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Jean-Michel Cambette : "Klaxcar est reparti sur de bonnes bases"

Publié le 1 avril 2022
Par Mohamed Aredjal
8 min de lecture
[Abonnés] Après deux années difficiles, Klaxcar retrouve de l'allant. Sous la houlette de son président, Jean-Michel Cambette, le fournisseur tricolore s'est fixé pour objectif de relancer son développement à l'international tout en renforçant son activité en France. À cette fin, le groupe a fait de la notoriété et de la qualité le moteur de sa stratégie de croissance.
Dès son arrivée chez Klaxcar, Jean-Michel Cambette s'est fixé pour mission d'améliorer l'état d'esprit de ses équipes, notamment en y injectant du sang neuf.
Dès son arrivée chez Klaxcar, Jean-Michel Cambette s'est fixé pour mission d'améliorer l'état d'esprit de ses équipes, notamment en y injectant du sang neuf. ©Klaxcar

Vous avez pris vos fonctions à la fin 2018. Quelles actions prioritaires avez-vous initiées depuis ?

Jean-Michel Cambette : J'ai effectivement pris le relais fin 2018 de Cédric Mizrahi, qui avait lui-même succédé à son père, Alexandre, qui a fondé la société en 1994. Malheureusement, le fils n'a pas rencontré le même succès que son prédécesseur, et les résultats se sont dégradés sous sa direction. L'actionnaire majoritaire de Klaxcar, Andera Partners, qui avait signé l'acquisition de l'entreprise en juin 2017, s'est montré très déçu par son bilan et a décidé de le remplacer fin 2018.

À mon arrivée, la société traversait donc une passe difficile mais, dès 2019, nous avons réalisé un retournement fort intéressant et retrouvé une situation profitable. Le chiffre d'affaires et les bénéfices sont alors repartis à la hausse.

Au-delà des résultats, je me suis attaché à changer l'état d'esprit de l'entreprise. C'est ce qui est le plus difficile à réaliser, dans n'importe quelle société. Cela m'a conduit à remplacer un certain nombre de managers, car leurs résultats n'étaient pas à la hauteur de mes attentes. Mais nous n'avons pas restructuré les équipes pour autant : les effectifs se sont étoffés puisque nous comptons 46 employés, contre 38 à l'époque. En injectant du sang neuf, l'esprit d'entreprise a complètement changé et nous sommes repartis sur de nouvelles bases.

Quelle était votre connaissance du monde automobile avant Klaxcar ?

J'ai œuvré il y a une vingtaine d'années pour quelques acteurs dans l'automobile. J'ai notamment travaillé pour un fabricant en lien direct avec les usines d'un constructeur. En Allemagne, j'ai également eu l'occasion d'évoluer pour un spécialiste de la distribution de pièces dans l'automobile et l'aéronautique. Mais je ne suis pas un expert de l'automobile à proprement parler. J'ai été nommé avant tout pour mes compétences managériales.

À l'époque, le plus urgent était de comprendre les maux de Klaxcar et d'y apporter des solutions. Quand une entreprise va mal, c'est en général pour deux raisons : soit le marché est en déliquescence, soit le management n'est pas en mesure de capter ce marché. Or, chez Klaxcar, il était indispensable de renouveler une partie des effectifs pour opérer un vrai changement de cap et instaurer une nouvelle dynamique. Le comité de direction de huit managers a été entièrement revu. Nous avons aussi essayé d'être plus généreux avec l'ensemble des salariés, avec davantage de primes et de bonus. J'ai la conviction que l'entreprise moderne se doit d'être collective et sociale. C'est très important.

Au-delà du volet humain, quelles autres actions avez-vous établies ?

Nous avons rapidement mis le focus sur le développement commercial. Le chiffre d'affaires était en baisse depuis deux ans, et il était très urgent de renouer avec la croissance. Dès 2019, nous avons inversé la situation et relancé nos ventes. J'ai eu l'occasion de voyager à plusieurs reprises au cours de ces premières semaines à mon poste, pour rencontrer nos principaux clients et identifier leurs attentes. À la différence de mes homologues, souvent issus de milieux financiers, j'ai toujours privilégié une approche commerciale. Il me semblait indispensable de comprendre les besoins de nos partenaires. Or, nous avions à l'époque des problèmes de retards de livraison, de qualité, etc. Notre performance n'était pas bonne, ce qui était évidemment très pénalisant pour une société comme la nôtre, spécialisée dans le commerce de produits industriels avec de grands distributeurs.

Comment était perçu Klaxcar à cette époque par vos clients ?

Nous étions souvent vus comme une entreprise plus attachée à ses niveaux de marge qu'aux attentes de ses clients. Nos services n'étaient pas satisfaisants, en particulier la gestion des retours clients. Pour renouer avec la croissance, il était indispensable que nos clients soient satisfaits. C'est pourquoi il a fallu rapidement changer l'état d'esprit au sein des équipes, et rebâtir un service qualité digne de ce nom.

Par la suite, comment avez-vous traversé ces deux dernières années marquées par la crise sanitaire ?

Malheureusement, la crise du Covid-19 a fortement impacté notre activité dès le début  2020. Nous étions engagés dans un LBO depuis le rachat, ce qui n'a pas simplifié notre situation. Ces difficultés se sont aggravées en 2021 avec la dérégulation du transport qui a provoqué une situation inédite. Le prix de nos conteneurs est passé de 2 100 à 20 000 euros ! Outre cette hausse des tarifs, le service est devenu plus que médiocre. Nous avions peu de visibilité sur les délais de livraison de nos conteneurs, qui étaient perdus entre Dubaï, Singapour et Londres. C'était l'anarchie la plus totale !

Cette situation nous a fortement impactés, puisque nous restons très dépendants des transports depuis l'Asie. Il a fallu s'adapter, ce qui n'a pas été simple. Le chiffre d'affaires et le bénéfice en ont pâti. Nous avons cependant tenu bon : la société est restée profitable en 2021, avec un bénéfice sur chiffre d'affaires compris entre 8 et 10 %. Le chiffre d'affaires s'est, quant à lui, légèrement élevé à 12 millions d'euros, contre 15 millions en 2019, mais notre résultat net était alors inférieur. Au cours de cette crise, nous nous en sommes donc pas trop mal sortis. Mais ce n'est pas suffisant, et nous espérons faire nettement mieux très rapidement.

J'entrevois enfin le bout du tunnel avec une crise du transport qui semble prendre fin. Idem pour la pandémie qui devrait moins nous perturber. Nous sommes repartis sur de bonnes bases après avoir perdu deux ans à cause de cette pandémie. En 2022, j'ai fixé notre objectif de chiffre d'affaires à 14 millions d'euros, et j'espère bien qu'il sera dépassé !

Selon vous, la crise du fret maritime sera donc bientôt derrière nous…

Oui, je pense que les prix devraient baisser, même s'ils ne retrouveront jamais les niveaux de 2019. Tant que la demande restera forte, les compagnies maritimes continueront effectivement de maintenir des tarifications élevées. Et je doute que ça change même après cette pandémie. Chez Klaxcar, nous avons voulu nous rendre moins dépendants de la Chine en essayant de trouver davantage de partenaires en Turquie, en Italie ou en Europe de l'Est. Mais c'est très difficile de faire changer les choses : en termes de coûts de production, le fossé entre la Chine et le reste du monde demeure très important. Même la forte hausse des prix du transport n'a pas suffi à combler cette différence… Du moins pour ce qui nous concerne. L'Asie représente une part majeure de nos approvisionnements aujourd'hui.

Dans ce contexte, comment parvenez-vous à sécuriser votre approvisionnement ?

Je pense que nous sommes peut-être moins impactés que nos confrères fournisseurs par cette problématique, car notre offre se concentre principalement sur ce que nous appelons du "consommable". Nous ne nous positionnons pas, par exemple, sur la pièce électronique, pour laquelle le sourcing est plus difficile aujourd'hui. L'essentiel de notre activité porte sur les gammes freinage (disques, plaquettes, etc.), distribution (kits, kits avec pompe à eau, etc.), vision (balais, ampoules, etc.), allumage (bougies, bobines, etc.), filtration (air, huile, habitacle, etc.), suspension (liaison au sol et amortisseurs), etc.

Pour pérenniser nos approvisionnements dans le contexte actuel, nous avons surtout voulu anticiper nos besoins auprès de nos fournisseurs. Il faudra évidemment veiller dans les prochains mois à nos niveaux de stocks et à notre taux de service. D'autant que nous ne sommes pas à l'abri de phénomènes imprévus. La prudence est donc de mise, mais je reste globalement optimiste pour 2022 : si la crise du transport se tasse, nous devrions faire face à une situation plus normalisée, surtout à partir du second semestre.

Avez-vous été contraint d'augmenter vos tarifs en 2021 ?

Effectivement, avec la flambée des prix des matières premières, nous avons dû augmenter nos tarifs l'an dernier. Cette année, si nos coûts de transport se réduisent comme je l'espère, nos tarifs se stabiliseront également.

À l'instar de nombreux secteurs pendant la crise, avez-vous observé une hausse de votre activité digitale ces derniers mois ?

C'est un canal que nous avons investi fin 2019 avec la création de notre webshop. Cette plateforme monte en puissance et nous allons poursuivre nos efforts dans ce domaine. Nous avons aussi renforcé notre présence sur les réseaux sociaux. C'est un gros chantier mais les premiers retours sont très encourageants. Les autres sites e-commerce ne constituent pas une priorité dans notre stratégie de développement. Après quelques approches, nous n'avons d'ailleurs pas voulu aller sur le terrain d'Amazon, par exemple. Les contrats étaient tellement contraignants que nous ne nous y retrouvions pas. Ce n'était pas un bon marché pour nous, que ce soit en termes de volumes ou de rentabilité.

Prévoyez-vous d'étoffer votre catalogue cette année avec de nouvelles familles de produits ?

Pour répondre à une demande croissante de nos clients, nous lancerons effectivement une gamme asiatique. Nous avons profité de l'année 2021 et de ses multiples périodes de confinement pour mettre cette nouvelle offre au point.

L'activité à l'export fait partie de votre stratégie depuis toujours. Projetez-vous de prendre pied dans de nouveaux marchés ces prochains mois ?

Aujourd'hui, Klaxcar est présent dans 80 pays. Nous nous sommes beaucoup développés ces derniers mois en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Nous avons un directeur commercial adjoint qui réalise un excellent travail et grâce auquel nous progressons très vite dans ces pays. C'est d'ailleurs l'un de nos atouts : nous comptons de nombreuses nationalités différentes dans nos équipes.

Klaxcar est ainsi très fortement implanté en Afrique du Nord, et nous avons plusieurs salariés arabophones.

Ce qui est très apprécié par nos clients, évidemment. Nous réalisons près de la moitié de notre activité au Maghreb. Klaxcar dispose d'une véritable proximité avec les marchés maghrébins, c'est historique. Nous entretenons des liens privilégiés avec nos partenaires locaux. Nous réalisons d'ailleurs des projets communs avec eux dans ces pays.

Avec quels acteurs travaillez-vous dans ces différents marchés ?

Essentiellement avec d'importants importateurs qui revendent nos produits à leurs distributeurs. Si je prends le cas de l'Algérie, qui fait partie de nos principaux marchés, il y a trois ou quatre niveaux dans la chaîne de distribution avant le client final.

J'imagine qu'il n'est pas toujours simple de composer avec les spécificités commerciales, administratives et culturelles de ces pays. Surtout dans le contexte international actuel…

Non, mais c'est justement l'une de nos forces. C'est pourquoi nous veillons à nous appuyer sur des collaborateurs capables de nous aider pour aborder tous ces marchés de la meilleure façon possible. Nous n'hésitons pas non plus, dans certains cas, à nous reposer sur un distributeur local pour développer notre activité. Il faut être capable de se remettre en cause rapidement et faire preuve de souplesse pour identifier le plus finement possible les besoins de nos partenaires.

Comment faites-vous face à la contrefaçon qui est très répandue dans ces pays ?

C'est la rançon du succès ! Dès qu'une marque rencontre un certain succès dans ces marchés, elle fait effectivement face à de la contrefaçon, venue de Chine principalement. Dans le Sud ou l'Est de l'Algérie par exemple, il arrive qu'on demande aux clients s'ils souhaitent du Klaxcar premier, deuxième ou troisième choix ! Nous travaillons avec un avocat en Algérie qui gère ces dossiers et veille à ce que les produits contrefaits soient saisis le plus vite possible. Ce qui permet de contenir ce phénomène, même si cela ne suffira évidemment pas à y mettre fin… Si LVMH n'y est pas parvenu, je doute que Klaxcar y arrive, malheureusement !

Quid de la France ?

La commercialisation de la marque Klaxcar est assez récente en France. Nous bénéficions d'une notoriété assez forte sur notre marché et, après ces deux années un peu compliquées, notre activité y est bien repartie. Nous travaillons aujourd'hui beaucoup avec le groupement Alliance Automotive, avec lequel nous souhaitons renforcer nos liens, tout en développant de nouveaux partenariats. Nos ventes sur le marché domestique représentent 25 % du chiffre d'affaires, et nous aimerions doubler cette part dans les trois à quatre prochaines années.

Notre ambition à terme est de réaliser 40 % de nos ventes dans l'Hexagone et 60 % à l'étranger.

Klaxcar s'est illustré ces derniers mois par ses projets en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Quels impératifs ont guidé ces actions ?

Au-delà de notre rôle employeur, nous jouons un rôle social et éducatif, et il nous a semblé important que nos salariés aient conscience de toutes ces problématiques. Ce n'était pas dans notre culture initialement. C'est un virage que nous avons amorcé il y a deux ans, en commençant à nous questionner sur notre activité et notre impact environnemental. Nous avons effectué un équivalent de bilan carbone, qui va nous aider à nous améliorer dans ce domaine. Pour avancer sur ce sujet, nous sommes accompagnés par une ONG qui s'appelle le Geres, dont nous sommes mécènes. Fort de ses 75 ans d'histoire, le Geres s'est spécialisé dans la solidarité climatique et nous a beaucoup apporté en ressources et en connaissances dans ce domaine. En décembre dernier, les équipes de l'ONG se sont déplacées dans nos locaux pour informer et sensibiliser l'ensemble de nos équipes au bilan que nous avons réalisé ensemble. Nous travaillons désormais au plan d'actions à mener pour améliorer les choses.

L'autre volet de nos actions concerne l'international. Nous soutenons en effet nos clients dans les projets sociaux ou environnementaux qu'ils peuvent initier.

Le premier porte sur une plantation d'arbres réalisée avec des enfants d'écoles en Algérie, dans la commune d'Ain M'Lila. L'idée était de planter avec eux 300 arbres en les sensibilisant aux enjeux de la protection de la nature et de l'importance d'actions durables dans le temps. Baptisé B-Green, ce projet n'a pas été simple avec la pandémie de Covid-19 et les tensions diplomatiques entre l'Algérie et la France. Nous n'avons d'ailleurs pas pu nous rendre sur place lors de cette plantation, qui a eu lieu en novembre dernier. Mais dès que ce sera possible, nous prendrons le premier vol pour l'Algérie pour voir de nos yeux ce projet qui nous tient à cœur.

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