“Nous espérons que nos parlementaires identifieront la nécessité de revenir sur Eurodesign”
Norauto Groupe passe Mobivia Groupe, en 2010. Comment ce changement a-t-il été perçu ?
C’est un changement qui reflète avant tout l’évolution du périmètre d’activités du groupe. Depuis la création de l’entreprise en 1970, de nouvelles activités se sont progressivement développées, autour de son enseigne fondatrice, Norauto : création de Carter Cash, acquisition de Maxauto, création de Synchro diffusion. Suite à l’acquisition de Midas en 2004, nous avons ainsi créé le groupe sous le nom Norauto Groupe. Mais déjà, ce nom était accompagné de l’emblème de l’homme mobile. Il s’agissait pour nous de signifier notre volonté d’élargir nos activités au-delà de l’automobile, tout en restant ancrés sur notre métier historique, mais en le faisant évoluer en fonction des besoins de nos clients automobilistes. En 40 ans, l’automobile a beaucoup changé, passant progressivement d’une ère mécanique à une ère électronique. Et depuis 40 ans, nous accompagnons les besoins évolutifs de nos clients en matière d’entretien automobile : de la vidange aux pneumatiques, en passant par l’échappement ou les freins. Nous avons progressivement élargi notre offre à toute la dimension électronique et à l’entretien global des véhicules. Aujourd’hui, dans un contexte en pleine mutation, nous franchissons avec Mobivia Groupe un pas supplémentaire en affirmant et prouvant notre volonté de contribuer par nos activités, plus largement, à une mobilité plus sûre, plus propre, plus accessible… Par l’automobile, et au-delà de l’automobile.
Concrètement, comment se traduit cette évolution pour le groupe ?
S’affirmer comme Mobivia Groupe est engageant. Et s’affirmer sur la mobilité ne devait pas juste être un effet d’annonce, mais correspondre à une réalité. Ainsi, cette réalité a commencé en 2010, avec le développement de nouvelles activités, et l’accompagnement de jeunes sociétés qui avaient des visions novatrices en matière de mobilité. Ainsi, nous sommes impliqués chez GreenCove 123voiture. Nous avons lancé AlterMove en novembre 2010, une boutique dédiée au déplacement urbain, ou encore BuzzCar en avril 2011. En parallèle, nos enseignes historiques développent elles aussi des offres produits et services pour une mobilité différente. Ainsi, les centres Norauto ont lancé en juin 2010 les premières offres deux-roues, se sont équipés de véhicules de courtoisie électriques en janvier 2011, ou s’engagent encore progressivement sur l’éco-entretien.
Les clients sont-ils vraiment sensibles à cette idée d’éco-entretien ?
Depuis le début des années 1990, nous sommes fortement mobilisés sur les questions d’environnement et en particulier sur les questions de recyclage de nos produits en fin de vie. Nous avons ainsi suivi de près la sensibilité environnementale de nos clients. Jusqu’aux années 2000, nous avons pu constater que ces initiatives ne représentaient pas un élément déterminant dans leur choix. Cette sensibilité environnementale se trouve aujourd’hui plus présente et nos clients attendent de nous des solutions. Et dans un contexte où le pouvoir d’achat est tendu, ceci est d’autant plus fort que l’on associe la notion d’écologie et d’économie, ce qui est le cas de l’éco-entretien. Pouvoir contribuer à l’environnement, quel que soit mon pouvoir d’achat, et y trouver un intérêt économique personnel, provoque un attrait beaucoup plus fort chez le consommateur. Il reste encore toutefois beaucoup à faire dans le domaine de l’éco-entretien. D’ailleurs, le Grenelle de l’environnement contenait des dispositions en la matière, mais rien de concret n’a jamais vu le jour. L’éco-entretien reste encore beaucoup trop théorique pour nos clients.
Vous réalisez un baromètre sur le comportement des Français en termes de mobilité. Que révèle-t-il ?
Nous réalisons cette étude en partenariat avec la SNCF, pour la quatrième fois cette année. Ce baromètre souligne que l’éco-entretien, suivi de l’éco-conduite, sont les deux actions que les automobilistes plébiscitent pour contribuer à une mobilité plus propre. Ces résultats ne sont pas surprenants, puisque 70 % des gens ne peuvent pas se passer de leur voiture. Et, dans un contexte économique difficile, les Français voient un vrai intérêt à faire durer leur voiture, et optimiser son usage. Il en va de même pour l’éco-conduite. L’automobiliste y trouve largement son compte, en termes de consommation de carburant, mais aussi de sécurité. En revanche, les Français ne savent pas, bien souvent, comment passer à l’acte. Face à la contrainte économique, nous avons, en tant qu’acteur de l’entretien et du service automobile, un vrai rôle à jouer aux côtés de nos clients pour leur apporter des solutions, produits et services, au bénéfice de la planète et de leur porte-monnaie.
Le marché de l’entretien automobile se révèle très bataillé. Les réseaux constructeurs se montrent agressifs dans leurs tarifs. Comment gérez-vous cette concurrence ?
Tout ce qui va dans l’intérêt du consommateur est une bonne chose. Norauto est né de la volonté de rendre accessible la voiture et son usage à tous. Il nous revient donc de prouver au quotidien que nous disposons des bons produits et services, au bon prix. Après, encore faut-il que cela se fasse avec des règles de compétition équilibrées, et malheureusement, on constate que ce n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi nous nous engageons, notamment au côté de la Feda, dans un certain nombre de combats, où l’on constate que le consommateur est dans une position anormale, comme avec la réglementation Eurodesign par exemple. Les études menées par UFC Que Choisir ou la Feda montrent que les prix des pièces captives peuvent atteindre un écart de 40 %, entre la France et d’autres pays européens face à la situation de monopole des constructeurs sur ces pièces.
Qu’avez-vous pensé du débat parlementaire qui a récemment eu lieu à l’assemblée ?
Nous nous réjouissons d’avoir assisté, pour la première fois, à une mobilisation très importante de toute une série d’acteurs de la rechange sur ce sujet d’importance. Et, pour la première fois, le débat a émergé dans la sphère publique, avec une vraie reconnaissance de la problématique. Toutefois, nous déplorons un certain nombre d’arguments, mis en avant par les constructeurs, totalement erronés. Je citerais à titre d’exemples les risques pour l’industrie française, le risque de voir émerger des pièces de contrefaçon, ou encore les risques de sécurité. L’épouvantail de la délocalisation a eu un gros impact sur le retrait des amendements. Or chacun de ces arguments peut être totalement inversé. Toutes les études prouvent que la fin du monopole des constructeurs permettrait non seulement des gains importants de pouvoir d’achat pour le consommateur, mais aussi un bénéfice majeur en matière de sécurité des véhicules, sans oublier une dynamisation significative de la sphère industrielle en France.
Et concernant l’argument de la contrefaçon ?
Les rares pièces saisies en France sont en réalité le fait d’automobilistes qui achètent dans les pays ayant libéralisé, les mêmes pièces, à un prix plus attractif. De plus, si l’on veut parler sécurité, comment expliquer alors que des produits comme les plaquettes de frein, organe par excellence de la sécurité d’un véhicule, ne soient pas sous monopole ? Alors que dans le même temps, la non-libéralisation crée des problèmes de sécurité, car le prix excessif des pièces engendre un frein économique. Les consommateurs ne changent pas leurs optiques abîmés, ou encore leurs pare-chocs enfoncés. De plus, si on regarde le cas des pays où la pièce de carrosserie a été libéralisée, on constate qu’ils ont connu un développement d’une nouvelle industrie, qui, elle, crée des emplois. Par exemple, en Pologne, entre 2007 et aujourd’hui, le pays a augmenté ses exportations de pièces visibles de 90 %.
Comment avez-vous perçu les lettres envoyées par PSA et Renault au gouvernement ?
Nous déplorons la manière dont tout ceci s’est passé. Nous n’avons à ce jour toujours pas eu connaissance du contenu exact de ces courriers. Il semble avoir été question d’engagement sur les prix, ce qui reste à prouver. Quand on constate que certaines pièces ont connu 300 % d’augmentation, et que la moyenne des prix reste supérieure de 40 % par rapport aux pays voisins, on peut se poser la question de la volonté à tenir ce type d’engagement. Avant d’arriver à un prix compétitif en France, par rapport à ce qui se passe dans les pays proches, il va falloir des années. Quant au deuxième engagement concernant la création d’emplois en France, nous ne pouvons malheureusement que regretter les déclarations opposées qui ont été faites.
Quelle est la suite du dossier ?
Aujourd’hui, nous comptons sur les sénateurs, et plus largement sur les parlementaires pour réintégrer cette problématique dans le cadre des débats à venir et de l’étude de la loi sur la consommation, qui est prévue en première lecture au Sénat, en décembre. Malgré le retrait des amendements à l’Assemblée, nous espérons que nos parlementaires identifieront la nécessité de revenir sur ce sujet, dans l’intérêt des consommateurs et de la filière automobile.
Face aux prix élevés des pièces, la pièce de réemploi semble trouver sa place sur le marché. Quelle est la position de Mobivia Groupe sur ce point ?
Tout ce qui peut contribuer à prolonger la vie d’un véhicule, notamment en donnant des solutions économiquement accessibles aux consommateurs, se révèle bénéfique, et s’inscrit pleinement dans la philosophie du groupe. Nous proposons dans nos centres des pièces de réemploi, comme des démarreurs, des alternateurs… Nous regardons bien évidemment de très près ce qui se passe dans ce domaine, car cette démarche a du sens face aux problématiques de pouvoir d’achat et d’environnement. Contrairement aux mesures de prime à la casse…
Vous estimez que la prime à la casse a été négative sur le marché ?
Si on regarde en détail le cycle de vie d’un véhicule, et que l’on dresse un bilan global de la prime à la casse, en intégrant les émissions dues à la production du véhicule, celui-ci est très négatif, et de nombreuses études l’ont prouvé. L’argumentation environnementale a été utilisée, alors que cette mesure représente simplement un soutien à l’industrie automobile, en première monte. Au final, les consommateurs qui ont utilisé la prime à la casse étaient des gens capables de financer des véhicules neufs. Or, nous défendons également les personnes qui n’ont pas forcément les moyens de faire l’acquisition de véhicules neufs. En ce sens, il nous parait plus que nécessaire d’accompagner la prime à la casse avec d’autres mesures, favorisant l’éco-entretien et le prolongement de la vie des véhicules. Particulièrement quand on voit le peu de différence entre le taux d’émission de CO2 d’un véhicule ancien et d’un modèle ayant bénéficié d’un bonus-malus. L’écart n’est pas si significatif que cela. Certes, il faut soutenir la filière, mais dans son ensemble, et autant le parc VN que VO. Nous avons bon espoir que le gouvernement intègre ces notions.
La vente de pièces en ligne représente également un autre sujet polémique en rechange. Que fait Mobivia Groupe en la matière ?
Encore une fois, nous partons toujours de nos clients, de leurs besoins et des tendances de consommation. Les consommateurs évoluent, et Internet s’est imposé comme un nouveau canal de vente, qui répond à leurs attentes. Norauto possède un site de vente en ligne, tout comme AlterMove, qui utilise la toile pour proposer la vente en ligne de 25 % de son offre. Structurellement, nous avons également lancé une nouvelle activité dédiée au web au sein du groupe, dans laquelle le site Oxyo Pneus s’inscrit. Il s’agit d’un site pure player sur la vente de pneumatiques, qui répond à un besoin du marché, et aux attentes de certains automobilistes, et s’appuie sur un réseau de montage composé de milliers de garages. Cette activité web sera bien évidemment amenée à se développer, mais nous souhaitons avancer de manière pragmatique, en réfléchissant à la valeur ajoutée que nous pouvons apporter sur chacun des marchés.
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BIO EXPRESS
45 ans. Mariée,
4 enfants
Diplômée de l’IESEG School of Management.
En 1987, intègre l’enseigne Norauto, qui possède alors une cinquantaine de centres, comme responsable des études de marché.
De 1992 à 1998, est promue directrice marketing de Norauto.
De 1998 à 2005, est nommée directrice de la communication de Norauto.
De 2005 à 2011, devient directrice de la communication en charge du développement durable, de Norauto Groupe, puis de Mobivia Groupe.
Depuis 2011, nommée directrice des relations extérieures et des affaires publiques de Mobivia Groupe.