S'abonner
Lubrifiants

Les additifs qui font la force de Total

Publié le 24 juin 2015
Par Frédéric Richard
4 min de lecture
Situé près de Lyon, le Centre de Recherche (CReS) de Solaize (69) est le centre de recherche de la branche Marketing et Services du groupe Total. Les ingénieurs et techniciens y développent à la fois des carburants, ainsi que des produits spécifiques tels que des lubrifiants, bitumes et additifs. Nous l’avons visité, en nous intéressant particulièrement au développement des additifs.
Situé près de Lyon, le Centre de Recherche (CReS) de Solaize (69) est le centre de recherche de la branche Marketing et Services du groupe Total. Les ingénieurs et techniciens y développent à la fois des carburants, ainsi que des produits spécifiques tels que des lubrifiants, bitumes et additifs. Nous l’avons visité, en nous intéressant particulièrement au développement des additifs.

Total investit près de 100 millions d’euros chaque année dans la R&D dédiée aux carburants et aux lubrifiants automobiles. Les chercheurs du CReS, les motoristes et les tribologues (spécialistes des frottements) ont pour mission de faire évoluer les produits du groupe, pour de meilleures performances, des consommations moindres et un meilleur respect de l’environnement. Après deux années de recherche, Total, qui est désormais le seul pétrolier disposant encore en interne d’une activité de production de ses propres additifs, a récemment présenté la nouvelle génération de son carburant premium, composée des dernières technologies d’additifs, Excellium Essence et Diesel. Nous avons rencontré les équipes à l’origine de ce produit, certes plus onéreux à la pompe, mais qui apporte de réels bienfaits pour les moteurs.

Chaque année, les moteurs évoluent pour s’adapter aux nouvelles normes de dépollution (et notamment Euro 6). Nouveaux systèmes d’injection aux pressions de plus en plus élevées, systèmes de dépollution complexes (catalyseur, FAP, SCR…)… Autant d’innovations qui rendent les moteurs, essence ou diesel, plus complexes, plus performants, mais aussi plus sensibles à l’encrassement. Les injecteurs de dernière génération par exemple, deviennent plus fragiles face à l’apparition de dépôts. S’ensuit une altération des performances, un accroissement de la consommation, une hausse des émissions polluantes ou encore des pertes de puissance. Mais revenons à la source des problèmes. Les carburants commercialisés en France proviennent en quasi-totalité d’une des 5 raffineries du territoire. Ils doivent tous répondre aux critères de qualité minimale définis par la norme EN590 (pour le gazole) ou EN228 (pour l’essence). Ils sont ensuite acheminés dans des dépôts régionaux, et c’est là qu’ils vont recevoir des packages d’additifs spécifiques selon les pétroliers. Puis ils transitent enfin vers des stations-service de divers pétroliers ou des grandes surfaces, bref des points de distribution.

Malgré les normes appliquées aux raffineries, le carburant de base peut se détériorer au cours des différentes étapes de son transport ou son stockage, par la dégradation de certaines molécules, la présence d’eau…, qui vont ensuite impacter le bon fonctionnement du moteur. Les additifs servent donc à limiter les impacts néfastes de ces dérives du carburant d’une part, ou bien simplement à ajouter de nouvelles fonctionnalités au produit, comme de l’anti-mousse par exemple.

C’est donc bien sur le package d’additifs d’un carburant qu’un pétrolier fonde sa valeur ajoutée, sa différenciation.

Protection avant tout

Entre une Golf 3 et une Golf 7, la cylindrée est passée de 34 cv au litre à 90 aujourd’hui. Les contraintes subies par les moteurs et les carburants ont donc très largement évolué, et nécessitent de lourdes adaptations. Sur les dernières technologies d’injecteurs par exemple, les orifices des buses présentent des diamètres de l’ordre de 100 micromètres, soit le diamètre d’un cheveu ! Un dépôt de seulement quelques microns peut générer une perte de débit de plus de 30 %, sachant qu’à partir de 10 %, la dégradation des performances commence à être ressentie par le conducteur (vibrations, pertes de puissance). C’est tout l’objet des chercheurs du CReS. Ici, on monte et on démonte les moteurs, pour constater et mesurer l’impact de la qualité du carburant sur les composants les plus sensibles, notamment les injecteurs.

Un injecteur ayant fonctionné avec un carburant faiblement additivé (de grande surface) voit ses orifices partiellement obstrués par de la calamine. D’où une moins bonne pulvérisation, une combustion dégradée, des consommations et des émissions en hausse, et, en cascade, des effets négatifs sur plusieurs autres composants moteurs comme le filtre à particules, le catalyseur, le turbo, la vanne EGR… Autre avarie possible, cette fois sur l’aiguille de l’injecteur. Lors des fortes sollicitations, en conduite sportive par exemple, des dépôts, viennent coller l’aiguille de l’injecteur, et empêcher le démarrage du moteur.

Ces problèmes thermiques interviennent notamment en cas d’utilisation de gazole bio, qui peut contenir jusqu’à 7 % d’huile de colza par exemple. Ces composants bio ont tendance à se dégrader et créer de l’acidité dans le carburant, qui réagit elle-même avec le sodium contenu lui aussi dans le réservoir pour créer un “savon”, qui peut même entraîner un colmatage du filtre à gazole. Sur les moteurs essence, les dépôts viennent perturber la perméabilité des soupapes et influent sur le remplissage d’air dans le cylindre.

Dépôt des villes et dépôt des champs

En fonction du problème rencontré, les équipes de recherche ne mettent pas en œuvre les mêmes solutions. D’où l’intérêt de caractériser les dépôts, au moyen d’une analyse microscopique, moléculaire. Dans un autre laboratoire, les équipes analysent les dépôts sur les orifices de l’injecteur, qui sont les plus ennuyeux pour la combustion. Les microscopes électroniques à balayage grossissent ici près de 800 fois, jusqu’à permettre, avec d’autres procédés complexes, l’analyse élémentaire, comprenez la composition du dépôt (carbone, hydrogène, souffre…). Un carburant se compose d’environ 400 molécules, il faut donc être capable de les discerner et les quantifier…

Fort des résultats d’analyse obtenus, le laboratoire de formulation prend le relais. Nous avons rencontré les équipes qui ont développé le fameux package d’additifs qui entre dans le carburant Excellium. Une recette gardée secrète d’environ 15 composants, qui a demandé 2 ans de travail. L’idée générale quand on souhaite développer un additif, c’est de choisir les fonctionnalités, avec en tête le bénéfice pour le client final. Une fois que l’on a isolé toutes les fonctions et tous les produits qui s’y rapportent, les formulateurs sont chargés de les assembler, comme un vin, et de faire en sorte que l’ensemble reste stable, ne se dégrade pas dans le temps… Avant de tester les performances de la recette dans les autres départements spécifiques, notamment sur des bancs moteurs. Par exemple, on peut ajouter la fonctionnalité de protection moteur. L’ingrédient choisi sera alors un détergent. Mais on peut tout aussi bien ajouter des désémulsfifiants, qui vont permettre la séparation de l’eau, très dommageable pour un diesel moderne. Ou encore des anti-mousses, des anticorrosion… A noter que selon les zones géographiques, les besoins clients sont assez proches, mais la traduction de ces besoins est très variable. Elle dépend de la qualité du carburant de base disponible, ainsi que du niveau de technicité des véhicules du parc.

Partager :

Sur le même sujet

cross-circle