Equip Auto Algeria : le Premium monte
Pour les fournisseurs européens de pièces, la montée en gamme du marché algérien n’est plus une prévision mais une réalité porteuse de marges plus confortables. Ce qui ne veut pas dire que la concurrence sur le terrain avec des pièces bas de gamme ou même de contrefaçon n’existe pas, en atteste la mobilisation d’Exide par exemple : “Nous avons investi dans ce marché, qui était contrefait, commente Philippe Ferro, directeur commercial France-Dom/Tom et Afrique, Exide Technologies, et depuis deux ans, nous faisons la chasse aux contrefacteurs, en portant plainte systématiquement, et nous gagnons ! C’est primordial pour la sécurité des gens. Certifier aux professionnels qu’ils ont la bonne pièce, revient à les aider à vendre.” Parallèlement, c’est insister sur les valeurs du Premium et sur la rentabilité : “Les fabricants locaux sont 30 % moins cher que nous, mais leurs batteries tiennent un an et demi, quand les nôtres durent 3 ans. Le rapport est facile à faire”, renchérit Philippe Ferro. Conclusion à laquelle ne manque pas d’abonder Pierre-Yves Bailly, directeur commercial rechange indépendante, Mann+Hummel France, et un des pionniers sur le salon : “Nous sommes tous présents en filtration et le marché a toujours été bataillé sur les prix. Avec Mann Filter, nous nous positionnons sur les véhicules de moins de cinq ans en priorité, et jusqu’à sept ans, car c’est dans ce segment que les professionnels veulent de la qualité, du Premium. On note une tendance nette du marché vers le haut de gamme, même si, sur le terrain, il faut lutter contre la concurrence des prix bas, mais nos clients font une croissance à deux chiffres, nous sommes donc sur le bon “trend” ”.
Le poids des marques
Les marques d’origine ont le vent en poupe, en ceci qu’elles garantissent la qualité du produit et la fiabilité, et il ne faut pas croire que les marques européennes ne sont pas connues, bien au contraire. Clément de Valon, directeur de la rechange monde pour Honeywell Turbo Technologies, en a bien conscience, lorsqu’il s’appuie sur la notoriété spontanée forte de Garrett dans le domaine du turbo. “Les réparateurs et les distributeurs algériens sont face à un parc circulant qui comprend de plus en plus de véhicules équipés de turbos. Ils nous réclamaient, depuis quelque temps, des gammes et des supports techniques. Ce que nous apportons avec 2 500 références, et en proposant des produits neufs pour les véhicules de moins de 8 ans, et des produits réparés pour les plus de 8 ans. Et les professionnels se sont tournés vers nous, parce que la marque Garrett est synonyme de qualité, de sécurité et de soutien technologique. On souligne l’appartenance au groupe Honeywell, mais la marque reconnue sur le terrain c’est Garrett, et nous voulons capitaliser dessus”. Même constat dans l’équipement de garage, comme le précise Serge Simon, directeur export de Sam Outillage : “Sam est bien connu en Algérie, et a une très bonne image de marque. Nous nous appuyons sur ce constat pour espérer peser 25 % de parts de marché à horizon 2015. C’est pourquoi, nous avons mis sur la route un camion à nos couleurs pour présenter la gamme”. Quant à Philippe Ferro, sous sa bannière Exide Technologies, il vend du Tudor, la marque connue en Algérie par son origine espagnole et sa forte implantation depuis des années, dans le Maghreb. “Tudor s’offre 60 % de notoriété spontanée, une belle carte à jouer, d’autant qu’elle symbolise aussi les nouvelles générations de batteries (micro-hybrid) qui arrivent sur le marché”.
La qualité en fer de lance
“Nous notons que la conjoncture favorise le retour à la qualité et nous croyons à la professionnalisation du réseau (de distribution, N.D.L.R.), explique Valérie Batisse, directrice commerciale de Mahle Aftermarket SAS, un retour que détaille Claude Theulot, la directrice de la communication : “Avec la montée en puissance des véhicules asiatiques dans le parc, certains distributeurs ont cédé à la tentation des pièces asiatiques à bas coûts. Ils reviennent chez nous parce que, dans la partie moteur, le client final comme le distributeur, confrontés à la mauvaise qualité d’une pièce, évaluent immédiatement ce que cela leur a coûté, et ne pardonnent plus”. Ce qui pouvait passer autrefois quand les véhicules étaient rafistolés, n’est évidemment plus acceptable pour le nouveau parc algérien. C’est, d’ailleurs, ce que dit Abdellatif Dakkak, directeur export pour Liqui Moly : “En Algérie, il y a trop eu de problèmes de qualité avec les moteurs Diesel à cause d’huiles trafiquées. En outre, aujourd’hui, les moteurs modernes réagissent très mal à l’adjonction de produits non conformes. Les automobilistes l’ont bien compris et les professionnels doivent se tourner vers des produits normés, plus sophistiqués et comprenant les bons additifs. Les jeunes réparateurs deviennent, en outre, plus armés pour répondre, et exigent des homologations, des fiches techniques, et des gammes longues. Cela profite aux acteurs comme nous. Les huiles synthétiques de qualité ne se trouvent que chez nous, et cela permet d’identifier plus aisément les grands fabricants, ce qui freine la concurrence malsaine qu’il y avait autour des seules huiles minérales”. En quête d’identification des bons produits, les professionnels algériens cherchent les produits première monte, veulent donner à leurs clients ce qui est vendu à l’origine et viennent trouver les fournisseurs directement sur le salon, pour poser des questions précises. C’est ainsi que Christophe Floquet, directeur marketing Europe produits de freinage Honeywell, se souvient de ses premiers salons : “En 2006, lorsqu’on venait me voir pour du liquide de frein, on venait comparer les prix en cherchant le moins cher. Aujourd’hui, on vient me demander le Bendix. Les distributeurs et les réparateurs réclament des outils spécifiques, des purgeurs de liquide de frein, et des conseils, comment tester les liquides de frein, sans compter des formations. Le marché évolue très vite et l’annonce de la venue de l’usine de Renault joue un rôle bénéfique dans cette évolution, comme révélateur de bonnes pratiques.”
France ou Europe ? Une question d’origine
Pas de chinois, entend-on dire partout, même si, sur le terrain, la traque contre les produits de contrefaçon ou de piètre qualité n’empêche pas l’entrée de certaines pièces. En effet, le gouvernement algérien taxe fortement les produits importés de Chine, notamment, pour favoriser le développement d’une distribution vertueuse et de qualité, mais le concept du “cabas” a la vie dure. Le cabas, c’est comment importer via des particuliers de la marchandise sans passer par les fourches caudines de l’administration. Dans le cabas de la “ménagère” – dont les produits retrouvent les rayons des épiceries… - on peut découvrir également des arbres de transmission : le cabas se révèle magique ! Cependant, les professionnels algériens refusent l’asiatique, qui n’apporte ni marge ni sécurité, alors que l’augmentation du niveau de vie autorise le passage au produit de qualité. Valérie Batisse de Mahle reconnaît aisément que “le marché réclame de la fabrication européenne plus que française, de l’origine identifiable, et surtout des interlocuteurs solides et pérennes” – la relation humaine étant primordiale en Algérie comme dans de nombreux pays, d’ailleurs. “Nous jouons beaucoup là-dessus, car lorsqu’on parle d’asiatique, il ne faut pas tout mélanger. Les constructeurs coréens ou japonais qui arrivent, proposent de l’excellente qualité, comme Hyundai avec sa gamme aftermarket. Nous proposons, donc, en face, une gamme pour véhicules asiatiques, après avoir analysé le parc algérien et plus généralement celui d’Afrique du Nord”.
Une offre toujours plus adaptée et “marquetée”
Distributeur officiel de ContiTech, Kamel Hagot, directeur général de Getco, se félicite de sa ténacité sur le marché. Comme beaucoup de ses confrères que nous avons cités ici, le chiffre d’affaires a été multiplié par deux (avis aux frileux qui restent en France à se lamenter sur la baisse de leur chiffre d’affaires). Et il communique sur son entrée en origine chez Peugeot, chez Hyundai ou Kia : “les professionnels aiment l’origine, cela nous arrange, et nous communiquons sur nos positions en OE pour vendre davantage. L’usine Renault va, dans le même sens, accroître les affaires des distributeurs de pièces pour véhicules français et sera vecteur de marketing produits d’origine pour l’ensemble des importateurs”. Un constat que ne dément pas Mohamed Chelali, directeur de D.S. Motors, et importateur exclusif de Bosch, -le premier équipementier mondial qui, chose curieuse, n’a pas de filiale en propre dans ce pays, même s’il soutient fortement son importateur-, qui affiche 20 % de progression et le lancement de trois Bosch Car Service. “Le marché est toujours très instable et il faut toujours plus de produits. Nous communiquons sur le nom de Bosch et aussi sur nos gammes pour véhicules japonais. Nos formations -obligatoires quand on représente la marque Bosch- nous aident à faire passer les messages. Nous avons notre propre centre Bosch à Alger avec un atelier d’injection dans lequel nous formons les “pompistes”, (les diésélistes, N.D.L.R.) qui sont des candidats aux Bosch Car Service. Nous en avons installé trois, mais nous en prévoyons une douzaine pour cette année. C’est le fruit d’une forte campagne de communication, car ce concept n’est pas dans notre culture, mais cela se met en place, parce que les gens voyagent et ont vu les BCT en France et en Europe, et surtout, parce qu’ils sont confrontés, dans leurs ateliers, à de sérieux problèmes de technologie. Nous apparaissons comme une solution inespérée car le concessionnaire ne peut pas toujours répondre”.
Le bon réseau, une nécessité
Pour gagner, “il faut entrer par les bons importateurs” commence Pierre-Yves Bailly de Mann Filter, “et par capillarité entrer sur le marché. Organiser la distribution, ce n’est pas le plus facile, mais globalement celle-ci reste la même. Ce qui nous amène d’ailleurs à spécialiser notre distribution vers les spécialistes gammes allemandes, asiatiques ou PL”. La distribution (voir notre dossier dans le J2R 32), est tenue par de grands importateurs, qui distribuent auprès de distributeurs locaux, les uns et les autres devenant de plus en plus spécialisés. C’est ce que confirme Claude Theulot de Mahle : “Nos distributeurs se développent et nous élargissons notre réseau sur le produit spécifique qu’est le filtre. Nous ciblons les spécialistes et travaillons nos différentes gammes, la filtration VL, les pièces moteur VL et PL, la gamme turbo en PL… Nous sommes reconnus sur le moteur (piston, segment, thermostat, turbo) et sur le PL, ce qui nous fait une entrée pour promouvoir d’autres produits. Nous nous appuyons sur nos distributeurs qui sont de véritables partenaires, même si nous n’avons pas de contrat d’exclusivité. Nous préférons un réseau bien établi. Et quand il est difficile d’entrer sur le réseau traditionnel avec un produit comme le filtre, nous allons vers le spécialiste”. Chez Sam Outillage, le choix s’est porté sur quatre importateurs, trois étant “industrie” et un “automobile”. Il reste encore des zones à conquérir, la présence sur le salon servant aussi à élargir le maillage. Reste que, là encore, la spécialisation et l’équipement de qualité gagnent. Et le phénomène “tâche d’huile” prend tout son sens. Chez Honeywell, Clément de Valon voit “les acteurs se spécialiser vers la pièce technique et, in fine, le turbo. C’est pourquoi, nous poursuivons dans la promotion de la pièce d’origine qui parle de plus en plus à notre distribution exclusive, et à qui nous apportons tous les outils et supports nécessaires. Il n’y a pas de spécialistes 100 % turbo mais des distributeurs qui se spécialisent et que nous accompagnons”.