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SAD : le grand plébiscite

Publié le 13 mars 2014
Par Romain Baly
6 min de lecture
Longtemps laissés en retrait, les services à domicile ont aujourd’hui la cote. Entre des enseignes souhaitant se développer, des professionnels désirant gagner en autonomie et des clients voulant se faciliter la vie, ils sont désormais nombreux à miser dessus.
Structuré sous forme de concessions, Actiglass propose à des professionnels de développer leur activité pour proposer, à leur tour, un système de franchise.

C’est bien tout le problème de l’innovation. Croire ou non dans une idée, suivre ou non ses concurrents, reculer ou avancer dans son business. Dans le cas présent des services à domicile, tous les acteurs ou presque sont longtemps restés sur un pied d’égalité. Un pied qu’ils n’ont jamais osé poser sur ce type de services, et ce, alors que ces derniers se développaient ailleurs en Europe et dans le monde. “C’est assez paradoxal, mais le principe du véhicule atelier existe depuis plus de trente ans, notamment dans les pays anglo-saxons, et pourtant chez nous il fait encore figure de service d’avenir”, note Jean-Marie Meyer, directeur général d’Actiglass, société spécialisée dans le remplacement de pare-brise. Pour avoir pris les devants plus tôt, Carglass et dans une moindre mesure Allopneus dominent aujourd’hui le marché, mais celui-ci demeure encore à construire. Fort d’un intérêt grandissant de la part de tous les acteurs, le potentiel des services à domicile paraît aussi vaste qu’épars. Jean-Marie Meyer étaye : “Il faut inculquer aux gens l’idée que l’on peut réaliser un travail sérieux sans pour autant le faire dans un atelier traditionnel. Aujourd’hui, les mentalités changent et la cause des SAD gagne du terrain.” Mais cet équilibre, encore fragile, pousse les différentes enseignes à adapter leur développement de sorte à ne pas trop désarçonner les consommateurs. Si certaines, telles que Carméléon ou Barnabé, ont fait le choix du “tout mobile”, d’autres fonctionnent de manière mixte. C’est notamment le cas d’Allopneus, numéro un de la vente de pneumatiques en ligne. Un choix qui résulte avant tout d’une politique maison, comme l’explique Cyril Caillol, responsable réseau montage et franchise mobile : “Ce qu’il faut expliquer, c’est qu’au départ, nous avons eu une démarche respectueuse de notre réseau. Nous avons consulté tous nos garages partenaires afin de savoir s’ils étaient intéressés. C’est la raison pour laquelle, actuellement, nous comptons 30 % de structures mixtes et 70 % de structures exclusivement mobiles.”

Recrutement et formation poussés

Un fonctionnement partagé par Actiglass, mais pour une raison bien différente, selon son directeur général : “Nous bénéficions de deux centres en dur qui nous permettent de crédibiliser, dans l’esprit des personnes vraiment récalcitrantes, notre savoir-faire et notre activité. L’ADN de notre société se trouve dans le mobile et nous ne souhaitons pas multiplier ces centres, d’autant plus que l’on se placerait en frontal avec des enseignes bien mieux implantées que nous.” Si l’intérêt de concilier les deux activités peut paraître évident, tous s’accordent à dire que, dans le fond autant que dans la forme, il s’agit là de deux métiers presque antinomiques. Une donnée spécifique qui pousse chacun, à sa manière, à renforcer son processus de recrutement et de formation. “C’est un mélange d’objectivité et de subjectivité”, détaille Cyril Caillol. Son enseigne recherche ainsi des professionnels d’expérience – “au moins cinq ans dans le domaine du pneu” – avec une bonne connaissance de leur secteur, “dans la mesure où nous fonctionnons localement”. Elle souhaite également jauger le potentiel et la motivation de recrues qui devront évoluer en totale autonomie en étant capables de multiplier les tâches et de gérer une entreprise. Une donnée bien intégrée chez Carglass. Stéphane Saubesty, responsable du département grands comptes entreprises, note en effet que “seuls les meilleurs éléments” peuvent prétendre aux ateliers mobiles. “Après quoi, ils reçoivent une formation spécifique où l’on met l’accent sur cette nécessité d’être autonome et de ne pouvoir compter sur personne d’autre que sur soi-même.” Acteur encore confidentiel du marché, Carméléon fait pourtant figure de référence en la matière. Chaque candidat se trouve confronté aux spécificités du camion et du matériel Carméléon, mais aussi du métier en recevant une formation administrative et commerciale de six à huit semaines. Un dernier module “smart-repair” lui permet de maîtriser les processus de réparation intérieur et extérieur, spécialités de l’enseigne.

Le jeu en vaut la chandelle

Même si elle s’y refuse, Karine Vailleau, chargée de communication, admet “être sollicitée par des indépendants voulant suivre nos cursus”. Autre fierté pour elle : voir que les écoles spécialisées intègrent désormais la réparation mobile dans leurs cursus, “preuve que cela devient une activité à part entière”. Reste que tout ceci a un coût que ne souhaitent pas (ou ne peuvent pas) assumer certains acteurs. Enseigne Premium à l’origine spécialisée dans le changement de pneumatiques (17 pouces et plus), Barnabé a fait le pari d’élargir son activité au lavage de véhicules, à la réfection de jantes, au débosselage ou encore aux retouches peinture. Tout cela avec un seul camion dédié aux pneus et au lavage. “Pour le reste, ce sont des prestataires externes qui réalisent nos interventions, explique son fondateur, Maxime Bertin-Mourot. Au niveau technique, ce n’est pas possible de tout faire avec une seule équipe et cela nécessite également un grand savoir-faire. Pour le moment, nous n’avons pas la volonté de tout rassembler au sein de Barnabé.” Alors qu’un second est actuellement à l’étude, l’unique camion de l’enseigne a nécessité environ 50 000 euros d’investissement. Une mise de départ forcément importante, liée aux spécificités du camion et du matériel, qui demande cependant à être relativisée. Pour une somme défiant toute comparaison en dur, un professionnel s’offre le droit de devenir son propre patron tout en ayant l’assurance d’être adossé à un panneau reconnu. Chez Allopneus comme chez Actiglass, l’investissement de départ s’élève, en moyenne, à 25 000 euros. Si le fonctionnement des deux enseignes n’est pas le même – franchise pour la première, concession pour la seconde –, toutes les deux défendent une vision identique du métier et souhaitent, en premier lieu, voir ces affaires prospérer avant de pouvoir en tirer bénéfice. “Notre objectif est avant tout de créer des entreprises qui fonctionnent. Il est inutile de mettre la pression sur nos réparateurs. C’est pour cela qu’ils nous doivent une redevance de 150 euros à partir du treizième mois d’activité, mais qu’ils sont exonérés de celle-ci si le seuil de rentabilité n’est pas atteint”, insiste Cyril Caillol.

Objectif : faire prospérer ces affaires

Du côté d’Actiglass, si le message diffère, l’idée reste la même. “Nous souhaitons défendre nos concessionnaires”, explique Jean-Marie Meyer. Alors que, selon lui, la rentabilité est atteignable à partir de deux interventions journalières, étonnamment, son enseigne limite leur nombre à cinq. Une manière “de dégager du temps pour les autres tâches que nécessite notre activité. On ne peut pas chercher la productivité à tout prix. On est dans une logique de service qui doit obligatoirement être de qualité. Et cela nécessite forcément de prendre du temps”. Une stratégie qui dénote et qui s’accompagne également d’un accompagnement commercial. Pour permettre à ces affaires d’émerger le plus rapidement possible, Carméléon – qui fonctionne encore en propre avant de s’ouvrir à la franchise dans les prochains mois – souhaite jouer le rôle d’apporteur d’affaires et compte mettre à disposition de ses techniciens son portefeuille clients qui comprend notamment de grands groupes de distribution. Chez Allopneus, le réparateur possède d’entrée de jeu l’exclusivité commerciale sur tout son département. “A charge après à celui-ci d’évaluer ses besoins. Certains ont monté des affaires qui comptent jusqu’à quatre camions. Tout dépend du contexte”, détaille Cyril Caillol. Un contexte qui focalise également l’attention chez Carglass. Ne fonctionnant qu’en propre – “de sorte à garantir des process uniformisés” –, le spécialiste du remplacement de pare-brise demeure très attentif au rendement de chacun de ses centres. Depuis plusieurs mois, l’enseigne s’est lancée dans une transformation de son réseau où le service à domicile prend une place capitale. Explications de Stéphane Saubesty : “Aujourd’hui, le gros de notre développement se fait par des centres mobiles. On conserve des centres en dur, mais ceux-ci n’ont plus vocation à réaliser des interventions, seulement à prendre des rendez-vous. Cela nous permet de nous déployer à moindre coût dans des zones moins porteuses, mais aussi de nous adapter au marché actuel.”

Cibler ses zones de développement

Sur les 285 centres du réseau, Carglass dénombre 55 centres mobiles, tous ouverts lors des deux dernières années, et projette d’en inaugurer une quarantaine de plus au cours de cette année. L’enseigne n’en abandonne pas pour autant le développement d’ateliers classiques. “A Biscarrosse, par exemple, nous avons mis en place un centre mobile qui, au vu de ses résultats probants, a été transformé en centre classique réalisant aussi bien des réparations en mobile qu’en fixe.” Bien aidé par son expérience et sa force de frappe, Carglass conserve aujourd’hui une longueur d’avance en termes de développement. Pour les autres, celui-ci doit se faire de manière ciblée avec les grandes agglomérations en ligne de mire. “Nous comptons actuellement 26 camions qui rayonnent sur les grandes villes et leurs banlieues (N.D.L.R. : jusqu’à 50 km), souligne Karine Vailleau. Bien entendu, à l’image d’un Carglass ou d’autres, nous aimerions être présents partout en France, mais pour se développer il est évident qu’il est plus simple de se limiter aux grandes agglomérations.” Même son de cloche du côté de chez Barnabé qui, plus que la France, vise désormais la Suisse et notamment Genève pour s’implanter. “C’est une région intéressante pour nous car l’utilisation de pneus hiver y est plus courante qu’en France. Il y a donc de réelles perspectives de croissance sur ce marché”, relève Maxime Bertin-Mourot. Chacun à leur niveau, tous ces acteurs tentent aujourd’hui de se faire une place au soleil. Parce qu’ils collent parfaitement avec les nouveaux besoins de consommateurs trop pressés dans leur quotidien pour perdre du temps à d’ennuyeuses tâches, les SAD constituent le présent, mais surtout l’avenir du service automobile. Si le triptyque temps-tarif-qualité est respecté, le potentiel de croissance de ce secteur paraît illimité. Un argument de poids qui, dans les prochaines années, devrait inciter de nouvelles enseignes et de nouveaux clients à entrer dans la danse.

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