétrie, dépannage, etc. "Mais les sites internet se heurtent à un plafond de verre. Leur nouveauté est passée et le marché s'y est habitué", tempère Damien Bontemps.
La collaboration entre distributeurs (via le label Color+), malgré leurs rivalités, devient indispensable pour répondre à des enjeux communs. Parmi eux : la gestion des relations avec certaines assurances (Covéa, Caps Auto, Assercar, Prefikar…). Leur influence sur la peinture entraîne des coûts supplémentaires pour les distributeurs, surtout lorsque leurs clients cumulent plusieurs agréments. Plus globalement, le marché attend des partenaires fiables, capables d'anticiper.
Comme le résume un carrossier sur les réseaux sociaux : "Un bon fournisseur, c'est comme un bon GPS : il indique la route et évite les embouteillages. Dans un secteur qui bouge vite, il est indispensable de pouvoir compter sur des partenaires proactifs."
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