2014, année à oublier pour le secteur en France
Si certains pays européens ont repris des couleurs l’an passé (Allemagne, Italie, Espagne…) dans le secteur des véhicules industriels, la France fait figure de mauvais élève, accusant une chute de ses immatriculations de 13,2 %, à 37 568 unités (+ 5 tonnes) en 2014. Une baisse toutefois attendue, mais pas forcément dans de telles proportions, en conséquence des achats par anticipation qui ont dopé le marché fin 2013. En effet, l’arrivée d’Euro VI sur le marché du véhicule industriel a bouleversé le rythme des commandes en fin d’année. Par exemple, le Royaume-Uni a commandé plus de 11 000 véhicules en décembre, soit 1 000 de plus que l’Allemagne et plus du double de la France. L’ensemble de l’Europe a progressé de 11,6 % lors des douze derniers mois. Depuis, le rythme s’est ralenti, mais la plupart des pays européens étaient encore en avance sur les dix premiers mois de l’année par rapport à 2013. L’Espagne enregistre la plus forte croissance avec une progression de 33,3 % de ses immatriculations, suivie de l’Allemagne (+ 6,0 %), de l’Italie (+ 5,1 %) et des pays de l’Est hors Pologne. Le Royaume-Uni et la Pologne, qui ont fortement immatriculé en décembre, digèrent maintenant leur surcroît de commandes. Seule la France présente un déficit très important (- 11 % par rapport à 2013).
Il s’agit du troisième plus mauvais exercice depuis 1995, après les années noires de 2009 et 2010, à mettre entre parenthèses. Le segment des tracteurs, qui a pesé 20 769 immatriculations, a reculé de 16,4 % tandis que celui des porteurs a baissé de 8,8 %, à 16 799 unités. Au global, les camions de plus de 16 tonnes ont représenté 31 748 immatriculations (- 13,2 %), tandis que le segment des 5 à 16 tonnes enregistre un volume de 5 820 véhicules (- 13 %).
Même le marché de l’occasion est en berne. A octobre, le nombre de véhicules immatriculés depuis le début de l’année 2014 apparaît inférieur à 40 000 unités, un niveau historique depuis quinze ans. Les transactions sur les poids lourds d’occasion baissent de 1 % au troisième trimestre et poursuivent leur fléchissement amorcé depuis le quatrième trimestre 2013, s’affichant à 10 800 unités.
Bonne surprise à souligner, la carrosserie industrielle semble s’être adaptée à une situation qui tient désormais plus d’un nouvel état que d’une crise conjoncturelle. Le marché de la semi-remorque affiche ainsi une embellie, progressant en 2014 de 15,3 % sur les onze premiers mois de l’année. Certes, 2013 fut un exercice particulièrement compliqué, avec un recul de 6,2 %, mais en 2014, les immatriculations sur les onze premiers mois dépassent déjà les douze mois de 2012. Le segment du dry fret est en pointe avec une progression significative. Ce type de semi-remorques lié au transport roulant de marchandises profite d’un effet de renouvellement après cinq années faibles (2009 – 2013). L’année 2014 marque enfin un retour à “l’accrochage” historique entre les tracteurs et les semi-remorques. Pour la plupart des autres carrosseries, le marché est dynamique avec + 21,7 % pour les semi-remorques multimodales, + 12,9 % pour les citernes et + 6,2 % pour les frigorifiques. Seuls les bennes et les plateaux sont en recul avec respectivement - 1,5 % et - 4,7 %, en raison du contexte particulier et difficile du secteur.
Toujours pas d’éclaircie en vue pour le BTP
En ce début d’année, les indicateurs économiques n’incitent donc guère à l’optimisme, tandis que le secteur du BTP se montre toujours aussi atone et que la fragilité des transporteurs comme des distributeurs continue d’alarmer. “Le BTP, l’un des clients les plus importants du VI, a atteint son seuil le plus bas, sans éclaircie franche annoncée en 2015. Concernant les Travaux publics, tous les donneurs d’ordre ont réduit la voilure, tout particulièrement les collectivités locales, dont les commandes sont en baisse de 10 %”, relève l’Observatoire du véhicule industriel. Jacques Bruneel, président de la branche véhicules industriels du CNPA, a également manifesté sa préoccupation quant à la santé et la pérennité de certains distributeurs : “Le niveau de rentabilité des réseaux est inquiétant, ces derniers sont de plus en plus fragilisés, et les constructeurs doivent en tenir compte.” L’OVI rappelle par ailleurs que les carnets de commandes des distributeurs ont reculé de 7,1 % entre 2013 et 2014, accusant ainsi une troisième année difficile. “Les tracteurs sont le principal facteur de recul du marché avec - 11,2 % contre - 2,9 % pour les porteurs. Les achats de véhicules neufs se font à 92 % en vue de renouvellement, signifiant ainsi une diminution de parc, confirmée par les experts.”
Le Bipe plus optimiste que l’OVI
Rares bonnes nouvelles, 2015 sera beaucoup moins influencée par les problématiques réglementaires, qui ont largement pesé sur les deux dernières années. Par ailleurs, le prix du pétrole n’était pas tombé aussi bas depuis longtemps, ce qui devrait apporter une légère bouffée d’air aux transporteurs. Toutefois, il faut se souvenir que le poids relatif du gazole dans les charges d’un transporteur polonais ou espagnol, eu égard à ses charges salariales, améliorera de façon plus importante sa compétitivité.
“D’un point de vue structurel, et dans l’environnement actuel, le marché français se situe autour de 40 000 unités”, rappelle Jean-Michel Mercier, directeur de l’Observatoire du véhicule industriel. Une barre qui satisferait bon nombre de protagonistes pour 2015. Sauf que les prévisions divergent. Prudent, l’OVI table sur une fourchette de 37 000 à 39 000 unités, dont 20 500 à 21 500 tracteurs et 16 500 à 17 500 porteurs, tandis que le Bipe se montre plus confiant, envisageant un marché du poids lourd autour de 41 000 immatriculations. Du côté des constructeurs, on oscille entre ces deux valeurs. Iveco pronostique, en effet, un marché autour de 38 500 unités, quand DAF table sur un volume de 40 000 véhicules.
Benoît Landré et Frédéric Richard
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FOCUS - Stabilité en vue
pour les VULAu plus bas depuis deux ans, le marché hexagonal des véhicules utilitaires ne devrait pas décoller en 2015. Du côté de Renault, qui a représenté 32 % du marché en 2014, on anticipe une nouvelle stabilité des immatriculations, soit un volume de 372 000 unités. Au-delà du contexte économique toujours aussi peu engageant et incertain, le marché ne sera pas non plus “drivé” par les nouveaux produits, qui seront plutôt rares ces prochains mois. De son côté, Volkswagen VU, qui se positionne sur un marché qui n’inclut pas les dérivés VP, anticipe un volume autour de 327 000 véhicules utilitaires en 2015, soit une progression de 2 %, dans le meilleur des cas.