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Lubrifiants

La filière huiles usagées en danger

Publié le 10 mars 2016
Par Frédéric Richard
3 min de lecture
Dans un contexte économique plus favorable aux produits neufs issus de l’industrie pétrolière, le CNPA dénonce la situation très délicate des ramasseurs agrées d’huiles usagées.
Dans un contexte économique plus favorable aux produits neufs issus de l’industrie pétrolière, le CNPA dénonce la situation très délicate des ramasseurs agrées d’huiles usagées.

D’abord, ces données primordiales. Sur le territoire, le volume annuel d’huiles usagées issues des activités de la réparation et de l’entretien des véhicules, de l’industrie et des collectivités, représente quelques 200 000 tonnes. Le taux de collecte de ce déchet est proche de 100 %, une performance remarquable au regard du caractère dangereux qu’il présente et de l’impact environnemental désastreux qui surviendrait si ces déchets n’étaient plus collectés et traités dans les règles. En effet, 1 litre d’huile est en mesure de polluer 1000 m2 d’étendue d’eau…

C’est ainsi qu’en 2014, 75 % des huiles usagées collectées en France étaient régénérées (le volume restant étant dévolu à la valorisation énergétique chez les cimentiers). Un volume toutefois relativement restreint, en regard des données CPL 2014 relatives à la production d’huiles de base. En effet, sur un volume global de 1 586 600 tonnes, les huiles de base (neuves) issues du raffinage ont pesé 1 035 600 tonnes (soit 46,3 %) contre 76 000 tonnes (3,4 %) pour les produits issus de la régénération et 475 000 tonnes (21,3 %) pour les produits importés. Bien sûr, à ces données s’ajoutent les additifs de lubrification (24,9 %) et les produits finis importés (4,1 %).

Reste que, aujourd’hui, la donne a évolué, de manière assez brutale. Avec l’actuel effondrement du prix du baril de pétrole (36 dollars à l’heure où nous rédigeons ces lignes), les huiles régénérées fabriquées à partir des huiles usagées ne sont plus du tout concurrentielles par rapport aux produits neufs issus de l’industrie pétrolière. En temps normal, en effet, les huiles régénérées de Groupe 1 (la qualité basique) sont positionnées à un niveau de 30 à 40 % inférieur à celui des huiles neuves….

La problématique du coût

Il faut dire qu’en 2014 et jusqu’au début de l’année 2015, le prix de vente moyen/régénérateurs du produit huile usagée s’établissait selon nos sources à quelques 250 €/tonne, y compris le coût de collecte, pour un prix du baril se situant à 80/90 €, alors qu’aujourd’hui, ce coût s’établit sous la barre des 100 €/tonne.

Bref, une chose est certaine, actuellement, toute la filière se trouve en crise, à commencer par les régénérateurs, dont la problématique est européenne et non nationale. A titre d’exemple, la société belge Wos (Revatech.be, en Wallonie), qui retraitait quelques 40 000 tonnes d’huiles usagées, a cessé ses activités en janvier dernier. Un volume qui va bien devoir être absorbé quelque part.

La France, quant à elle, compte deux unités de retraitement. Eco Huile, dont l’activité repose essentiellement sur la régénération d’huiles usagées, a mis ses activités en sommeil, dans la mesure où ses cuves de stockage sont pleines et qu’elle n’a plus de disponibilité de location de bacs sur l’ensemble du territoire français. De son côté, Osilub (filiale à 65 % de Veolia et à 35 % du pétrolier Total), disposerait encore de quelques capacités… la vérité d’un jour n’étant pas celle du lendemain !

Parallèlement, la situation actuelle met en péril les TPE-PME de la collecte des huiles usagées : elles sont 49 à disposer de l’agrément préfectoral relatif à la récupération des huiles usagées sur le territoire. L’équilibre financier des ces entreprises est remis en cause depuis plusieurs mois, les coûts de collecte n’étant plus couverts par la seule valorisation des huiles usagées. Selon le CNPA, certaines ne pourront plus poursuivre leurs activités dans ces conditions au-delà de ce 1er trimestre 2016.

Le ministère de l’Ecologie saisi

Evidemment, face à cette crise sans précédent, les ramasseurs agrées d’huiles usagées du CNPA sont unis, et déplorent que la législation française ne permette pas de facturer la prestation de collecte, contrairement à la pratique de certains de leurs voisins européens. Le cas de l’Allemagne notamment, qui a souscrit à la démarche depuis l’été dernier. "La seule solution qui répond à l’urgence de la situation consiste à modifier l’arrêté d’agrément pour que nous puissions facturer l’enlèvement chez les détenteurs, souligne Didier Meffert, directeur des Relations Institutionnelles de Chimirec Développement. L’Allemagne y a eu recours et cela marche bien, il n’y pas de raison que cela ne marche pas en France. En outre, il y a fort à parier que le prix du baril n’est pas prêt de remonter, l’offre demeurant supérieure à la demande avec notamment l’arrivée de l’Iran sur le marché". Et Jean-François Martin, président de la Commission des Ramasseurs Agrées du CNPA, de marteler : "la réglementation actuelle est ce qu’elle est et nous la respectons, mais il faut donner à nos entreprises les moyens de survivre, d’autant que les détenteurs ont la possibilité de re-facturer le coût des traitements de déchets sur leurs factures d’entretien courant".

Devant l’urgence de la situation, le ministère de l’écologie a été saisi du problème à l’automne dernier. En ce sens, le CNPA attend de recevoir les éléments de réponse concrets de la part du cabinet de Ségolène Royal. Un cabinet assez occupé actuellement, avec notamment la gestion du problème de la centrale nucléaire de Fessenheim…

Marc David      

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