Les valves, hautement techniques et sécuritaires
Qu’il s’agisse de produits destinés à la roue VL, PL, à la boucle de climatisation, l’entreprise équipe de nombreux constructeurs en exclusivité, et environ 50 % du parc mondial ! Des infos méconnues, tout comme le fait que ces valves qui roulent dans le monde entier sont fabriquées en France, à Pontarlier (25), près de Besançon, avec un savoir-faire plus que centenaire.
Un peu d’histoire
L’entité française du groupe est issue du rachat des établissements Dubied en 1960. A l’époque, la société se spécialise dans l’usinage et le décolletage, et fabrique déjà des valves pour les cycles, poids lourds…
Aujourd’hui, Schrader fabrique sur place 130 millions de valves automobiles par an, qu’il s’agisse des modèles tubeless classiques ou bien des valves qui entrent dans la fabrication des TPMS (systèmes de surveillance de la pression des pneumatiques). A ce sujet, l’usine tourne actuellement nuit et jour pour répondre à la demande des clients constructeurs du monde entier, qui anticipent la réglementation européenne, stipulant l’obligation d’équiper chaque véhicule neuf de TPMS dès novembre 2014.
Si la valve métallique ou caoutchouc est produite à Pontarlier, Schrader dispose également d’une entité en Irlande, qui se charge du développement et de la fabrication des capteurs proprement dits depuis 1997, et du premier montage du genre sur la Peugeot 607.
Produit méconnu
Le grand public – et même les professionnels – ne prêtent pas attention aux valves de roue. Elles constituent pourtant un véritable organe de sécurité, au même titre que le pneumatique ou la suspension.
Et si leur valeur unitaire et leur taille en font un produit négligé, elles n’en constituent pas moins un produit particulièrement technique, malheureusement galvaudé par des productions exotiques de piètre qualité, voire parfois dangereuses. Schrader, qui produit à ce jour essentiellement pour la première monte, a voulu tordre le cou aux idées reçues en nous faisant visiter son site de Pontarlier. Définitivement, non, toutes les valves ne se ressemblent pas, et oui, la qualité a un prix, à ne pas confondre avec son coût.
Tout commence par la matière…
Le site s’étend sur 15 000 m2 et emploie 550 personnes, dont une centaine d’intérimaires en ce moment, en raison de la forte demande. La R&D représente, pour sa part, 25 personnes chez Schrader.
La consommation de matière première du site Schrader pour fabriquer ses valves s’élève à 3 000 tonnes annuelles de laiton, 1 000 d’aluminium, et 100 tonnes d’acier et d’inox. C’est d’ailleurs ici que commence l’expertise de la marque, avec un choix particulièrement pointu de métaux, défini par des spécifications précises, afin d’éviter toute impureté qui pourrait ensuite engendrer des problèmes de robustesse. Ce qui exclut de fait toute importation low cost de pays dont on ne peut garantir précisément la traçabilité.
La matière arrive en barres de différents diamètres, selon les applications (VL, PL, climatisation…). Les barres sont alors préparées dans des “ranchets”, sorte de chariots correspondant à un ordre de fabrication, et qui vont alimenter les machines-outils (photo 1).
La première partie de l’usine est consacrée au décolletage. C’est une opération complexe d’usinage qui comprend à la fois du tournage et du fraisage. Cette unité renferme notamment des machines à commande numérique, très flexibles mais trop peu rapides pour les grandes séries.
Elles servent donc aux petites séries ainsi qu’aux prototypes.
Schrader produit et assemble ses propres mécanismes de valves (obus). C’est le cœur de la qualité d’une valve, puisque cette pièce est un rempart contre la fuite. Pas moins de 7 pièces minuscules, constitutives de l’obus (2), et dont la fabrication, sur des machines aussi anciennes (quarante ans) que mécaniquement complexes, se révèle proche de l’horlogerie de luxe…
On commence par les trois pièces maîtresses, l’écrou, le corps et la broche. L’opération se pratique sur des machines appelées “monobroches”, capables d’usiner en un seul pas les gorges du joint, les fraisages miniatures, etc. Là encore, ces équipements ne sont pas très rapides, mais particulièrement précis et fiables.
L’ensemble des copeaux est récupéré dans un bac, qui est ensuite isolé et séparé de l’huile de coupe par centrifugation, pour repartir chez le fournisseur de matière première, afin d’être recyclé. Un paramètre fondamental pour cet atelier, puisque 75 % de la masse initiale achetée part en copeaux ! (3)
Les écrous de mécanisme passent par un autre procédé de fabrication, répondant aux impératifs de volumes. Il s’agit de machines dites de “transfert”, en rapport avec le chariot qui fait transiter la pièce à usiner de station en station, au sein même de l’équipement. On part de bobines de laiton ou, si le diamètre excède 8 mm, de barres, comme sur les autres machines. La cadence atteint 70 pièces à la minute, chacune comprenant un filetage intérieur, un fraisage, un perçage… (4).
Les machines “transfert” produisent aussi les corps de valves TPMS, tubulures laiton destinées à la fabrication des valves caoutchouc. Des corps de valves qui peuvent également être fabriqués au moyen de machines numériques “multibroches”. A l’intérieur, la barre de laiton ou d’alu est successivement débitée en lopins de la longueur désirée, puis une tourelle accueillant plusieurs outils se charge des opérations de perçage, taraudage, fraisage des épaulements, préparation de la face d’appui du mécanisme (obus)…, afin de sortir, en une seule opération, le produit fini, à la cadence d’une pièce toutes les dix secondes (5).
Il faut souligner qu’en matière de TPMS, la valve tubeless caoutchouc remplace peu à peu les valves aluminium, pour des raisons de facilité de montage chez les constructeurs ou les assembleurs de jantes, ou encore de corrosion. Mais peu de fabricants se sont toutefois lancés dans la production de ces corps de valves.
Une fois réalisées, les valves partent chez Schrader Electronics, en Irlande, pour être assemblées sur leur capteur de pression, ou bien, dans le cas des valves aluminium, chez un anodiseur, pour recevoir leur couche de protection contre la corrosion.
La qualité au cœur des préoccupations
Toutes les deux heures, l’opérateur prélève une pièce sur sa machine, et vérifie notamment tous les diamètres intérieurs et extérieurs. Le contrôle qualité se fait sur chaque poste selon des instructions de contrôle précises, par les opérateurs, dans un souci de responsabilisation (6).
Chaque opérateur ayant la responsabilité de 7 machines, il faut des équipements fiables et une maintenance préventive de haut rang.
Toutes les pièces usinées, sans aucune exception, passent ensuite dans une machine à laver pour se voir débarrassées de tout copeau résiduel, qui pourrait générer une fuite, avant l’assemblage complet des valves, l’étape qui suit. Les composants du mécanisme tout d’abord, 7 pièces au total, rejoignent un automate qui va se charger de l’opération, et c’est heureux, compte tenu de la taille “horlogère” des écrous, broches et autres joints. Quant au ressort, qui intervient dans chaque mécanisme, il est fabriqué ici même, par la machine, à la demande, à partir de fils métalliques (7). A plusieurs endroits du process d’assemblage, qui requiert pas moins de 62 pas, des caméras scrutent les pièces pour s’assurer que toutes les opérations ont bien été réalisées. Tout cela à la cadence de 100 pièces par minute.
Tous ces équipements d’assemblage réalisent tellement d’opérations et de contrôles que, selon le principe japonais du “Poka Yoke” (anti-erreur), en début de chaque production, l’opérateur doit réaliser toute une batterie de tests pour valider les systèmes d’assemblage et de contrôle (8). Il s’agit de bien vérifier qu’une pièce défectueuse est bien éjectée du process.
Nous arrivons maintenant dans l’unité de surmoulage, qui a pour mission de créer l’enveloppe de caoutchouc autour de la tubulure laiton, dans le cas des modèles tubeless classiques et des TPMS. Tout d’abord, l’élément usiné est nettoyé, dégraissé et rincé, pour assurer l’adhérence du caoutchouc. Un caoutchouc qui arrive en bandes, selon les spécifications de mélange établies par Schrader.
Les deux composants se retrouvent au moulage, désormais robotisé. Quatre moules de 64 empreintes chacun sont chargés avec les valves métalliques, puis le moule est inséré dans la presse (9). Le caoutchouc est alors injecté et se vulcanise autour des valves pendant deux minutes environ. Cet investissement a coûté la bagatelle de plus d’un million d’euros, et fabrique à ce jour 30 millions de valves par an. Là encore, il faut souligner l’expertise du fabricant, puisque certaines valves bas de gamme vues sur le marché présentent des caoutchoucs qui s’arrachent sous contrainte mécanique. N’oublions pas qu’une valve est très sollicitée lors des roulages. A partir de 60 km/h, une valve tubeless fléchit jusqu’à toucher le rebord de la jante !
Schrader veut tout maîtriser. Même les bouchons de valves sont conçus et fabriqués sur place, avec une unité d’injection plastique en propre. Là encore, c’est une question de suivi de qualité. L’entreprise produit des modèles spécifiques, qui intègrent tous un petit joint torique, lui aussi extrudé en interne, pour pallier tout défaut d’étanchéité d’un mécanisme de valve (10).
Les valves terminées sont assemblées avec le bouchon et l’obus, avec les tests de conformité et fonctionnels, permettant de s’assurer par caméra qu’il n’y a pas eu de débordement de caoutchouc lors du moulage, qui pourrait venir obstruer l’orifice de mise en pression.
Voilà, notre valve est terminée, il ne reste qu’à lui apporter une légère couche de lubrification, qui facilitera son montage ultérieur. La dernière opération consiste en un marquage laser sous forme de Data Matrix, qui vient attester de la provenance du produit. La valve est ensuite emballée pour rejoindre son client, qu’il s’agisse des lignes d’assemblage des constructeurs, de la rechange, de l’usine Schrader Electronics en Irlande, ou bien des services de Continental par exemple…