Quels leviers pour dynamiser les ventes ?
La fonction suspension, dans son ensemble, regroupe de nombreux composants, qui rencontrent des fortunes diverses sur le marché. Si l’amortisseur peine à se maintenir, les ressorts, kits de protection, semelles de suspension et autres pièces de direction et suspension (PSD) enregistrent de beaux scores chez les fournisseurs.
Une fois n’est pas coutume, le marché de l’amortisseur n’a pas (trop) chuté cette année. Alors que, sur les dix dernières années, les ventes n’ont cessé de baisser, 2013 est parvenue à inverser la tendance, et les fabricants sont unanimes à reconnaître cette (relative) embellie. En fait, sur les douze derniers mois glissants, certains parlent même d’une légère hausse, évaluée à 2 %.
En ce qui concerne les raisons de cette performance, on cite un parc qui continue de vieillir et une prime à la casse qui n’a finalement pas épuré les véhicules les plus anciens, et donc les plus sujets à un problème d’amortisseurs. Sans compter le contexte économique, qui a amené beaucoup de reports d’opérations, qu’il faut, de toute façon, entreprendre à un moment ou un autre. Enfin, une légère perfusion du contrôle technique pourrait expliquer que, cumulés, tous ces phénomènes parviennent à présenter un exercice 2014 moins catastrophique que prévu. “Il faudra surtout retenir que, fait notable, le marché n’est plus en baisse structurelle, même si 2013 aura connu tout sauf la tranquillité, avec des mois très inégaux”, note Georges-Henri Descos, responsable marketing EMEA de Tenneco Europe.
Plus dynamique, le marché des ressorts représente le consensus le plus évident dans la satisfaction des équipementiers interrogés. Il faut reconnaître qu’historiquement, en France, le taux de remplacement était anormalement faible. Il revient progressivement à des valeurs plus normales, plus proches de celles de l’Allemagne et de l’Angleterre sur ce composant.
Un marché porteur
Aujourd’hui, la demande émane de l’IAM, après avoir constaté que les constructeurs ne travaillaient pas suffisamment cette gamme de produits. Et également par le biais de quelques véhicules symptomatiques, qui ont fait prendre conscience du potentiel de ce produit en rechange.
“A ce titre, ZF Services France propose 2 900 références, dont plus de 600 apparaissent dans le catalogue 2014 de la marque Sachs”, rappelle Gilbert Soufflet, directeur marketing de ZF Services France. Un chiffre important lié au fait que l’équipementier tient à respecter scrupuleusement le tarage du constructeur en origine. Pas de standardisation possible, donc. Le revers de la médaille pour le distributeur, c’est qu’il faut stocker tout ça… De son côté, KYB a ouvert une nouvelle usine en République tchèque, pour produire lui-même ses ressorts. “Ces produits représentant l’un des axes de croissance forts pour le groupe. Nous gagnons ainsi en réactivité sur le terrain et pourrons ajouter plus rapidement de nouvelles applications à notre gamme”, se félicite Vincent Devaux, chargé de marketing et grands comptes pour la France et Benelux.
Les pièces de “l’environnement amortisseur” convoitées
Toutes les pièces complémentaires à l’amortisseur, semelles, butées…, constituent une nouvelle voie de développement pour les équipementiers, qui cherchent à minimiser l’impact de la stabilité des chiffres, sur la cartouche proprement dite. D’autant que le remplacement de ces pièces, en plus de l’amortisseur, offre une prestation de meilleure qualité, tout en faisant du chiffre ! Des opérations qui restent majoritairement dans le giron des réseaux constructeurs, et que la rechange indépendante peut s’approprier grâce aux offres mises en place par les équipementiers.
Quant au marché de la PSD, il continue de progresser, d’environ 3 à 5 % chaque année, toujours porté par des pièces historiquement bien placées, comme les rotules de direction, les bras de suspension…
Sur ce marché encore, le contrôle technique joue un rôle, mais plus important que sur l’amortisseur. L’an dernier, les refus de véhicules liés à des problématiques de liaison au sol se plaçaient en seconde position, derrière les défauts de pneumatiques ! Avec, principalement, des mises en cause de pièces d’articulation de suspension (3,71 % des contre-visites). Par ailleurs, les articulations de direction se placent en cinquième position dans le même classement (2,62 %). C’est donc indéniablement un marché à fort potentiel.
Comment dynamiser l’amortisseur ?
Nous l’avons vu, au sein de la fonction suspension, l’amortisseur pâtit d’une morosité qu’il convient d’analyser. Il subsiste de nombreux leviers sur ce marché, qui fait partie des moins bien travaillés chez les indépendants. Tout d’abord, il n’y a quasiment plus de sensibilisation auprès du grand public, ou très peu, ce qui fait sortir l’amortisseur de l’esprit du consommateur quand il doit effectuer son entretien automobile. D’autant que ce composant essentiel de la sécurité souffre d’une usure lente et progressive, souvent invisible pour un conducteur. Il est bien loin le temps où Tenneco et Monroe faisaient profiter toute la filière de leur communication de masse en TV, avec le célèbre amortisseur qui maintient la voiture en contact avec route…
Frappes chirurgicales en marketing
Aujourd’hui, l’heure n’est plus aux dépenses pharaoniques en communication, mais plutôt au marketing ciblé sur les réparateurs et les distributeurs, afin de ménager une rentabilité de plus en plus mise à mal par la concurrence, le Web, les centrales d’achat, les RFA…
“L’arbitre de la réparation, aujourd’hui, c’est le contrôle technique. C’est son rapport qui fait office de juge de paix pour l’automobiliste”, regrette Gilbert Soufflet. Or, le seul élément contrôlé et soumis à contre-visite dans le cadre de l’amortisseur, c’est la fuite visuelle d’une cartouche, qu’un simple coup de nettoyeur haute pression avant la visite suffit à effacer. A ce titre, les véhicules refusés pour cette avarie n’ont représenté que 0,8 % des contre-visites en 2013. C’était un premier pas, mais ce n’est en aucun cas suffisant, car la collective des amortisseurs estime qu’environ 20 % des véhicules roulent avec ce type de problème.
Il faut donc désormais beaucoup argumenter pour vendre des amortisseurs à un automobiliste qui n’en ressent pas le besoin. Les équipementiers déploient des trésors d’ingéniosité pour donner aux réparateurs et aux distributeurs les outils nécessaires. En 2013, KYB a fait gagner des produits high-tech aux garages, en partenariat avec le distributeur. Une opération promotionnelle qui sera reconduite sur 2014. Le MRA qui s’engage à vendre un certain nombre d’amortisseurs et autres produits périphériques reçoit des points qu’il convertit ensuite en cadeaux.
Le bon outillage pour un travail dans les règles
Parallèlement, KYB compte réaliser une opération sur l’outillage nécessaire pour travailler l’univers des amortisseurs, avec un compresseur de ressorts (environ 1 100 euros) ou un pack d’équipements, deux fois moins chers, permettant de réaliser du diagnostic. “Beaucoup de professionnels ne disposent pas des bons outils, abîmant ainsi la pièce”, détaille Vincent Devaux. Une stratégie orientée sur le réparateur et le diagnostic systématique, partagée par ZF Services France. “Nous relançons les actions de sensibilisation chez les garagistes et les distributeurs, notamment par le biais d’eXtra, le programme de fidélisation commun à ZF et Bosch. Une nouvelle opération démarrera début mai, à la période où il est important de vérifier les suspensions avant les grands départs. Ainsi, au-delà des points cumulés et des cadeaux pour l’achat d’amortisseurs Sachs, le garagiste bénéficiera d’un package complet apporté par son distributeur, et basé sur trois outils. Le premier est un outil de sensibilisation rappelant très brièvement le rôle de l’amortisseur dans la sécurité, mais expliquant surtout comment le contrôler simplement, rapidement et sans outil, afin de systématiser les vérifications. Le second est le retour de la fiche de diagnostic, qui formalise le tour du véhicule, très orienté amortisseur bien sûr, avec possibilité de devis. Enfin, un poster permettra au réparateur de montrer sa promotion amortisseurs”, décrit Gilbert Soufflet.
Bref, fournir des armes au MRA pour lutter contre les réseaux mieux structurés, ou encore les constructeurs, qui dominent toujours ce marché. Un MRA qui reste la cible de la plupart des équipementiers, notamment Tenneco, qui vient de lancer l’opération “I Love Monroe 2014”, à destination de ces réparateurs, avec la bénédiction des distributeurs. “Neuf voitures aux couleurs de Monroe se rendent dans les ateliers afin de distribuer et d’installer les kits de communication, et présenter la promotion du moment, à savoir 50 % sur le 2e amortisseur”, présente Georges-Henri Descos. De plus, les jeunes stagiaires en vente vont prêcher la bonne parole auprès des professionnels en rappelant les bons réflexes vis-à-vis de l’amortisseur. Au total, 1 500 garages seront visités d’ici le 31 juillet, date de fin de l’opération. Pour l’aspect communautaire, un groupe Facebook a été créé, où les garages sont visuellement mis en avant. Cette initiative a pour objectif de créer le “buzz”, et renforcer la confiance du client MRA envers la marque. “2014 ne sera pas une année de suiveur, mais de créateur. Nous devons nous renouveler dans notre communication. Ainsi, après le Tenneco On Tour, nous avons complété notre offre avec l’arrivée d’un deuxième camion, plus petit, et contenant une salle de cinéma. L’idée consiste à apporter aux garages des informations techniques en passant par la vidéo”, conclut Georges-Henri Descos.
Chez febi bilstein, devenu récemment bilstein Group, on connaît bien l’importance de travailler au plus près des réparateurs. C’est d’ailleurs comme ça que le groupe est parvenu à s’imposer sur le territoire français lors des dix dernières années. Sur le marché de l’amortisseur, cette stratégie se traduit par la distribution, depuis quatre ans, des amortisseurs de la marque Bilstein qui, malgré un patronyme proche, émanent d’une société totalement différente de bilstein Group. “Les amortisseurs Bilstein constituent pour nous un complément de gamme que nous demandaient les réparateurs, qui nous achètent historiquement beaucoup de pièces de direction et suspension, dans le cadre du programme febi +, notamment”, se souvient Arnaud Pénot, responsable du marketing de bilstein Group France.
Il faut dire également que, quand le marché a entamé sa chute, certains fournisseurs ou acteurs de la nouvelle distribution l’ont attaqué par le prix, à coup de “le deuxième amortisseur gratuit”, etc. Une guerre tellement néfaste pour le marché que les revendeurs traditionnels, ne pouvant plus se battre, ont laissé tomber ce secteur. “Quand nous sommes arrivés avec les gammes Bilstein, nous n’avions pas l’ambition de détrôner Monroe ou KYB, mais juste de redonner aux distributeurs et réparateurs l’envie de vendre ces produits. Avec une marque et un positionnement prix Premium, en leur offrant 100 % du stock en France, donc disponible de suite”, poursuit Arnaud Pénot.
Enfin, pour TRW, 2014 sera l’année de transition. L’amortisseur est un produit récent dans l’offre de l’équipementier (2008), et il faut encore implanter la marque dans le paysage. “Nous avons retravaillé nos gammes et outils, notamment sur les équivalences OE-IAM et avec les offres rechange. Mais c’est très complexe dans l’amortisseur car il existe beaucoup de marques et de références”, relève Roland Mensa, directeur marketing et service client de TRW. Parallèlement, TRW a créé un “Welcome Pack”, qui inclut un amortisseur de Clio 4, de la PLV amortisseur, une clé USB en forme d’amortisseur avec toutes les informations, de la formation et les préconisations de stock. “Nous avons ciblé dans nos envois les prospects pour rappeler que TRW fait de l’amortisseur”, conclut Roland Mensa.
Autre initiative, au sein de la collective des amortisseurs cette fois, un groupe de travail au sein de la Fiev, qui réunit les principaux fabricants (bilstein Group, Koni, KYB, MGA, Record, Tenneco, TRW et ZF Services France). Il s’agit de se rendre dans les écoles de la filière, le Garac par exemple, pour comprendre comment on enseigne la fonction suspension en formation initiale, du Bac Pro au BTS, et ainsi savoir dans quelle mesure les fabricants pourraient accompagner ces formations.
Le cas de la PSD
Sur le marché de la pièce de direction et suspension, dont les volumes augmentent d’année en année, notamment grâce au contrôle technique, les leviers de progression sont différents. Comme peu de fabricants fournissent les composants pour presque toutes les marques, la concurrence se joue sur les services à la distribution et la réparation. Entre aide au référencement et à la mise en stock pour les distributeurs, et sensibilisation sur l’importance du contrôle technique, et la sécurité pour les réparateurs, les axes de travail sont globalement partagés par tous les acteurs interrogés.
En marge du rapport de contrôle technique, qui impose parfois le remplacement de certaines pièces, le réparateur peut bénéficier d’outils de nature à montrer au client la nécessité d’intervenir sur son véhicule pour des raisons de sécurité, avant d’y être contraint par la visite obligatoire bisannuelle.
Diagnostic didactique
Par exemple, Monroe dispose d’un outil mécanique simple, une sorte de tige en métal en L, que l’on place sous le pneumatique d’un véhicule. Lorsque l’on actionne ladite tige d’avant en arrière, on met les articulations du train avant en contrainte, stigmatisant ainsi les usures de rotules, par exemple. On rappelle que Tenneco avait également contribué à la mise au point du “banc expert amortisseurs” d’Actia, un système très fiable, mais dispendieux et complexe, destiné à favoriser les contrôles systématiques. Mais son prix et un déficit d’explications aux réparateurs a, semble-t-il, enterré le projet. Plus didactique pour le client final, bilstein Group propose toujours son appareil, qui a reçu un prix lors d’Equip Auto 2011. Le testeur de jeu se compose d’une plaque de ripage instrumentée, permettant de reproduire l’ensemble des contraintes que subissent les trains roulants. Cette année, le groupe allemand lui adjoint un outil marketing pour mieux expliquer au client et mieux diagnostiquer les éléments défaillants, via une fiche de diagnostic, comme le fait ZF Services France. Le prix de vente de l’équipement a également été revu à la baisse, pour favoriser sa démocratisation. “Tous les réparateurs qui l’ont essayé ont vu leurs volumes de pièces augmenter en six mois”, affirme Arnaud Pénot. Il se chuchote même que les centres-autos se montrent intéressés, et que bilstein Group travaille désormais avec une grande enseigne. “Le déploiement est en cours, les testeurs sont en démo, les outils de communication sont prêts pour le réseau, qui va commencer à proposer des prestations de contrôle systématique”, conclut Arnaud Pénot.
Miser sur le net
De son côté, Moog joue les synergies. Présenté sur le salon Equip Auto, le site de la marque monte en puissance en termes de fréquentation, tout comme les sites des marques de Federal-Mogul (Ferodo, Champion…). Les réparateurs et distributeurs, tout comme les particuliers, accèdent ainsi à toute l’offre en châssis suspension, et peuvent surtout accéder à des notes techniques, portant entre autres sur le montage. “Un site doit rester vivant, et celui de Moog est mis à jour tous les mois, précise Sonia Drieu, responsable marketing France pour Federal-Mogul. Par ailleurs, le groupe souhaite accroître sa stratégie de cross-selling, mettant en place des programmes transverses, comme celui baptisé “One touch solution””. L’équipementier tient à rappeler à ses clients, notamment en freinage, qu’ils peuvent également accéder à une offre complète en suspension. Et pour ce faire, Federal-Mogul mettra dans ses boîtes Ferodo une notice d’informations sur les produits Moog, et inversement, les boîtes Moog accueilleront des données sur Ferodo.
Plusieurs marchés à l’intérieur d’une même fonction, à traiter différemment selon leur santé respective. L’amortisseur a besoin de sensibilisation des réparateurs, soutenu par des ventes de pièces complémentaires, afin de ménager la rentabilité de l’opération. Tandis que les PSD, plus en forme, nécessitent des solutions marketing, didactiques et techniques, pour augmenter les volumes.
Par Clotilde Chenevoy et Frédéric Richard