“Notre objectif consiste à ouvrir à la réparation de nouveaux territoires”
Vous êtes à la tête de deux ateliers Diesel à Aubagne et à Vitrolles, vous êtes aussi centre technique Bosch et Delphi, quel a été votre parcours ?
Lorsque nous avons créé, avec ma femme, RMAVI, (Réparation matériel agricole et véhicule industriel), nous sommes partis de rien et c’est notre détermination qui a permis de réussir ce pari. En effet, après avoir effectué un BTS de mécanique auto, j’ai commencé à travailler chez Renault – Saviem (RVI) et pendant deux ans j’ai appris beaucoup de choses, (“il avait vraiment envie de progresser, sans objectif de carrière précis et cela fonctionnait bien”, précise son épouse). Mais quand j’ai demandé quelles étaient les perspectives de progression, on m’a parlé de 20 ans… ce qui n’était pas motivant ! Pendant ce temps, ma femme obtenait son BTS d’action commerciale et a choisi comme sujet d’étude, la création d’un atelier technique. Comme elle était d’Aubagne, nous y avons ouvert un atelier de réparation technique et profité de son relationnel dans l’agricole pour démarrer notre portefeuille client. (“Nous sommes partis, tête baissée, de zéro, avec nos seules convictions, avec son expérience technique et ce que j’avais appris lors de mes études”, précise Corinne, et Christian d’ajouter avec le sourire : “Elle a cru en moi et a investi en moi”).
Qu’est-ce qui vous a décidé à vous spécialiser dans le Diesel ?
Nous avons effectué plusieurs virages avant d’arriver vers le Diesel, comme, par exemple, de passer au VL après avoir travaillé sur l’agricole et le VI. Le VL nécessite un peu moins d’investissements que le VI et aussi moins de disponibilités. C’était important pour notre petite structure, de s’appuyer sur une activité qui nous permette de réinvestir plus rapidement C’est ce qui a toujours présidé à nos choix, toujours réinvestir dans de nouveaux équipements. Progressivement, comme je faisais beaucoup de réfections de moteurs, je devais faire réviser les organes Diesel, injecteurs et pompes. Un jour, un mauvais remontage m’a coûté cher, et j’ai choisi de devenir un spécialiste de la question. C’est parti de là. Depuis, nous avons rencontré les équipementiers et obtenu tous les agréments, sommes devenus BCT pour Bosch, Delphi Diesel Center, etc. Je peux dire que c’est Bosch qui m’a fait confiance en premier, c’est pourquoi j’en parle plus souvent même si j’entretiens d’excellentes relations avec les autres fournisseurs. Nous nous appelons, ainsi depuis 1991, Provence Diesel Electrique.
Il est plutôt rare de développer des ateliers, notamment BCT, sans vente de pièces, est-ce rentable, quels sont les “plus” d’une formule de ce type ?
Très concrètement, nous n’avions pas les moyens de constituer, au départ un stock de pièces. Mais nous avons bénéficié d’un partenariat bien orchestré avec Bernard Farsy, qui, lui est distributeur (AD Farsy, N.D.L.R.). Pour répondre à votre question, un atelier seul, surtout aujourd’hui, alors que les interventions sur les organes tendant à baisser, a du mal à exister. L’accord que nous avons avec Bernard Farsy permet justement d’éviter les écueils d’une activité “niche”. En effet, nous servons de support technique à AD Farsy, de service après-vente pour les pièces techniques qu’il vend, et aussi “d’expert” en cas de litiges. De notre côté, nous nous approvisionnons, bien sûr, chez lui en pièces. Tout le monde est gagnant, d’autant que nous assurons aussi la formation technique auprès de ses clients garagistes. Notre statut Biforta (formateur Bosch en BCT) nous le permet. Pour être complet, je revends aussi mes injecteurs dans le cadre d’une centrale d’achats que nous avons en commun. J’agis là en tant que producteur.
Et vous continuez à investir ?
Investir dans notre métier de diéséliste et d’électricien n’est pas un choix mais une obligation, c’est pourquoi, nous avons des bancs Bosch mais aussi Delphi (Hartridge) et Denso, C’est très lourd et dès que le marché s’essouffle, cela devient plus dur. Nous avons vécu récemment, par exemple, un revers de fortune après avoir investi dans un banc Denso parce que la politique commerciale de cet équipementier a changé, ne nous permettant pas d’intervenir sur les Toyota. Cela paraît anodin, mais sur un business plan d’une petite structure comme la nôtre, l’incidence n’est pas neutre. J’ajouterais que l’investissement porte aussi sur les femmes et les hommes de l’entreprise. Aujourd’hui, ma fille et son mari, et mon fils nous ont rejoints, ils apportent ce regard neuf sur le commerce et le marketing, sur les nouvelles formes de communication. C’est aussi comme cela que nous investissons pour l’avenir.
Quelle est la solution pour perdurer dans ce marché ?
Toujours investir davantage dans les équipements et veiller à proposer d’autres services à la clientèle, de trouver de nouvelles pistes comme de faire du diagnostic PL, de prendre plus de pièces en réparation comme la distribution, d’envisager les interventions sur le véhicule connecté ou la climatisation. La commission technique se place dans le prolongement de ce travail de chef d’entreprise, d’anticiper sur les voies d’avenir.
Comment est constituée la commission technique du groupe Diesel ?
Elle se compose de douze membres qui sont très représentatifs des adhérents ou plus exactement des professionnels que nous sommes. C’est-à-dire que nous avons fait en sorte d’avoir des représentants des grands groupements comme Alliance ou Autodistribution mais aussi des indépendants, des petits et des grands, un bel échantillonnage, en vérité… Face aux équipementiers, nous parlons d’une seule voix, en ayant défini au préalable les besoins rencontrés par les entreprises de tailles très diverses.
Quel est l’objectif que se fixe la commission ?
Très clairement, notre objectif consiste à ouvrir à la réparation de nouveaux territoires. Nous ne pouvons le faire qu’avec la participation active des équipementiers comme Bosch et Delphi, que nous sollicitons et qui nous aident lors de chaque réunion et entre les réunions.
Est-ce que cela signifie que vous devez faire le premier pas, que la réparation indépendante doit toujours demander de rester dans le jeu ?
Les équipementiers nous soutiennent très bien et nous nous en félicitons. Cependant le marché évolue très vite et lors de nos réunions, nous nous rendons compte que sur certains sujets, il faut réagir plus rapidement que prévu. Le rôle de la commission consiste, alors, à pousser nos fournisseurs pour qu’ils aillent plus vite. Il n’y a pas de rétention de leur part, loin de là, et il y a beaucoup d’impatience de la nôtre. C’est ainsi que nous avons travaillé ensemble sur la réparation des organes, sur l’adblue, sur le contrôle des injecteurs piezzo, ou sur le CP4, etc. Sur ces deux derniers aspects, c’est allé très vite. Pour résumer, dès que nous avons défini des besoins, nous les appelons et ils nous accompagnent tout de suite.
En fait la commission assure une sorte de veille en étroite collaboration avec les fournisseurs Diesel ?
Depuis quelque temps, notre plus grand problème consiste à voir l’avenir, à élaborer un plan de développement à 5 ans et même à 2 ans. Tout change trop vite et il faut qu’on soit ensemble pour déterminer les pistes d’avenir au mieux de nos intérêts et de ceux que nous informons régulièrement, adhérents ou non. Nous ne sommes pas là pour réaliser des achats groupés, ceux-là ne peuvent être envisagés qu’après avoir défini la bonne voie, le bon investissement à réaliser. Pour moi, qui suis très petit, cela consiste à trouver la bonne idée pour dans deux ans afin de préserver trente ans de travail assidu.
Que faites-vous des résultats des réunions de la commission, en termes de communication ?
Déjà, il faut savoir que nous réalisons des comptes rendus de chaque réunion que nous envoyons à tous les professionnels du Diesel, sans distinction, adhérents et non adhérents. Nous nous réunissons au moins une fois par an avec nos quatre grands équipementiers, à savoir Bosch, Continental VDO, Delphi et Denso, et nous communiquons régulièrement sur ces rencontres. Sur Equip Auto, à la suite de notre Assemblée Générale, nous rendrons nos conclusions sur les dossiers qui ont abouti et sur les autres aussi, bien sûr. Nous travaillons pour tout le monde et avons toujours en tête que nous sommes surtout là pour guider les plus petits qui ont besoin plus que d’autres d’obtenir des informations et des pistes de croissance.
Lors de l’attaque en règle contre le Diesel, n’avez-vous pas été trop en retrait par rapport à l’actualité ?
Sans doute, avons-nous manqué de réactivité et de concertation. Nous aurions été plus forts en nous rassemblant tous, distributeurs, réparateurs, équipementiers et même constructeurs pour combattre ces idées reçues et toutes les bêtises que nous avons entendues. Rassembler les forces très vite n’est pas si facile. On devra faire mieux à l’avenir.
Quelles sont les pistes de croissance qui s’offrent à vous actuellement ?
Certaines pourraient vous surprendre, comme le retour de la réparation essence. Et c’est le but de la commission d’avancer sur ces thèmes. Il nous faudra réinvestir sur l’essence, on connaissait bien ce domaine, on le reconnaîtra ! Par ailleurs, le Diesel est loin d’être mort et la réparation d’organes toujours plus nombreux, est d’actualité. De même, il faut envisager l’entretien, l’intervention sur la distribution, et bien sûr le diagnostic sur les véhicules du VL au PL. Et ceci sans compter le véhicule connecté.
Pouvez-vous nous donner un exemple précis d’échanges “réussis” entre les membres de la commission technique et les fournisseurs ?
Nous en avons heureusement beaucoup, je retiendrais l’un des plus récents comme l’accès aux informations techniques. Bien que les constructeurs nous “doivent” les informations techniques, il nous revient de les télécharger avec nos appareils multimarques. Nous nous sommes aperçus que nous avions d’énormes difficultés pour les obtenir et nous en avons parlé avec nos partenaires qui ont mis des moyens pour y arriver. Des techniciens sont venus de Bosch Allemagne, c’est extrêmement précieux. Nous avons les mêmes réponses avec les autres fournisseurs, nous avons ainsi fait une commission technique chez Delphi, sur la réparation des organes et sur le PL, etc. toutes les solutions qui nous permettent d’avancer sont autant de moyens de rassurer les diésélistes sur leur métier et les voies de croissance.
Le véhicule connecté s’avère un sujet très “mode”, mais concerne-t-il vraiment vos ateliers ?
Comment dynamiser nos ateliers avec tout ce qui va venir est la bonne question et la connectivité en fait partie. C’est une aubaine pour nous et il faut nous en saisir, en devenir les leaders. Toutes les opérations à effectuer sur le véhicule connecté ne doivent pas rester dans le pré carré des constructeurs. Or, si l’on n’est pas pro-actif sur ce sujet, ce sont eux qui l’emporteront en contrôlant les systèmes. Mais rien n’empêche les réparateurs d’utiliser les systèmes avec l’aide des équipementiers comme Delphi ou Continental VDO. On peut relire à ce sujet, ce que disait Nathalie Saint Martin (Continental, N.D.L.R.) dans votre dernier numéro. On ne pourra pas échapper au développement du véhicule connecté, donc autant prendre la main, nous aussi, nous pouvons envoyer des SMS à nos clients en les invitant dans nos ateliers, pour une intervention d’urgence ou une révision ! Et nous pouvons nous associer avec des dépanneurs. Nous sommes ouverts à toutes les possibilités, comme on l’a vu avec l’Eco-Entretien. D’ailleurs nous allons mettre à l’ordre du jour de la prochaine commission technique, le véhicule connecté chez Continental VDO.
A propos d’Eco-Entretien, où en êtes-vous sur cette démarche ?
Nous progressons bien avec l’aide de Bosch (qui offre les mêmes méthodologies que Spheretech) et nous misons sur l’équilibre essence-Diesel, ce n’est pas avec l’électrique que nous ferons grand-chose. Mais avec l’essence, nous aurons de belles opportunités de croissance. Pour l’instant sur le VL, le rétrofit n’est pas encore autorisé alors qu’il l’est sur le PL, cependant, nous comptons sur une ouverture, et nous avons le FAP en ligne de mire également. De la même façon, nous étudions tout ce qui est QR Code avec les équipementiers afin d’augmenter la traçabilité de nos produits implémentés dans nos ateliers. L’idée étant d’établir des référencements avec les équipementiers en nous appuyons sur les bons outils et équipements, les bonnes pièces, les process adéquats, etc.
De plus en plus les professionnels se plaignent de ne pas trouver de jeunes suffisamment formés, qu’en pensez-vous ?
Il est vrai que nous avons du mal à capter des personnels formés parce que ceux-ci préfèrent rejoindre de grandes structures, aller chez le constructeur. Quant aux autres, il faut se demander pourquoi ils ne cherchent pas à venir chez nous, tout simplement parce qu’ils ne savent pas ce que nous pouvons leur offrir. Autrefois, dans les ateliers, les jeunes ne souhaitaient pas se salir, aujourd’hui, alors que ce risque n’existe plus, ils ne savent pas que nous existons et que cela peut représenter un beau métier.
Quel poids, alors, donnez-vous à la formation ?
Sans formation régulière et suivie, nous ne pouvons pas exercer notre profession, je crois que c’est une motivation suffisante. Mais c’est aussi un levier de croissance pour nos clients garagistes. En effet, en tant que Bosch Centre Technique, j’ai suivi un processus de formation qualifiante qui m’a permis d’être formateur technique “Biforta”. Nous avons un centre de formation que je qualifierais de décentralisé puisque les garagistes viennent à Marseille et ne doivent pas aller chez Bosch à Saint-Ouen ou en Allemagne. Cela nous permet de proposer aux garagistes des formations qualifiantes presque chez eux, comme on l’a déjà fait pour le FAP ou l’Eco-entretien. La formation n’est pas une question de choix mais d’obligation pour assurer la pérennité de son activité. Et cela dépasse le périmètre de mes clients parce que j’assure ce service aussi auprès d’Autodistribution Farsy et de ses réparateurs et garagistes clients. C’est, également, une manière de fidéliser nos clients respectifs.
Un nouveau président de la Feda vient d’arriver, quels “conseils” lui donneriez-vous ?
Je ne suis pas sûr d’être bien placé pour lui donner des conseils. Je dirais simplement qu’il conserve la dynamique de la Feda et ses acquis, c’est cela dont nous avons besoin. En allant plus loin, je proposerais bien – pour nous ! – la création d’un système de remontée d’informations des différents acteurs du Diesel, une sorte de chaîne cinématique régulière des informations, des problèmes rencontrés (comme les calculateurs), des formations nécessaires comme le FAP, etc. et une redistribution de l’information.
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BIO EXPRESS
Président de la Commission Technique du Groupe Diesel
53 ans, marié, deux enfants.
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FOCUS - RMAVI Provence Diesel
• 2 sites Aubagne et Vitrolles
• Nombre de salariés 16
• Chiffre d’affaires : autour de 3 millions d’euros