Diesel : aux réparateurs d’entrer dans la danse
En France, le Diesel est roi, avec environ 80 % des nouvelles immatriculations en common rail, et un parc roulant qui se compose aujourd’hui de 19 millions de véhicules. Chez Bosch, Ludwig Devadder, chef de groupe pour pièces techniques, estime que le marché français des ventes de pièces injection Diesel (hors bougies de préchauffage, sondes, débitmètres, etc.) atteint les 50 millions d’euros, dont environ 30 millions pour l’IAM. Et concernant la typologie des pièces, toujours selon l’équipementier allemand, le marché s’organise à 10 % pour les pièces neuves, 45 % en échange standard (réparation faite par l’équipementier), 30 % en échange réparation (réparation faite par un professionnel agréé par l’équipementier), et 15 % en réparation seule.
Du côté des groupements, cette famille de pièces Diesel soulève un grand intérêt et se trouve bien souvent intégrée à un ensemble plus grand : les pièces techniques. Ces dernières (injecteurs et pompes common rail, vannes EGR, capteurs…) se trouvent actuellement largement réservées aux réseaux constructeurs. Concernant l’offre Diesel, elle n’est pas nouvelle chez les indépendants. Comme en témoignent, en France, des poids lourds du secteur (AD Niort, IDLP, Le Hello, pour ne citer que les trois plus gros) qui proposent depuis longtemps une offre complète pour réparer les véhicules Diesel. Et pour Jean-François Couasnard, directeur opérationnel de Le Hello, “le marché n’est pas saturé, mais pour se lancer dans le Diesel, il faut être prêt à dégager un très fort investissement, pour les locaux comme pour le matériel. On assiste d’ailleurs à une concentration entre les acteurs, car les structures essayent au maximum de faire jouer les synergies, et de dégager des volumes conséquents pour rentabiliser les investissements”.
Une stratégie commerciale récente
Malgré l’ancienneté de l’offre, les groupements ont réellement attaqué le marché de la pièce Diesel, englobé dans celui des pièces techniques, que depuis deux à trois ans, créant des outils marketing (catalogues, offres promotionnelles, etc.). L’Autodistribution a été précurseur avec son programme de pièces techniques lancé en 2009, à l’occasion d’Equip Auto, même si les autres groupements ont commercialisé peu de temps après leurs propres offres. Ce programme s’articule autour de trois axes : l’offre technique à travers ses plates-formes techniques, la formation et des outils marketing d’aide à la vente destinés à populariser l’offre pièces techniques auprès des réparateurs. Emmanuel Romieu, chef de marché pièce technique pour l’AD, ne souhaite pas détailler les chiffres du concept Pièces Techniques AD Technology (plus de 2 000 références regroupées au sein de 25 familles de produits), soulignant simplement que “cette activité monte en puissance, et représente un levier de croissance pour les distributeurs”. Au final, aucun autre groupement n’a souhaité donner de chiffres précis, tous mettant en avant le caractère stratégique de cette famille. On note toutefois que les indépendants prennent des parts de marché à la rechange constructeur, qui domine encore à 80 % ce marché. L’un des signes forts de cette percée est la réaction de certains constructeurs, qui ont décidé de doubler la remise des MRA en 2010-2011, passant de 8 à 18 % ses remises sur les vannes EGR, par exemple. “La croissance dans ce secteur se révèle impressionnante, devenant, en chiffre d’affaires, une activité plus importante que les pièces de grande vente, du fait de la valeur unitaire des produits”, résume Christian Radouan, P-dg de RMAVI Provence et président de la commission technique Diesel & Nouvelles Technologies de la Feda.
Si on revient sur l’offre de l’Autodistribution, le groupement a fait évoluer sa logistique. Ainsi, depuis octobre 2011, il s’appuie sur deux plates-formes techniques, AD Niort et AD Montajault. Celles-ci stockent l’ensemble de la gamme pièces techniques pour le groupement et prennent en charge la logistique. Les deux sites assurent également la réparation des pompes et injecteurs d’anciennes et nouvelles générations, proposant une offre complète à l’ensemble du réseau Autodistribution. Toutefois, au sein du groupement, environ une dizaine de sites font également de la rénovation de pièces Diesel.
Du côté de chez Groupauto, l’ensemble de l’activité Diesel se trouve géré par Le Hello, la plate-forme technique du groupement, qui s’occupe autant du stockage des pièces et de la réparation des produits que de la hotline technique. Le site travaille en mini-séries pour la réparation des injecteurs, mais répond également à des demandes urgentes pour des réparations unitaires. “Notre objectif consiste à répondre en 48 heures à toutes les demandes, qui portent majoritairement sur les anciennes générations, détaille Jean-François Couasnard. C’est d’ailleurs l’une des difficultés dans la gestion de l’atelier, savoir enchaîner les séries et gérer les urgences.” D’autant que la pièce a beau être technique, Le Hello n’en reste pas moins un distributeur devant répondre à une demande, faute de perdre une vente. Son client ne peut immobiliser lui-même longtemps le véhicule de l’automobiliste. Au final, depuis cinq à six ans, l’atelier de Le Hello connaît un regain d’activité, avec des prestations en augmentation de l’ordre de 25 %.
Chez Précisium Groupe (ex-Starexcel), l’offre des pièces Diesel rentre également dans la gestion plus large des pièces techniques. “La part prise par ces familles est en constante progression et nous adaptons régulièrement nos offres”, explique Laurent Levy, chef de groupe achats, marketing produits chez Précisium Groupe. Là encore, pas plus de détails sur les chiffres… La société IDLP, détenue par Patrice Godefroy, tient un rôle clé dans le Diesel, et plus exactement dans la pièce technique, à l’instar de Le Hello ou encore d’AD Niort. Elle stocke l’ensemble des produits Diesel, pompes, injecteurs mais aussi turbo, pour l’ensemble des adhérents, et réalise également de la réparation d’organes common rail et d’ancienne génération. “Leur expertise dans les domaines de la technique automobile n’est plus à prouver, précise Laurent Levy. Pour vendre ces produits, il ne suffit pas de disposer de la pièce en stock, il est nécessaire de bien accompagner le client qui en fait la demande.”
La formation, enjeu clé
Effectivement, la formation représente l’un des enjeux clés pour pouvoir saisir pleinement le marché des pièces techniques, et donc du Diesel. En deux à trois ans, la logistique des pièces a bien été mise en place et se trouve aujourd’hui pleinement opérationnelle, tout comme l’offre commerciale. Chaque groupement dispose de son catalogue, de son offre tarifaire, définie selon les préconisations des équipementiers. Maintenant, la prochaine étape consiste à renforcer la communication auprès des réparateurs afin de leur rappeler l’existence de cette offre. L’attrait économique plaide toutefois en faveur des indépendants. “les MRA se tournent de plus en plus vers le remplacement des injecteurs common rail en échange-réparation, solution généralement plus compétitive puisqu’elle se positionne entre -30 % et -50 % en dessous de l’offre en neuf des constructeurs” L’AD annonce d’ailleurs des projets dans le Diesel, mais sans en dire plus, encore sous couvert de cacher sa stratégie à la concurrence…
Toujours est-il que les ventes de ces pièces reposent surtout sur la capacité des réparateurs à dresser un bon diagnostic. En effet, dans le cadre des pièces techniques, l’usage d’un appareil de diagnostic se trouve indispensable, mais ne suffit pas à trouver la solution. Il faut un degré d’expertise supplémentaire qui ne s’acquiert qu’au travers de formations, réalisées par des instituts spécialisés (Voir encadré Daf Conseil), les groupements ou encore les équipementiers. “La formation représente un volet conséquent dans le métier de diéséliste, certifie Jean-François Couasnard. Il existe chez les fournisseurs des modules de formation en 3 à 4 niveaux, par modèle, et pour les pompes et les injecteurs. Les modules commencent par le démontage, le nettoyage, le contrôle, la réparation et, enfin, le remontage. Ce savoir-faire représente d’ailleurs une valeur très recherchée sur le monde du travail !” Chez Le Hello, on prône l’auto-formation, comptant au global sur deux années de travail, d’abord au comptoir, puis en atelier, pour devenir un vrai technicien.
Mais la formation doit se faire à tous les niveaux, chez les spécialistes, mais aussi chez les magasiniers de grossistes plus classiques, qui souhaitent également proposer cette offre à leurs clients. “Nous avons mis en place pour nos adhérents, particulièrement pour ceux qui ne sont pas des spécialistes de la pièce technique, une formation de deux jours pour démystifier ces différents produits, détaille Laurent Levy. Nos partenaires équipementiers sont aussi impliqués dans cette démarche et doivent visiter nos adhérents pour les accompagner. Comprendre la demande du client et bien le conseiller sont gages de réussite.” Jean-François Couasnard partage cet avis. D’ailleurs, six personnes s’occupent à temps plein de répondre aux demandes téléphoniques. L’offre de Le Hello se trouve accessible depuis Internet, mais les distributeurs restent encore très attachés au téléphone, notamment parce qu’ils ont besoin d’être rassurés sur l’identification de la pièce. Le site ne fait affaire qu’avec les distributeurs, et n’intervient auprès d’un garagiste qu’à la demande du grossiste. “Nous tentons de limiter les relations avec les réparateurs et, dans cette optique, nous formons les magasiniers des distributeurs, afin qu’ils disposent d’un minimum de connaissances techniques pour répondre à la demande des garagistes, détaille le directeur opérationnel de Le Hello. Avec ce premier niveau de compétences, 85 % des soucis peuvent déjà être réglés. Après, en cas de vrai problème technique, notre personnel peut être amené à dépanner le mécanicien.”
La formation se doit d’être permanente et continue pour pouvoir réparer l’ensemble des véhicules, car les nouvelles normes entraînent de nouvelles technologies. De plus, la montée du common rail ne s’opère pas uniquement dans le VL, mais aussi dans le PL et l’agricole. Pour le réparateur, il convient de suivre également ce créneau, même si la demande reste encore faible. Pour les distributeurs, de nouveaux outils seront nécessaires pour tester les pièces. Si la technologie ne change pas fondamentalement, il faudra du matériel fournissant davantage de puissance. Dans tous les cas, pour Christian Radouan, “investir dans la pièce technique représente un coût important, mais nécessaire pour exister demain”.
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FOCUS - Diesel & Nouvelles Technologies : les indépendants pensent à demain
La commission technique Diesel & Nouvelles Technologies de la Feda se compose de 12 membres avec, à sa tête, Christian Radouan, le P-dg de RMAVI Provence. Elle réunit autant les groupements et les indépendants que les équipementiers et fournisseurs. Son rôle consiste à réfléchir aux débouchés futurs et à apporter des prestations de services supplémentaires aux indépendants, en lien avec le Diesel ainsi que toute la chaîne de dépollution. “Sur les voitures micro-hybrides, nous regardons les modalités pour procéder à la réparation du Start & Stop, en concertation avec Bosch, afin de créer une offre en échange réparation, précise Christian Radouan. Les calculateurs représentent également un axe de développement pour nous, et nous contrôlons notamment les informations transmises par les constructeurs. Par exemple, sur l’installation du software, après une réinitialisation de la pièce. Nous vérifions, au travers d’un groupe de travail, la faisabilité de la manipulation, pour nous assurer que les indépendants peuvent réellement réaliser cette prestation. Autre action : avec Valeo, nous travaillons sur les alternateurs démarreurs, afin de définir comment nous pouvons intervenir, contrôler et réparer la pièce. Nous évoquons d’ailleurs l’outillage nécessaire tout comme le savoir-faire indispensable. On note d’ailleurs un retour du métier d’électricien ! Ce dialogue nous permet de définir, avec les équipementiers, des solutions afin de proposer au marché des pièces réparées à un prix attractif.”
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FOCUS - Denso : 6 sites agréés pour réparer les injecteurs
A l’origine, Denso a créé une offre d’échange standard pour permettre aux constructeurs dont il gère les garanties (Toyota, Mazda, Mitsubishi et Subaru) de maîtriser leurs coûts de réparation. Pour l’équipementier, c’est également une façon d’assurer un suivi qualité de ses pièces, la vieille matière étant analysée par un centre européen. En France, IDLP est l’importateur officiel de Denso, et ce depuis plus de vingt-cinq ans. Il gère ainsi le réseau de réparateurs agréés, qui se compose aujourd’hui de 21 sites. Depuis environ un an, la réparation de l’injecteur a été rendue possible, et 6 structures se trouvent aujourd’hui homologuées pour cette prestation. L’équipementier ambitionne d’agréer environ 4 sites par an, pour atteindre 10 à 15 centres. “Nous ne refusons à personne de réparer nos injecteurs, toutefois cela suppose un certain investissement, notamment dans une salle blanche, qui nécessite donc de générer des volumes pour l’amortir”, détaille Denis Piccolo, ingénieur après-vente pour Denso.
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FOCUS - Plus de 65 % des appels portent sur le Diesel
Quasiment deux appels sur trois de la hotline de DAF Conseil (Exponentia) concernent le Diesel, et plus exactement ce sont les thèmes de l’injection common rail et toute la chaîne de dépollution qui soulèvent des interrogations. “Les MRA ont bien souvent fait de premières recherches, et ont découvert un code défaut qui ne leur indique pas réellement la panne, détaille Pascal Renne, directeur de la société. Nous les aidons donc à dresser un diagnostic en procédant pas à pas. En moyenne, sur l’année, 65 % des appels portent sur cette thématique. La technologie reste très complexe, et le besoin de formation est constant.” Les professionnels ont bien conscience de ce besoin de formation, et Daf Conseil assure que cette chaîne de formations, incluant la motorisation Diesel, les pièces techniques ou encore les fondamentaux de l’électricité, est la plus demandée.
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FOCUS - Bosch fait évoluer son réseau
Bosch uniformise à l’échelle européenne son réseau de spécialistes Diesel. Ainsi, les Bosch Centre Technique (BCT) deviennent Bosch Diesel Centers (BDC). Le cahier des charges reste identique, à savoir que ces professionnels se trouvent équipés pour tester et réparer les injecteurs et pompes common rail comme l’ancienne génération. La notion de premium, permettant aux grossistes de garantir deux ans leurs pièces réparées, reste d’actualité. Les ateliers Bosch Diesel Service ne changent pas d’appellation, mais d’offre. En effet, ces sites n’interviennent pas sur toutes les technologies mais, depuis début 2012, ils doivent commercialement proposer à leurs clients toute l’offre en échange réparation. La pièce proviendra alors d’un BCD voisin. Le réseau Bosch Car Service n’est pas modifié, et se focalise particulièrement sur le diagnostic et la réparation du moteur.
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FOCUS - Vieille matière : la clé pour pérenniser l’échange réparation
Pour pouvoir maintenir l’échange réparation, il est impératif que les ateliers spécialisés récupèrent la vieille matière afin de pouvoir la réparer. Chez Bosch, Ludwig Devadder explique qu’en “échange standard, la vieille matière se trouve consignée, de l’ordre de 50 euros par injecteur. Pour autant, il se révèle parfois ardu de récupérer les anciennes pièces, même si les réparateurs ont majoritairement conscience de ce besoin de renvoyer les « corps »”. Pour pallier de potentielles ruptures de références, l’équipementier donne la possibilité aux BDC premium d’acquérir des pièces neuves à un prix avantageux. En revanche, interdiction formelle de revendre la pièce comme neuve, Bosch récupérant d’ailleurs les boîtes pour être certain du changement de canal… Chez Le Hello, Jean-François Couasnard, le directeur opérationnel, précise que “les garagistes veulent avant tout la pièce et s’occupent assez peu de renvoyer la vieille matière, malgré la consigne. Nous faisons preuve de pédagogie auprès d’eux, afin de leur expliquer pourquoi nous avons besoin de la vieille matière et, surtout, nous pointons du doigt que, sans elle, l’offre en rechange réparation ne peut exister. On sent toutefois que cette gestion des carcasses rentre dans les mœurs”.