“Nous n’avons pas à rougir du niveau de contrôle technique en France”
Pouvez-vous nous préciser votre mission ?
Je suis rattachée à la DGEC, dépendant elle-même du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ma mission consiste à rédiger la réglementation applicable en France, notamment la transposition des directives européennes, puis à vérifier que la réglementation est appliquée. Je travaille en concertation avec l’ensemble de la profession, les opérateurs réseaux, les représentants de centres indépendants, les syndicats représentatifs, sans oublier les équipementiers fabriquant les matériels, afin d’écrire les textes en parfaite connaissance du sujet. Je tiens beaucoup à cette proximité avec les problématiques quotidiennes de tous les acteurs. Enfin, je m’occupe également du pilotage des actions de surveillance des centres de contrôle technique, pratiquées par les DREAL (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement).
Que nous prépare la nouvelle réglementation européenne ?
La dernière mouture du projet de texte européen prévoit d’élargir le contrôle technique aux tracteurs (catégorie T5), qui se retrouvent ponctuellement sur les routes ouvertes, ainsi qu’à partir de 2022, aux deux roues de grosse cylindrée (+ de 125 cm3), avec toutefois la possibilité pour les états membres de ne pas mettre en place ces contrôles, s’ils ont déjà pris des mesures suffisantes pour réduire l’accidentologie sur ce type de véhicule. Les caravanes, petites remorques et les cyclomoteurs n’ont finalement pas été inclus dans le texte.
Parmi les autres modifications, les résultats d’une visite VL donneront bientôt lieu à trois interprétations possibles au lieu de deux, comme c’est déjà le cas en PL. Ainsi, à l’issue d’une visite obligatoire, le contrôleur pourra soit valider le véhicule, soit le soumettre à contre-visite, ou encore, et c’est là qu’est la nouveauté, lui interdire de circuler, s’il juge ledit véhicule dangereux. Bien sûr, cela ne représentera pas de nombreux cas, mais l’initiative permettra d’écarter de la voie publique les VL ou VUL les plus endommagés.
Et au plan français ?
Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle. Depuis quelques années, les matériels des centres transmettent leurs données à l’informatique du centre, qui les transfère elle-même à l’OTC. A partir du 1er juillet 2014, la transmission des données de tous les nouveaux appareils installés dans les centres à l’OTC sera complètement sécurisée, sans qu’aucune manipulation ne soit possible. Puis cette obligation s’appliquera aux matériels installés, qui devront donc évoluer ou être remplacés, au 1er juillet 2015 pour les centres PL, et au 1er juillet 2016 pour les centres VL. “OTC LAN” est une avancée importante pour nous.
L’autre priorité pour 2014 tournera autour des questions de pollution des véhicules Diesel. Je vais mettre en place un programme de travail qui définira ce qui peut être fait à court, moyen et long terme, pour tenter de mieux contrôler les émissions des motorisations Diesel. Aujourd’hui, les matériels modernes de contrôle de la pollution ont largement évolué, il faut donc faire évoluer le contrôle technique en ce sens, afin de mettre en lumière de façon plus évidente les véhicules polluants.
Quel est votre avis sur l’utilisation de l’OBD dans les visites du contrôle technique ?
La lecture OBD a également pour but d’isoler les véhicules polluants. Mais aujourd’hui, l’OBD n’apporte pas suffisamment d’informations pour en faire un outil suffisant dans le cadre du contrôle technique. A l’avenir, à partir d’Euro VI, les OBD PL et sans doute VL, devraient remonter plus d’informations utiles pour nous et pourraient donc être mieux utilisés en CT. D’ailleurs, c’est la position soutenue par la France et d’autres états membres, à Bruxelles. Nous avons demandé que, pour les véhicules jusqu’à Euro V (VL ou PL), le contrôle à l’échappement soit maintenu en essence et diesel, tout en acceptant qu’à partir des véhicules Euro VI, on puisse réaliser ces contrôles par l’OBD. Dans les faits, la France maintiendra le contrôle mixte dans tous les cas, jusqu’à avoir une certitude de la fiabilité des infos recueillies sur l’OBD.
Quel est votre sentiment sur la prolifération des centres ?
A la création du contrôle technique, nous n’avons pas souhaité imposer de numerus clausus, comme c’est le cas pour les pharmacies. Et nous ne remettrons pas en cause ces règles. Il est vrai que plusieurs voix de la profession avancent des arguments selon lesquels la qualité de travail baisse avec la pression concurrentielle et avec la baisse des prix. Mais je trouve cela un peu paradoxal. En effet, plus il y a de centres, moins il y a de travail par centre. Donc, les contrôleurs ont plus de temps pour faire leurs visites. On ne peut pas préjuger de la mauvaise volonté des centres !
Quant aux prix, ils sont libres en France. Qui a le droit d’avancer qu’un centre qui casse les prix travaille moins bien qu’un centre à la visite plus chère ? Tout ce qui compte pour moi, c’est le travail des contrôleurs et le respect des procédures.
Que dire de ces centres en basse Normandie, qui ont perdu leur agrément et poursuivent tout de même leur activité depuis des mois, en toute illégalité ?
Sur proposition de la DREAL, le préfet a effectivement retiré l’agrément de ces deux centres, leur interdisant d’exercer. Malheureusement, mon périmètre d’action s’arrête là. C’est au ministère de la Justice et aux forces de l’ordre d’intervenir ensuite pour faire respecter le droit. Ces centres ne sont plus agréés, donc légalement, nous n’avons même plus le droit de pénétrer chez eux ! A ce titre, tous les PV qu’ils fournissent sont caducs, ne peuvent être pris en considération lors d’une mutation, puisque nous ne vérifions plus leurs installations et leur travail.
Où en est-on du contrôle technique pour les véhicules de collection ?
Dans le nouveau texte européen à venir, les véhicules anciens sont exemptés de contrôle technique, mais chaque état peut décider de les y soumettre tout de même. C’est ce que nous faisons en France depuis 2009 et nous pensons qu’il faut continuer de les contrôler, avec quelques exceptions. Par exemple, les très vieux véhicules, qui roulent très peu et sur lesquels beaucoup de points de la nomenclature sont inapplicables, il nous est apparu qu’ils pouvaient être dispensés du CT. Et c’est la même chose pour les poids lourds de collection, qui ne roulent pas ou peu et sont très peu nombreux. En conséquence, la proposition que nous avons faite à Bruxelles, et pour laquelle nous attendons une réponse, consiste à exempter de la visite les PL de plus de trente ans, ainsi que les VL datant d’avant 1960. Mais cela représente somme toute peu de véhicules.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le cahier des charges des installations que vous élaborez actuellement ?
Nous travaillons actuellement sur la mise en place d’un référentiel commun, permettant à tout un chacun qui souhaite ouvrir un centre, de connaître les règles et de ne pas se voir refuser l’autorisation d’exercer parce qu’il n’a pas respecté telle ou telle règle. Un document qui sera lisible et compréhensible pour les contrôleurs, comme pour les agents des DREAL.
Il ne s’agit pas du tout d’un artifice pour élever la barrière à l’entrée et limiter la prolifération des centres, je suis très claire à ce sujet…
Ce cahier des charges s’intègre dans un arrêté qui contient d’autres points de modification. J’ai consulté l’ensemble des opérateurs et des équipementiers concernés en janvier dernier, et j’analyse maintenant leurs commentaires et propositions. A l’issue de cette analyse, nous lancerons le processus administratif de sortie de l’arrêté modificatif.
Quel est votre avis sur les installations auxiliaires PL ?
Quand le contrôle technique des poids lourds a été privatisé en 2005, nous avons dupliqué le concept d’installations auxiliaires VL, afin d’étendre le maillage et limiter les distances à parcourir. En 2005, il y avait 163 installations de CT PL sur le territoire, pour 1 139 914 contrôles. Fin 2012, on dénombrait 336 installations spécialisées, ainsi que 81 installations auxiliaires, soit 417 centres de CT PL (+ 200 %), pour 1 167 359 contrôles, soit une hausse de seulement 2 %. Par ailleurs, les installations auxiliaires, si indispensables à entendre certains, ne réalisent que 2 % des contrôles globaux ! La réalité, c’est que ces installations obligent les réseaux à déléguer ponctuellement un contrôleur pour faire des campagnes de contrôle. Et cela oblige également les installations à se maintenir aux normes, sur le plan informatique et matériel en général. Par ailleurs, je rappelle qu’au 1er juillet 2015, il y a fort à parier que ces installations ne réalisent pas les investissements liés au cap de l’OTC LAN évoqué plus haut, et qu’elles disparaissent donc, de fait… Enfin, je reste persuadée que, dans les secteurs où le potentiel existe pour un centre auxiliaire, un centre spécialisé sera créé. Quoi qu’il en soit, le nombre de véhicules à contrôler restera inchangé et la mesure n’entraînera aucune suppression d’emploi.