“Le FAP change la chaîne de distribution, la gestion produit et l’approche client”
Comment se positionne l’aftermarket chez Tenneco ?
L’aftermarket pèse aujourd’hui 16 % dans le groupe, qui réalise un chiffre d’affaires global de 8 milliards d’euros. Cette activité devrait diminuer à l’avenir, mais cela n’a pas d’importance. Le CA est une chose, la stabilité dans l’organisation en est une autre. Nous produisons actuellement plus d’amortisseurs que d’échappements, notamment car nous n’avons pas la même couverture géographique. Sur la première famille, nous incluons le Moyen-Orient, l’Afrique, et la partie asiatique de la Russie et des pays adjacents, tandis que sur le second nous restons uniquement en Europe occidentale. Sur les 2,4 milliards d’euros réalisés avec Monroe, nous approchons de la parité entre OE et aftermarket, avec un avantage pour la première monte. En échappement, la ligne complète d’un véhicule moderne coûte 1 000 euros alors qu’en aftermarket, on ne change que le silencieux, et encore, de moins en moins. Nous enregistrons pour l’instant un taux de croissance plus élevé en OE qu’en aftermarket, et l’écart continuera de se creuser. D’autant que, sur l’échappement, l’activité première monte sera portée par l’évolution des normes de dépollution en VL, ou encore la croissance du secteur Off-Highway, avec des gros Caterpillar par exemple. In fine, l’aftermarket devrait à terme se stabiliser autour de 12 %, mais encore une fois, cela n’a pas d’importance. L’activité conserve tout son intérêt stratégique.
Focalisons-nous sur Walker, quelle stratégie mettez-vous en place pour croître sur ce marché pourtant compliqué ?
Il y a une vraie contraction du marché de la partie froide, silencieuse, car les taux de remplacement depuis 1992 se trouvent en chute libre. En 1992, le marché occidental était estimé à 45 millions d’unités, et les prévisions de 2017 tablaient sur un marché à 15 millions de pièces. Nous ne sommes toujours pas en 2017, mais les 15 millions se trouvent pratiquement atteints. Cela s’explique par une grosse diésélisation du parc, les échappements ne rouillant pas de l’intérieur. De plus, il y a eu un changement de technologie, où l’on est passé de l’acier inoxydable à l’acier basique. Enfin, les carburants ont été désulfurés. Après, certains facteurs stabilisent le marché. Ainsi, avec les hybrides, le moteur est arrêté régulièrement, ne favorisant pas une bonne combustion. Ou encore avec le Start & Stop et les moteurs 3 cylindres qui provoquent des vibrations et attaquent la soudure. Dans ce contexte, quelques gros du secteur ont connu des faiblesses, et Tenneco a su en tirer parti. Nous avons, bien sûr, dû redimensionner notre activité, et désormais nous nous appuyons, pour l’Europe, sur notre usine de Laval, en France, qui tourne bien. Nous avons toujours la volonté de rester sur ce marché. Cette stratégie a été payante puisque nous avons pris des parts de marché.
Et le FAP ?
Nous assistons à une transition du métier, où l’on passe de la chaudronnerie à la dépollution, avec une chaîne de distribution, une gestion du produit et une approche client différentes. Le prix unitaire de la pièce, auparavant de 20 à 50 euros, monte à plus de 300 euros. On ne stocke ni ne finance pas les inventaires de la même manière. Le produit se révèle également très technique, et reste pour l’heure encore fortement dans l’OES. Notre rôle consiste à nous assurer que la rechange indépendante dispose des informations et formations pour intervenir. D’où le portail Tadis. Par ailleurs, l’arrivée de la gamme Evo C, en cordiérite, devrait permettre de proposer un remplacement par le neuf au prix d’un nettoyage. Le lancement européen a été fait début avril, avec la France et l’Allemagne pour les premières commandes.
En France, le rétrofit revient sur le marché, notamment dans le PL. Avez-vous des velléités dans le domaine ?
Nous connaissons la technologie du rétrofit. Par exemple, en Chine, nous équipons la compagnie de bus de Shanghai. Nous pouvons donc proposer demain cette offre en France. Toutefois, nous avons connu une mauvaise expérience en Allemagne, car la législation n’était pas suffisamment claire. Nous avons commercialisé des produits pour passer des VL d’Euro 2 à Euro 3, répondant pourtant à toutes les normes et certifiés. Mais sous la pression d’un écologiste allemand, nous avons été contraints de retirer nos produits. Ce dernier a fait un test du FAP en mesurant les rejets dès le changement. Or, ce produit nécessitait un amorçage de 20 à 50 km avant d’être opérationnel. Donc, tant qu’en Europe, la loi et surtout le protocole de test du produit ne seront pas clairement définis au niveau européen et national, nous n’irons pas sur un marché rétrofit, VL ou PL.
Quel regard portez-vous sur la concentration des acteurs aftermarket et la création de nouveaux groupes ?
Nous avons prévenu nos équipes, lors de notre dernière convention, que nous n’avions pas de boule de cristal. Nous savons que cela bouge beaucoup, mais nous n’avons pas tous les détails. Notre rôle reste de servir le marché, quelle que soit son évolution. Nous avons mis en avant un concept d’agilité, au sens business du terme. Nous développons les outils pour répondre aux besoins des marchés. Après, il est clair que nous cherchons à bâtir des partenariats avec ces groupes. Travailler avec un mastodonte qui dépasse le milliard d’euros de chiffre d’affaires se révèle assez confortable pour nous, car cela nous rassure quant à la stabilité du partenariat. Les négociations restent plus musclées, notamment sur le prix des pièces, mais la gestion des coûts peut être faite ensemble pour gagner en efficacité. Au final, je vois plus d’opportunités que de risques dans ces concentrations. Toutefois, il existe des marchés où la concentration des acteurs se trouve bien plus forte, comme en pharmaceutique. Dans l’après-vente automobile, les 25 plus gros acteurs européens trustent seulement 15 % du marché européen, estimé à 100 milliards d’euros. On devrait assister à des consolidations bien plus spectaculaires, au niveau européen.
Les groupements internationaux ne jouent-ils pas ce rôle ?
Ils se positionnent davantage comme un club, pour obtenir de l’information, aligner leurs pratiques commerciales ou encore bénéficier des expériences des uns et des autres, plutôt que de véritablement regrouper des entités fédérées et cohérentes. Ils ont une vraie fonction, mais ils n’influencent pas la dynamique du marché européen. Concernant Nexus, nous verrons bien ses plans. Finalement, Internet fera plus pour la cohésion du marché européen que les quatre groupements. Le Web est un vrai déclencheur qui secoue les structures, et qui effraie beaucoup de gens. C’est un modèle avec une chaîne radicalement différente, plus courte et plus transparente, mais il n’adresse pas toute une facette du métier. La distribution indépendante a un bel avenir, mais elle a intérêt à s’approprier le Web comme outil, pour gagner en transparence et en efficacité, plutôt qu’à le combattre. Par exemple, en Russie, la société Exist s’est positionnée comme une plate-forme de demande de prix. Elle reçoit des demandes qu’elle transmet à plusieurs grossistes qui lui répondent sous trente minutes. Sous deux heures, l’offre est alors renvoyée au client, qui peut l’accepter en payant directement en ligne. La livraison s’opère quelques heures plus tard. En quatre à cinq ans, cette société russe a atteint les 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. Désormais, elle a rejoint Temot pour être livrée en direct par les fournisseurs, et son CA atteint les 700 millions d’euros. Son approche se révèle complètement différente. Elle vend à n’importe qui, la remise variant selon le volume de chiffre. Cet exemple n’est pas applicable partout, mais il démontre bien que le Web met au défi l’ensemble de la profession, et la force à se réorganiser et à se repenser.