Equipement de garage : convaincre du retour d’investissement
“Les distributeurs font 3 à 5 % de leur chiffre d’affaires en équipement de garage, nous a confié Olivier Grapeloup (Snap On Equipement), mais les meilleurs peuvent atteindre 10 % et certaines gammes sont génératrices de marges fortes, 15 à 17 % parfois. Evidemment, on est loin des marges à 25 % qui furent pratiquées dans le passé.”
Pour les distributeurs eux-mêmes, les objectifs vont jusqu’à 16 ou 17 % du chiffre d’affaires, selon Jacques Harivel, responsable de l’équipement de garage chez Groupauto. Ils sont ainsi équivalents au chiffre réalisé dans la pièce pour poids lourds par exemple. Mais cette activité, de moindre importance par le passé, doit aujourd’hui être travaillée par la distribution indépendante. Jacques Harivel insiste sur l’importance du rôle de la centrale pour aider les distributeurs en ce sens.
C’est l’innovation qui soutient le marché
“Les prix autorisés par le marché sont serrés, reconnaît Daniel Suarez, de Facom, car les réparateurs disposent de capacités d’investissement limitées. Les gros efforts réalisés sur le diagnostic réduisent les autres postes. Mais le gain de temps obtenu avec un nouveau matériel peut décider le réparateur. C’est ce qui a été mis en avant lors d’Equip Auto par Facom. L’animation importante qui a été proposée à cette occasion a eu de très bonnes retombées.”
Si le leader français de l’outillage affirme que l’innovation est indispensable, il revendique aussi une augmentation de rentabilité par un gain de temps et de confort. “Ainsi, la clé à choc présentée sur Equip Auto est vraiment attendue par les réparateurs. C’est aussi vrai pour notre nouvelle gamme de rangement d’outils qui est apparue au printemps et représente déjà 60 % des ventes de servantes. Aujourd’hui, le client investit dans la qualité. Il dépense moins et demande du matériel fiable, pour avoir un véritable retour sur son investissement”, précise Daniel Suarez.
Pour François Herfray (Bosch), l’innovation “permet de rester à l’avant du marché et de conserver des avantages sur la concurrence. La différenciation rend les produits attractifs, mais les offres commerciales sont indispensables pour soutenir le commerce”.
Les distributeurs stockent de moins en moins…
Les distributeurs ont du mal à stocker (loi LME) et comptent sur les équipementiers pour assurer les démarches commerciales. Certains s’en plaignent, d’autres y voient une opportunité pour mieux connaître les utilisateurs et former techniquement les spécialistes d’équipement d’atelier chez les distributeurs.
“Le marché de la réparation indépendante est aujourd’hui peu enclin à l’optimisme, confie Christian Laloue, de SNA Europe. Les garages indépendants font extrêmement attention aux postes d’investissement et à l’achat de matériel. Quant à la distribution, avec la loi LME et l’activité économique globale, elle surveille ses stocks. C’est à nous, fabricants, de proposer des solutions innovantes et dynamiques pour les aider sur le marché. Nous prévoyons en ce sens une nouvelle organisation pour 2012. Nous serons encore plus proches de nos clients finaux.” Vision différente pour Sébastien Bonhomme (SAM) : “Révolution des dernières années, les plates-formes sont là pour approvisionner en temps et en heure les grossistes “détaillants”.”
Mais, selon Olivier Grapeloup, il y a danger à poursuivre sur ce terrain : “Il faut que les distributeurs se souviennent de leur métier. Avec le développement de nouvelles formes de distribution, les réparateurs vont demander un service immédiat à leurs fournisseurs. Celui qui installe dans les deux jours peut emporter les marchés. Des fournisseurs étrangers à faibles coûts pourraient bien appliquer cette méthode et changer le cours des choses.”
Pour Daniel Suarez (Facom), le positionnement structurel des distributeurs a changé depuis 2008, la LME et les retours de crise. En 2008, les distributeurs ont réduit leurs stocks. Il faut désormais s’y adapter pour fournir avec plus de réactivité. Il ne devrait pas y avoir de retour à une situation antérieure. Les distributeurs ont adapté leurs propositions et leurs structures à cette organisation.
A la tête de certains groupements, la situation s’explique différemment. Pour Jacques Harivel, de Groupauto, “le grossiste n’a pas à stocker l’équipement de garage. Il est rare que le besoin soit immédiat. Pour un appareil de diagnostic, une géométrie, le réparateur prend son temps avant de se décider. En revanche, certains matériels doivent être remplacés rapidement car la décision se fait sur panne, comme les ponts élévateurs, les compresseurs. Le grossiste stocke du compresseur, mais le pont élévateur est entreposé sur les plates-formes et disponible sous une à deux journées. L’outillage à main est également disponible sur place, mais c’est une question de volume dans les entrepôts, et de mode d’achat. Il faut souvent répondre à des besoins ponctuels”.
Quelle est l’importance du distributeur entre l’équipementier et le client ?
Tous reconnaissent que la relation humaine est capitale dans l’achat d’équipement. “Le client veut toucher et juger sur pièce ce qu’il achète, justifie Jacques Harivel. Certains équipements nécessitent l’assistance du fabricant, tel que la géométrie ou le diagnostic.”
Par contre, on constate le faible investissement humain. “Si les tournées accompagnées sont très importantes, il y a de moins en moins de commerciaux dédiés à l’équipement de garage chez les distributeurs. Pour le justifier, il faut parvenir à un chiffre d’affaires suffisant, difficile à atteindre dans certaines petites structures”, poursuit Jacques Harivel. Le rôle du distributeur reste pourtant indispensable. Pour Francis Pegues (Texa), “la distribution directe n’a pas de justification pour l’équipement de garage, sinon pour compléter des gammes de produits consommables. Le besoin de présence terrain entraînerait la mise sur pied d’une force de vente trop importante et se poserait en adversaire de la distribution classique. Il est donc important de conserver le schéma de distribution classique et de l’aider. Les équipementiers sont là pour assister le commercial local dans la vente, mais également le former sur le plan technique”.
Quelles sont les segmentations ?
Les spécialistes reconnaissent trois familles composant l’équipement de garage : l’outillage à main, l’équipement plus lourd et coûteux, soit les ponts, les appareils de traitement de la roue (démonte-pneus, équilibreuses et géométries), les stations de climatisation… La dernière famille concerne le diagnostic, qui nécessite des structures spécifiques, une aide à la vente décisive, une après-vente importante, une gestion des abonnements aux données. “C’est un marché en croissance continue, même les années creuses, reconnaît Francis Pegues (Texa). De nombreux entrants veulent prendre une place alors que le marché est désormais sur le remplacement et le deuxième équipement des ateliers. Quelques ateliers continuent un primo équipement pour de la gestion de hors parc, chez les représentants des constructeurs et chez les carrossiers. Ceux-ci ne peuvent pas continuellement utiliser les services “amicaux” des réseaux constructeurs avec une électronique devenue de plus en plus envahissante.”
Quant à la part que cela représente, Jacques Harivel donne son estimation : “La part du gros équipement est de 40 % en volume, par rapport à l’outillage à main. Mais en valeur, c’est l’inverse.”
Quels sont les marchés porteurs ?
“La géométrie dispose aujourd’hui d’un potentiel mal exploité, nous dit Jonathan Habersztrau (Fog). Il y a actuellement une géométrie dans un garage sur quatre ! Les équipements traditionnels ont encore leur place, à condition d’apporter une offre moins sensible au réglage (fragilité). Compte tenu de son prix, la 3D ne représente encore que 10 % des ventes. Des idées doivent être avancées pour convaincre les réparateurs du bien-fondé de s’équiper. Il faut créer des solutions “tout compris” qui intègrent une valeur locative et la mise à jour des bases, pour un forfait mensuel.”
Pour des équipements très coûteux, la mise en place chez le réparateur pour un coût “à l’opération” peut être motivante, comme le pratique Baudouin De Brosses, chez API, pour son appareil de contrôle de géométrie sans contact. Il est aujourd’hui en cours d’interfaçage avec un appareil électronique de réception. C’est d’ailleurs la démarche de Fog, qui propose de scanner la carte grise du client pour rentrer automatiquement les données, et aller chercher les informations sur le véhicule dans la base “3A” pour programmer les travaux.
La climatisation en décroissance
“Le marché de la climatisation est très instable, saisonnier et lié aux actualités. La nouvelle réglementation a repoussé un bon nombre de décisions de renouvellement, nous a confié Francis Pègues (Texa). Mais des réparateurs qui ont décidé d’arrêter l’activité y reviendront demain pour éviter la perte d’un chiffre d’affaires non négligeable. Ils vont s’équiper d’appareils aux nouvelles normes. L’arrivée sur les voitures neuves du nouveau fluide frigorigène (1234yf) va également susciter une demande de nouvelles machines. Les réseaux constructeurs et les carrossiers seront les premiers à s’équiper.”
Quelles sont les perspectives ?
Si 2011 a été irrégulière, tous ont constaté une légère croissance finale. Les perspectives 2012 seront liées aux conditions globales de l’économie européenne, de la notation financière et des retombées sociales. Personne ne fait de pronostics, sinon Rui Melao, chez Förch, qui voit “une année de progression dans la continuité de 2011, avec une poursuite du déploiement de la force commerciale sur le terrain”. Le mot d’ordre reconnu dans cette branche nous est fourni par Jonathan Habersztrau, de Fog : “Il faudra poursuivre la progression technique des matériels, comme s’intégrer dans le garage communiquant, et, pour cela, sans doute, s’allier à des partenaires qui compléteront nos offres.”