Apprau : "2021, une année assez exceptionnelle"
Pour son dernier séminaire, le réseau Apprau s’est réuni avec une partie de ses équipes, pendant deux jours, pour accueillir ses fournisseurs-équipementiers, et même décerner des prix à certains. C’était important de les retrouver après les 18 derniers mois que nous avons connus ?
Pascal Lefeuvre : Oui, absolument, c’était nécessaire. L’an passé, nous avions organisé ce séminaire en visioconférence, mais ce n’était pas pareil, les relations ne sont pas du tout les mêmes. C’était d’autant plus important de retrouver nos partenaires que 2021 est une année assez exceptionnelle pour Apprau, et que nous souhaitions échanger tout en nous projetant très vite sur 2022. Comme l’a souligné l’un de nos équipementiers, personne ne sait de quoi demain sera fait. Donc il ne faut pas être euphoriques et plutôt se concentrer sur les prochains mois.
Yasmina Ben Aissa : Ce séminaire est également important parce qu’il est inscrit dans notre histoire. C’est un rendez-vous qui existe depuis 2007. C’est une occasion de rencontrer nos principaux fournisseurs et d’analyser avec eux le travail réalisé. Ce n’est pas un moment de négociation, mais nous discutons pour essayer de nous projeter, de voir ensemble où nous pouvons aller. Chez Apprau, nous avons toujours considéré nos fournisseurs comme des partenaires qui nous accompagnent dans notre histoire.
Laurent Ferré : Ma mémoire peut me faire défaut, mais je ne crois pas dire de bêtise en ajoutant que nous ne nous sommes jamais séparés d’un fournisseur depuis le lancement d’Apprau en 2006. Nous fonctionnons selon un partenariat total. Quand nous signons avec un équipementier, nous nous engageons sur du long terme. C’est du gagnant-gagnant, et c’est d’autant plus à souligner que tout n’a pas toujours été simple pour notre réseau. Nous avons traversé des turbulences, en 15 ans. Au départ, nous étions plus étoffés, mais Apprau a tenu parce que nous nous sommes serré les coudes, et aussi parce que nous avons été soutenus par nos partenaires. Avec Pascale, Olivier et David, nous nous sommes beaucoup battus pour continuer à avancer, et nous n’avons jamais eu de déception.
La fidélité aux équipementiers n’est-elle pas mise à mal dans le contexte actuel, marqué par des tensions sur les approvisionnements, et parfois même des pénuries sur les stocks ?
P.L. : Ils sont tous dans la même situation. Alors bien sûr, les taux de livraison peuvent varier d’un équipementier à un autre mais, globalement, ils sont tous impactés par la situation actuelle. Pour nous, les choses sont claires. Quand il y a eu un coup dur comme au début de la crise sanitaire, nous avons demandé à nos partenaires de ne pas nous abandonner. Donc, aujourd’hui, il nous paraît tout à fait normal de ne pas les abandonner à notre tour. Tout l’intérêt d’une relation de partenariat est d’être présents quand il y a de la croissance ou de la décroissance.
Avez-vous été malgré tout obligés d’élargir vos référencements ?
L.F. : Non. Nous avons anticipé très tôt cette situation. Dès 2020, vu ce qui se passait, il ne fallait pas être devins pour comprendre que nous nous dirigions vers un marché très complexe. À partir de février 2020, nous avons pris la décision de surstocker. Pour vous donner un ordre d’idées, quand nos besoins étaient de 100, nous commandions 130. C’était certes un challenge, un pari, un risque aussi car il fallait pouvoir le faire, mais nous sommes à la tête d’entreprises saines. Finalement, nous n’avons aucunement remplacé nos fournisseurs, malgré les aléas que nous connaissons.
Plus globalement, comment se porte le réseau Apprau ?
David Cousin : Ça se passe bien pour Apprau ! Nous avons la chance, comme le soulignait Laurent, d’avoir des entreprises saines, en bonne santé et, tous ensemble, nous continuons à développer le réseau. Nous faisons beaucoup de choses pour que ça aille dans le bon sens. Nous voulons être un maximum à l’écoute des clients, leur apporter des solutions, mettre en avant des produits, communiquer davantage. Tout cela contribue au bon rayonnement d’Apprau.
Le modèle que vous défendez depuis longtemps, à savoir celui de "dépanneur", avec l’idée de trouver chez vous la pièce qu’il n’y a pas ailleurs, a-t-il pris tout son sens ces derniers mois ?
Olivier Chaussende : Déjà, je pense que c’est ce qui nous a permis de traverser cette période au mieux. Depuis le début de la crise sanitaire, aucune de nos plateformes n’a jamais fermé ses portes et nous sommes restés mobilisés pour nos clients, parfois en équipe réduite certes. Aujourd’hui, nous en recueillons les fruits. Les gens sont désormais prêts à nous voir comme un peu plus que des "dépanneurs". Nous avons l’image d’une organisation rassurante, qui a été là quand il le fallait, qui n’a pas forcément demandé des comptes, qui s’est montrée solidaire de tous les professionnels. Ce n’est pas une surprise de la part d’Apprau, car c’est comme ça que nous fonctionnons depuis 15 ans, mais cette perception a peut-être pris une autre dimension durant cette période.
Tout ceci vient finalement tordre le cou à l’idée, avancée par certains, qui vous place face-à-face aux groupements. Ce n’est définitivement pas le cas ?
P.L. : Je paraphrase toujours mon père qui disait, lorsqu’il était encore en activité, que très peu de groupements ont compris la place complémentaire que nous avons. La grande force d’Apprau tient dans cette complémentarité. Quand on voit la multiplication des plateformes en France, on sait ce que ça coûte d’être forts en région : la longueur de gamme coûte cher, le stock coûte cher, etc. Et quand on voit un groupement déployer 5, 6, 7 plateformes, voire parfois plusieurs par an, financièrement c’est très coûteux… Avoir autant de stocks que de plateformes, c’est forcément une hérésie. Certaines organisations ont compris cette problématique et nous avons des accords de dépannage avec elles.
Laurent Ferré, quand PAP a quitté le réseau en 2017, vous disiez alors qu’Apprau avait un autre rôle à jouer et pouvait trouver sa place sur le marché, avec une plateforme de plus ou de moins. La preuve est ainsi faite lorsque vous êtes sollicités par des acteurs de tous bords ?
L.F. : C’est une réalité bien présente. Nous n’avons jamais été le concurrent du groupement. Nous ne faisons pas le même métier. Nous faisons partie d’un maillage global. Notre secteur évolue, on voit par exemple les constructeurs se rapprocher des acteurs de l’après-vente, ce qui prouve que des rapprochements sont possibles. Chacun peut trouver sa place sur ce marché. Le paysage de l’après-vente est en train de changer et nous, nous sommes des caméléons, comme notre nouveau logo ! Nous nous adaptons aux produits et aux clients, mais nous ne nous cachons pas. Nous discutons librement avec les groupements.
On aura bien compris qu’il y a de bons résultats chez Apprau…
L.F. : Très bons, mais ne nous enflammons pas…
P.L. : Chez Apprau, nous savons garder les pieds sur terre. O.C. : Le pari a été gagné jusqu’à maintenant, mais demain est un autre jour.
Pourquoi restez-vous si prudents ?
D.C. : Il y a des incertitudes pour 2022 et puis, ce n’est pas dans nos habitudes d’être orgueilleux. Nous écoutons le marché, nous nous adaptons, cela nous réussit plutôt bien, mais il faut rester prudents.
Si on s’arrête sur votre actualité 2021, il y a la refonte de votre logo, le déploiement d’un nouveau site internet et un renforcement de votre politique commerciale. Autant de chantiers qu’il devenait nécessaire de mener ?
Y.B.A. : Sur le plan commercial, nous avons effectivement lancé des actions très opérationnelles de trade marketing. C’est un axe pour développer notre activité. Nos commerciaux, qui sont formidables même si nous en parlons peu, s’appuient désormais sur un outil dénommé Roadoo, qui nous aide à travailler dans ce sens. Cette présence sur le terrain est d’autant plus importante aujourd’hui que les forces terrain des équipementiers sont de moins en moins nombreuses. Nos équipes ont donc un rôle déterminant. L’autre chantier, qui est lié à celui-ci, était en effet de renforcer notre communication. Pendant longtemps, la philosophie d’Apprau était “Pour vivre heureux, vivons cachés”. Les choses évoluent peu à peu…
P.L. : Mais tout en gardant les pieds sur terre. Nous voulons faire parler davantage du réseau car nous avons tous des qualités à mettre en avant dans nos régions.
Y.B.A. : Tout ceci se fait en bonne intelligence. On se sert beaucoup des "best practices" de chacun, c’est aussi la force du collectif Apprau. Par exemple, c’est David qui nous a présenté la solution Roadoo. Olivier, quant à lui, a un super programme de fidélisation et il a à ses côtés une personne très inspirante qui s’occupe de la communication. L’équipe informatique d’Adipa a également créé un outil de facturation centralisée très performant, avec lequel nous n’avons aucune erreur.
P.L. : C’est la force des plateformes indépendantes. Bien sûr, nous avons 4 systèmes informatiques différents, qu’il faut mutualiser et faire interagir, mais nous avons aussi 4 services marketing, 4 services communication, etc. Avec des idées qui vont servir à tout le monde. Il y a un échange et une émulation qui se retrouvent sans doute moins dans des plateformes de groupement.
Vous rendez-vous compte qu’Apprau dénote dans le milieu en cultivant des liens forts entre ses membres et en réussissant à produire un gros travail au service de chacun ?
L.F. : L’un ne va pas sans l’autre. Les moments conviviaux que nous partageons sont très importants. Apprau n’est pas une amicale, nous sommes là pour travailler, mais c’est vrai que lorsqu’on est détendus et qu’on partage de bons moments, les idées viennent plus facilement. En tant que chefs d’entreprise, nous sommes toujours inquiets, et je pense qu’il faut l’être non pas en doutant de soi, mais en restant vigilants. Encore une fois, personne ne sait de quoi demain sera fait, mais nous aimons la vie, nous nous retrouvons avec plaisir.
P.L. : C’est quelque chose qui a toujours fait partie d’Apprau, c’est dans nos gènes. Je trouve aussi que la pandémie nous a beaucoup rapprochés. Une fois par semaine, nous nous retrouvions en visioconférence pour nous soutenir et c’est un rituel que nous avons gardé en parallèle de nos séminaires trimestriels.
Quelle est la feuille de route 2022 ?
P.L. : Ces deux jours avec nos fournisseurs nous ont justement permis de leur présenter notre stratégie, qui s’étend sur quatre axes. Sur le plan commercial, par exemple, nous allons accentuer nos promotions Apprau, communes à toutes les plateformes, parallèlement aux stratégies commerciales locales. C’est le type d’actions que nous proposons depuis 2015 et qui est très apprécié des équipementiers.
L.F. : L’autre axe de développement qui nous tient très à cœur, c’est la formation. Début octobre, chez Adipa, nous avons organisé une journée animée par trois fournisseurs, à laquelle ont été conviés des distributeurs et leurs garagistes, soit un peu plus de 30 personnes. Pourquoi cette initiative ? Ce n’est pas pour nous "approprier" les garagistes, même si certains aiment communiquer là-dessus, mais c’est pour aider les distributeurs car il y a un vrai problème de formation, notamment sur les garanties, et nous voulons les accompagner dans cette démarche. Ce type d’initiatives va se reproduire chez Apprau, car nous estimons que c’est notre rôle de soutenir nos clients et les clients de nos clients.
D.C. : Sur le plan marketing, nous allons continuer de nous appuyer sur Roadoo, cette solution digitale d’incentive vendeur que nous avons déjà évoquée et qui permet d’animer le terrain. L’outil permet aussi de réaliser des enquêtes pour certains de nos fournisseurs qui souhaiteraient mieux connaître la remontée du marché sur telle ou telle famille de produits. Une série de questions se trouve sur les tablettes de nos vendeurs, les clients y répondent, et l’équipementier, qui est très demandeur de ce genre d’initiatives, peut alors avoir un retour très concret du terrain. Ce qui apporte des réponses face aux incertitudes, mais aussi aux certitudes. Parfois, ils pensent être bons sur certains points, ce qui n’est pas le cas et cela leur permet de s’améliorer.
O.C. : Le dernier axe concerne l’expertise produit. Nous nous sommes rendu compte que nous étions d’autant plus utiles que, chacun de notre côté, nous avons développé de réelles expertises dans des domaines différents. Tout ce savoir-faire, nous voulons le mutualiser au travers de cahiers techniques, et de la formation aussi, de façon à être, encore une fois, apporteurs de solutions pour nos clients et de solutions centralisées. Apprau est un terrain neutre, tout le monde s’y croise. Nous sommes probablement la seule organisation en France à pouvoir réunir au même endroit des gens issus de groupements différents. Le groupe enrichit la communauté dans la mesure où nous avons tous des domaines de prédilection différents. Cette mutualisation n’en demeure pas moins un travail énorme.
Aujourd’hui, la question du maillage n’est plus un enjeu ?
P.L. : Non, effectivement, ce n’est plus un enjeu. L’Est est couvert à la fois par Motor Parts depuis Lille et Dasir depuis Lyon. Quant à la région parisienne, il n’y a pas de discussion à avoir. Il faut être parisien pour y réussir, il y a déjà beaucoup de plateformes…
L.F. : Cependant, nous ne sommes pas fermés à une implantation à Paris ou dans l’Est. Si une organisation veut nous rejoindre, nous sommes totalement disposés à en discuter. Il fut un temps, à la suite du départ de PAP, où nous avons cherché et discuté… Rien n’a abouti. C’était une déception, mais sans amertume, et rien n’est figé. La seule condition pour nous rejoindre est de partager notre état d’esprit.
O.C. : Il faut que ce soit un mariage de cœur et pas un mariage forcé.
L.F. : S’ils nous ressemblent, nous sommes prêts à les accueillir, mais intégrer une nouvelle plateforme dans le réseau n’est plus un but en soi. Si ça doit se faire, ça se fera.
En un mot pour conclure : vous êtes optimistes pour l’avenir d’Apprau ?
P.L. : Optimistes, mais toujours les pieds sur terre !
L.F. : Et toujours inquiets, aussi !
O.C. : Le doute m’a toujours fait avancer…
D.C. : Soyons caméléons pour continuer à exister ! (rires)