Aunis Messagerie : l’Hermès du dernier kilomètre
Ala fin des années 80, en Charente-Maritime, se faire livrer des pièces automobiles dans des délais respectables tenait, pour les professionnels, du challenge. En effet, les bus de ville étaient chargés de la mission, et, si le garagiste s’avisait d’être en retard à l’arrêt de bus lors de son passage, il n’avait tout simplement pas de quoi réparer les autos qui lui étaient confiées. C’est sur ce constat que l’aventure d’Aunis Messagerie a débuté. Alors employé de la concession Citroën de La Rochelle, Jean-Marc Bayonne décide de créer sa propre structure, afin de livrer les pièces directement aux garagistes. Nous sommes en 1986. Alors que la saga débute de manière artisanale, avec une simple voiture particulière et un camion, très vite, les demandes prennent de l’ampleur. Aunis Messagerie sort alors des limites de la ville de La Rochelle pour aller livrer des garages à Rochefort, à 40 kilomètres de là. Puis, en 1991, les livraisons de pièces autos se raréfiant à mesure de l’évolution des véhicules, moins gourmands en maintenance, le petit transporteur commence à faire du dégroupage pour des transporteurs nationaux. L’idée ? Permettre à ces derniers de livrer leurs colis à bon port sans avoir à composer avec les contraintes liées au réseau routier de la Charente-Maritime, peu enclin à accueillir des poids lourds.
L’alternative aux poids lourds
Aujourd’hui, Aunis Messagerie règne sans partage sur “le dernier kilomètre” de ces gros porteurs. En effet, lorsqu’en 1998, Nicolas Bayonne reprend les rênes de l’entreprise familiale – son frère le rejoindra en 2007 –, le dégroupage explose : “A l’époque, nous étions une dizaine à travailler dans la société. Aujourd’hui, nous sommes 32. Et, même si nous réalisons encore de la livraison de pièces automobiles, 80 % de notre chiffre d’affaires est effectué grâce au dégroupage”, explique-t-il. De fait, Aunis Messagerie compte désormais dans sa clientèle des noms bien connus de la logistique et de la livraison de marchandises : Dachser, Tam Tam, DHL, Ziegler, Heppner, GLS, Ciblex ou encore Kuehne + Nagel… pour ne citer qu’eux. Des contrats basés sur la longévité, la plupart des clients d’Aunis Messagerie étant fidèles depuis plus de 10 ans. “Il n’y a pas de secret, pour garder nos clients nous devons être carrés. Et nous savons également gérer du petit colis à la palette, et nous n’avons pas de concurrence sur ce marché, dans le 17. Du coup, les gros transporteurs sont un peu tenus de passer par notre plateforme pour assurer leurs livraisons, car ce qui fait notre force, ici, ce sont les contraintes de circulation pour les gros transporteurs avec des poids lourds”, avoue Nicolas Bayonne.
Fort d’une flotte de 25 véhicules allant du 20 m3 avec hayon au Renault Kangoo, la société Aunis Messagerie est en effet la seule, dans le département, à être calibrée de la sorte, pouvant ainsi effectuer quelque 850 livraisons quotidiennes à raison de 38 tonnes de marchandises par jour. D’autant que la société voit grand. Si, aujourd’hui, la plateforme logistique et distribution d’Aunis Messagerie s’étend sur 1 500 m2 avec 26 portes de quais, d’ici la fin de l’année 2015, elle gagnera 300 m2 et 10 portes de quais supplémentaires permettant de pallier les problèmes de place qu’elle rencontre parfois. La rançon de la gloire, en somme.
De la livraison au stockage poids plume
Car malgré la morosité économique qui s’étend sur la France, Aunis Messagerie, elle, continue son ascension. Une évolution quasi algébrique pour Nicolas Bayonne : “En période de crise économique, nous continuons à faire des affaires, parce que les gros transporteurs évoluent mais ne mettent pas de moyens supplémentaires (humains et matériels) sur les routes. De fait, ils gagnent des marchés mais ils doivent compléter leurs moyens de livraison en passant par des sous-traitants tels que nous”. C.Q.F.D. L’entreprise de livraison rochelaise a pu réaliser, en 2014, un chiffre d’affaires de 1,65 million d’euros, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2013. Mieux, Aunis Messagerie envisage de dépasser les 2 millions d’euros de CA à l’horizon 2016. En continuant à travailler son cœur de métier, d’une part, mais aussi en développant son activité du côté du stockage. Car concrètement, l’activité messagerie suit la même saisonnalité que l’activité touristique. Aunis Messagerie réalise donc environ 60 % de son CA entre le 1er avril et le 30 septembre. Pour casser cette saisonnalité, Nicolas Bayonne envisage donc de faire davantage de stockage et de logistique pour des petites structures auxquelles des mastodontes tels que le groupe Sarrion, installé sur la zone portuaire de La Pallice, ne correspondent pas complètement. “Aujourd’hui, explique le jeune co-gérant d’Aunis Messagerie, nous avons juste la possibilité matérielle de faire du transit. Nous réfléchissons donc à la manière dont nous pourrions développer les parties stockage et logistique, car il s’agit là d’une véritable demande de notre clientèle de commerçants. Sur notre territoire, il y a, certes, de gros stockeurs dotés de plateformes gigantesques, mais qui se destinent surtout à une clientèle qui a besoin de stocker du volume. Pour du petit volume qui n’excède pas deux palettes par exemple, il n’y a pas de solution de stockage dédiée”. Pour ce faire et pouvoir ainsi répondre à une demande de plus en plus pressante, Aunis Messagerie envisage donc d’étendre ses ailes à quelques encablures de ses locaux actuels afin d’y ouvrir, d’ici la fin de cette année, une aire de stockage pour les petits volumes.
A force de croissance, la société rochelaise pourrait-elle devenir, à terme, nationale ? “Nous préférons nous concentrer sur un secteur que nous connaissons par cœur, plutôt que d’aller essayer de faire la même chose ailleurs… C’est ce qui fait notre force”, concède humblement Nicolas Bayonne. Pour autant il est loin, très loin, le temps où la petite société artisanale ne livrait que des pièces aux garagistes du coin avec pour toute plateforme de chargement un garage individuel et pour tout matériel un véhicule personnel et un petit camion. “Notre objectif, à mon frère et à moi-même, est de pérenniser les efforts et les sacrifices de notre père qui, lui, a porté à bout de bras son entreprise durant ses 12 premières années d’activité, c’est-à-dire les années les plus difficiles”, ajoute Nicolas Bayonne. Reste à savoir si la saga familiale se perpétuera avec les générations à venir, “mais il ne faut jamais présumer de rien”…
Par Ambre Delage