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Filtres d’habitacle, l’essor par la santé

Publié le 23 mai 2013
Par Axel Abadie
5 min de lecture
Si le filtre d’habitacle a pour vocation de protéger le système de climatisation, l’argument est aujourd’hui délaissé au profit de la protection des passagers contre la pollution. A grand renfort de visuels ou phrases choc, les équipementiers récoltent les bons résultats de ces campagnes qui marquent les esprits.
S’il considère que son travail de communication a porté ses fruits, Bosch travaille cependant à un nouveau projet autour de la filtration d’habitacle.

Faut-il une communication anxiogène pour permettre au marché du filtre d’habitacle de progresser ? Au vu des différents packagings utilisés par certains équipementiers, c’est la question que nous avons souhaité leur poser. A coups de visuels et d’argumentaires reposant sur l’aspect sanitaire, cette manière de sensibiliser les MRA et, in fine, les automobilistes, semble avoir pris le pas. Selon Jean-François Gobert, responsable marketing produit chez Sogefi, “l’intérêt du filtre à particules, c’est qu’il est le seul composant qui permette une communication auprès du grand public”. Et parler de pollens, de bactéries, d’allergies, d’éternuements à répétition, de buée, de pollution due aux particules fines, est effectivement plus percutant et impliquant que la simple protection d’un système de climatisation.

“Cette famille a fortement progressé ces dernières années, et la communication y est pour beaucoup”, concède Patrick Péron, chef de produit Filtres chez Mahle. Un avis renforcé par celui de Michel Camillo, directeur régional France de UFI Filters : “Le poste communication est, en effet, très important, mais ce n’est jamais assez. Il faudrait une association d’équipementiers pour être efficace, comme c’est le cas sur l’amortisseur notamment. Si l’on prend le filtre à charbon actif par exemple, cela reste compliqué parce qu’il faut justifier du prix plus élevé.”

Chez Bosch, où l’on constatait une progression à deux chiffres sur tous les filtres d’habitacle à fin 2012, on souhaite poursuivre dans ce sens. “Cela veut dire que notre travail de communication porte ses fruits, se réjouit Estelle Selvan, chef de produit Filtres. Nous planchons sur un projet qui nous permettra de nous développer encore davantage. Nous sentons une prise de conscience importante concernant le filtre d’habitacle, et nous avons l’espoir que cela continue.”

De la clim aux poumons

Les équipementiers peuvent effectivement se reposer sur deux axes de communication concernant la filtration d’habitacle : la santé et la protection du système de climatisation. En effet, comme le rappelle Jean-François Gobert, “une des fonctions du filtre à particules est de protéger les éléments du système de climatisation. C’est une fonction sur laquelle on ne communique pas trop et que l’on a tendance à oublier. Le filtre d’habitacle fait partie des pièces incriminées dans la moitié des pannes”. Selon lui, mettre l’accent sur cet aspect permettrait de “remettre le filtre d’habitacle au centre des débats”.

Jean-François Gobert va même un peu plus loin, expliquant sa réticence vis-à-vis de l’axe santé qui est de plus en plus utilisé. “Nous ne sommes pas médecins, mais équipementiers”, martèle-t-il, donnant ainsi la primeur aux conséquences techniques. Même son de cloche chez Mann+Hummel. Marie-Jo Faivre, responsable marketing, estime “qu’il faut aller davantage sur les conséquences liées au système de climatisation. Nous ne voulons pas trop jouer avec l’aspect santé, nous ne voulons pas de communication anxiogène. Il faut rester sur des propos qui soient clairs”. Pour toutes ces considérations techniques, Mann+Hummel met d’ailleurs au point un site Internet dédié, “Sup’Air MannFilter”, qui sera lancé au début de l’été.

Pas d’ambiguïté du côté de chez Mahle en revanche, où l’on considère que les deux axes sont bons à utiliser. Comme l’explique Patrick Péron, “notre argumentaire repose sur la protection des personnes, mais la protection du système de climatisation n’est pas négligeable non plus. Il y a, en effet, un impact sur les moteurs électriques, les souffleries. Autant de cartes dans les mains des MRA pour insister sur la nécessité du renouvellement, afin d’éviter un encrassement des systèmes. Malgré cela, les actions qui portent reposent sur l’aspect santé”. Et Mahle ne s’en prive pas, avec sa phrase choc, “C’est votre santé qui est en jeu !”, sur fond de pollution et de bactéries, mise en avant dans un de ses argumentaires.

UFI Filters joue la carte de la santé également, en se fondant sur différentes études tendant à prouver les dégâts de la pollution dans l’habitacle. “Beaucoup de gens sont sensibles, la pollution à l’intérieur du véhicule peut être 6 fois supérieure qu’à l’extérieur. C’est connu depuis de nombreuses années, il ne faut pas hésiter à s’en servir”, signifie Michel Camillo. Un filon exploité par Corteco également, qui, sur ses “Promobox” visibles sur les comptoirs, utilise une image aux couleurs froides représentant des poumons qu’il faut protéger.

Du côté de Bosch, Estelle Selvan explique “que le filtre à charbon actif a un pouvoir d’absorption plus élevé que le filtre standard. Il retient en plus des pollens et poussières fines, les gaz nocifs, grâce à sa couche supplémentaire. Cela a une incidence sur le coût du produit final. Nous mettons en avant ses bienfaits pour la santé et la sécurité au sein du véhicule.” L’équipementier allemand pratique des tests dans l’habitacle, et mesure ainsi les effets du filtre sur la réduction de la pollution intérieure. Cependant, Bosch “va augmenter la prévention santé sans surfer sur une vague de communication anxiogène vis-à-vis du Diesel. Nous réaxons le débat sur la santé, et disons que le filtre à charbon actif est indéniablement le meilleur moyen de lutter contre la pollution en général”, poursuit la chef de produit. Leader sur le Diesel, Bosch est, en effet, dans une position délicate et ne peut se permettre de pointer du doigt ses effets néfastes.

La preuve par l’exemple

Voir ou sentir la différence : les équipementiers ont vite compris que des objets valent mieux que des longs discours. D’abord, et tout simplement, en juxtaposant un filtre neuf et un filtre usagé après 15 000 kilomètres. C’est ce que propose Mecafilter, par exemple, sous forme de petit présentoir, accompagné de la phrase “Respirez mieux, en filtrant mieux”, afin de susciter un changement de la pièce plus régulier. Selon Riadh Abdelkefi, directeur général adjoint du groupe Mecafilter, “il ne faut pas choquer mais bien être dans le positif”. Ce dernier déplore cependant que “les MRA ne fassent pas assez passer le message. Ce ne sont pas des commerciaux, et c’est aujourd’hui la base du problème”.

Peut-être, alors, que la SmellBox mise au point par Corteco sera d’une meilleure aide. Si le présentoir de Mecafilter tend à démontrer la détérioration du filtre à pollen, ici l’équipementier souhaite mettre en valeur le filtre à charbon actif. Une boîte cylindrique renferme un “Arbre magique” à la senteur très puissante. Deux orifices sont comblés d’un côté par un filtre standard, de l’autre par un filtre à charbon actif. Il n’y a plus qu’à approcher son nez et constater que ce dernier filtre, en effet, les odeurs. ““Santé” la différence !” est d’ailleurs la phrase que l’équipementier a imaginée et inscrite sur sa SmellBox. Sur le côté, Corteco rappelle les propriétés de sa technologie permettant de se protéger contre les pollens et la pollution.

Jérôme Habsieger, directeur commercial de Corteco, compte sur ce nouvel objet pour faire la différence auprès des garagistes. “Le charbon bloque essentiellement les odeurs chimiques, d’hydrocarbures, quand on passe à côté d’une raffinerie ou tout simplement lors d’un arrêt à une station-service. L’objectif est de ne plus sentir les odeurs que l’on sentait habituellement, sur tous les trajets réguliers des automobilistes”, explique-t-il. Son initiative rappelle celle de Mann+Hummel. L’équipementier promène, en effet, sur les salons régionaux, une boîte en plexiglas qui, grâce à un système de ventilation, permet de sentir la différence. Le procédé est identique, la boîte renfermant ici des mégots de cigarettes.

Chacun, aujourd’hui, semble s’y retrouver, selon qu’il privilégie un axe de communication ou l’autre. Sur le ratio, inévitablement, les considérations sanitaires deviennent prépondérantes, touchant plus facilement une plus large population. C’est aussi le sujet qui permet d’innover en termes de communication, à l’image des travaux de Corteco. De là à trouver un jour les filtres d’habitacle en pharmacie ? On peut compter sur les équipementiers pour ne pas s’en passer si l’occasion se présente. ­­

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