La dynamométrie, le serrage contrôlé
L’usage de la clé dynamométrique n’est pas suffisamment pris en compte dans les ateliers de réparation de mécanique automobile. “En usine, tout est serré au couple, mais en réparation ou en entretien, le suivi des serrages n’est pas souvent respecté, indique Paul Samms, responsable dynamométrie pour le groupe Stanley Facom. Si la recherche des valeurs de serrage est un écueil, il faut également que le mécanicien maîtrise la clé et l’ait à portée de main.” Les montages sont désormais calculés au plus juste, parce que les calculs de résistance sont de plus en plus précis, respectés lors du montage en usine, mais aussi parce que limiter la masse des véhicules est obtenu au prix d’une réduction de la dimension des pièces.
Souvent approximatif pour le réparateur, le serrage des pièces d’une voiture doit impérativement être réalisé selon les prescriptions de couple fixées par le constructeur lors d’une réparation.
Force de serrage et résistance des matériaux
Chaque vis a ses caractéristiques propres de résistance, qui sont utilisées dans un montage pour répondre au besoin de l’assemblage. Les forces qui s’exercent sur les vis, goujons et écrous seront suffisantes pour assurer la fiabilité du montage et n’entraîneront pas la rupture des pièces. Dans le passé, toute la boulonnerie était surdimensionnée et on lui appliquait des serrages inférieurs aux besoins, mais suffisants. Comme pour tous les matériaux constituant le véhicule, la boulonnerie utilise désormais des métaux plus performants. La forme est également étudiée pour chaque usage. Une vis de bielle ne conviendra pas pour un autre usage, les vis de culasse sont également spécifiques. Leur montage est réalisé conformément à leurs caractéristiques, le serrage obéit à un couple précis, ou à un serrage angulaire encore plus précis dans la charge qu’elle exerce sur les montages.
Déformation des assemblages vissés
Dès qu’une contrainte par serrage s’exerce sur un assemblage, les pièces constitutives se déforment. C’est vrai pour les vis, ça l’est aussi pour les pièces qui sont serrées.
Lors de l’application de l’effort de serrage sur la vis, elle est sollicitée en traction et en torsion, du fait du couple lié au frottement au niveau du filetage. Comme les frottements dans le filetage empêchent un desserrage de la vis, la contrainte de torsion agit aussi après le serrage. La limite élastique de la vis, qui est utilisée pour définir le couple de serrage optimal, est estimée à 85 % de sa résistance élastique nominale. C’est pourquoi il faut remplacer systématiquement les vis, goujons et écrous ayant un rôle vital dans le fonctionnement mécanique. Pour optimiser le serrage et apporter plus de précision, cette particularité est utilisée pour le serrage angulaire.
Le serrage angulaire
Le couple de serrage appliqué sur la vis est utilisé en grande partie pour compenser les frottements dans le filetage et sous la tête de vis. Pour obtenir réellement la précision de l’effort sur l’assemblage, on utilise le serrage angulaire. Celui-ci utilise la capacité de résistance de la vis en situation d’allongement de ses fibres, au-delà de l’application du couple de serrage.
Pour rapporter ce comportement de la vis lors du serrage, on peut dire que jusqu’à un couple de serrage mécanique correspondant aux caractéristiques de la vis, celle-ci applique sans déformation toute la force sur les assemblages. Au-delà du seuil d’élasticité, le couple de serrage sera uniforme, mais la vis se tord et s’allonge. Cette phase est utilisée pour le serrage angulaire. La plage de déformation de la vis est relativement large et autorise des incertitudes opératoires (quelques degrés d’angles). Par contre, le couple appliqué sur les pièces est constant. Au contraire, un serrage uniquement dynamométrique est très différent selon l’erreur opératoire. Lorsque le montage fait appel à plusieurs vis ou écrous, le risque de déformation est encore plus grand, inversement, la précision du montage sera meilleure en serrage angulaire.
Les outils de serrage dynamométrique
Les clés dynamométriques sont des outils de précision, de métrologie. Leur fonctionnement utilise des pièces mobiles, il est donc nécessaire de vérifier régulièrement leur étalonnage. Les fabricants préconisent un contrôle tous les ans ou deux ans et toutes les 5 000 utilisations. Encore faut-il que la clé soit correctement utilisée, et surtout correctement stockée entre deux usages.
Comment fonctionne la clé dynamométrique
La clé dynamométrique est constituée d’un mécanisme à résistance variable, dont le réglage est étalonné. Sur les clés à déclenchement couramment utilisées, le levier est indépendant de la poignée. Il est retenu par un ensemble de levier pour démultiplier le couple, et vient prendre appui sur un cliquet qui est verrouillé par un poussoir retenu par un ressort réglé par molette. Cette molette est graduée pour contrôler le couple de déclenchement.
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QUESTIONS À... Paul Samms, responsable dynamométrie chez Facom
Le marché de la dynamométrie est-il à un niveau normal par rapport aux besoins ?
La dynamométrie est une famille de produit qui bénéficie d’une bonne dynamique commerciale. C’est de plus en plus demandé et utilisé. Mais, clairement, les garagistes ne sont pas encore suffisamment équipés d’outils dynamométriques.
Le cœur du marché est constitué de la clé 1/2 pouce réglable qui couvre 0 à 200 Nm. C’est un équipement très utilisé en service pneumatique. Les adaptateurs électroniques sont également très porteurs. Lancé à Equip Auto, le produit couvrant à la fois couple et angle est apprécié pour toutes les réparations des moteurs. Pour un coût très inférieur, l’adaptateur de contrôle de l’angle de serrage classique est encore très demandé. Si la précision de ce produit est limitée, son utilisation par les réparateurs est déjà une bonne chose.
Pourquoi la clé dynamométrique n’est-elle pas assez utilisée ?
En usine, tout est serré au couple (ou couple et angle), mais en réparation ou en entretien, le suivi des serrages n’est pas respecté. Une des difficultés qui se présente au réparateur est constituée par la difficulté de trouver l’ensemble des valeurs à respecter. Il faut ensuite que le mécanicien sache utiliser l’outil. Si, en usine, les outils sont énergisés et dédiés à un seul type de serrage, en après-vente, la clé dynamométrique manuelle peut devenir une source d’erreur quand elle est mal utilisée. Un exemple qui revient lors des enquêtes qui sont faites concerne la roue, qui est approchée à la clé à choc, pour un serrage définitif à la clé dynamométrique. Si l’utilisation de la clé à choc dépasse le couple de serrage prescrit, la clé dynamométrique ne va pas ramener le serrage à la bonne valeur, et le déclenchement traduit seulement que le serrage est égal ou supérieur à la valeur prescrite.
Quel est l’avenir de la clé électronique ?
Les acheteurs ont bien accueilli les clés électroniques polyvalentes couple et angle. Ce nouvel équipement rejoint la démarche de l’après-vente automobile tournée vers les outils les plus multitâches. Néanmoins, la clé mécanique a encore de nombreux adeptes, qui apprécient le “clic”. Elle résiste toujours et encore. La sensation du clic de la clé mécanique standard est un signal fort auquel les gens sont habitués et qu’ils aiment beaucoup. Ils ont confiance dans le côté mécanique de cette clé. C’est quelque chose qui est encore majoritaire en Europe. La clé mécanique n’est pas encore supplantée par l’électronique.
Quelle est la part de marché respective de chaque type de clé ?
Il est encore à hauteur de 80 % en faveur de la clé mécanique.
Quel est le développement prévisible dans la dynamométrie ?
Il y aura encore de l’innovation. Le numérique permet beaucoup de choses. Une traçabilité est possible avec le numérique.
Il faut également assurer une maintenance correcte des clés, qu’elles soient mécaniques ou numériques. Après deux ou trois ans, le mécanicien pense que sa clé est encore bonne. Mais si elle est soumise à un étalonnage régulier, les opérations de serrage contrôlé seront beaucoup plus fiables.
L’avenir va vers la clé communicante, avec l’enregistrement d’un rapport de serrage, qui peut être remis au client ou archivé dans des dossiers clients. Le but de l’évolution serait de permettre une communication des clés vers les garages, mais également vers le fabricant.
Comment la sensibilisation au contrôle des outils se fait-elle auprès du client ?
Un certain nombre d’attachés commerciaux disposent de couplemètres (E2000) dans les camions de démonstration, qui permettent de proposer un rapide contrôle aux réparateurs, lors des visites. Il y a encore un problème de communication sur le produit. Un outil dynamométrique est un outil de précision et il faut le rappeler aux utilisateurs en permanence.
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FOCUS - Le bon usage de la clé dynamométrique
Les clés à déclenchement à ressort ne doivent pas rester sous contrainte. Lorsqu’elle n’est pas utilisée, la clé doit être remise en position de repos, le réglage doit être ramené au “zéro”. Si la clé n’est pas déréglée, le ressort perd son effet élastique par effet “mémoire” du métal. Cette précaution permet de conserver sa précision à l’outil. C’est la principale cause de perte de fiabilité d’une clé dynamométrique.
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FOCUS - Serrage angulaire, l’astuce smartphone
L’appli “iSetSquare” (sur appstore ou google play) permet de réaliser facilement un appareil de mesure de déplacement angulaire. Fixer le smartphone sur la clé (support auto plus sangle). Positionner l’ensemble sur le boulon à serrer. Lancer l’application et initialiser l’appareil sur 0°. Serrer jusqu’à obtenir l’angle demandé.
Attention, cette utilisation nécessite le contrôle visuel de l’écran, un travail à l’horizontal et ne permet pas d’avertissement sonore. La tolérance est de 2° plus l’erreur opératoire.
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FOCUS - Vue crevée d’une clé dynamométrique
Les marteaux démultiplient la force pour gagner en précision. Le cliquet vient retenir le dernier marteau. Quand le couple relayé dans les marteaux est égal à la force opposée par le ressort sur le cliquet, les marteaux échappent, indiquant la réalisation du serrage de consigne (de réglage) et donnant du jeu à la clé. Lors du relâchement de l’effort de serrage, les marteaux, le cliquet et le ressort reprennent leurs places initiales.
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FOCUS - La clé électronique
Des jauges de contrainte piézo-électrique sont placées entre le support de l’outil de serrage et le corps de la poignée, sur un barreau déformable. Les signaux émis lors du serrage sont amplifiés puis traités par un contrôleur électronique qui assure l’affichage et l’émission de signaux en lien avec les valeurs de réglage établies par l’opérateur.
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FOCUS - Le contrôle des clés dynamométriques
Une erreur de serrage de 4 % est communément admise lors de l’utilisation d’une clé dynamométrique. Cette erreur doit être obtenue avec une clé qui a été vérifiée par un atelier agréé, sur un équipement qui lui-même est régulièrement étalonné dans le cadre de procédures certifiées. Autant dire qu’une clé peut rapidement être loin des valeurs prescrites. Il faut donc très scrupuleusement respecter les préconisations des constructeurs sur les méthodes de serrage et veiller à l’entretien de son matériel. En France, c’est le Cofrac (Comité français d’accréditation) qui certifie les laboratoires pouvant effectuer les vérifications de matériel. Ainsi, chaque appareil de contrôle d’un outil dynamométrique doit être accompagné d’un certificat d’étalonnage. Les laboratoires accrédités font eux-mêmes régulièrement l’objet d’une vérification de leurs procédures et de leurs équipements. Les étalons utilisés sont même comparés tous les dix ans aux étalons internationaux, pour en vérifier l’exactitude.