Thierry Dufour (AAG) : "Napa est un véritable vecteur de croissance"
J2R : Dans un premier temps, pourriez-vous nous rappeler vos missions au sein du groupement ?
Thierry Dufour : J'occupe le poste de directeur des opérations filiales, qui a été créé lors de la dernière réorganisation de l'équipe dirigeante, en 2019. Elle a été mise en place pour succéder à la direction générale jusqu'alors partagée par Éric Girot, dont les missions se concentraient essentiellement sur l'activité trading adhérents indépendants, et Franck Baduel, dont le périmètre couvrait davantage les filiales. Cette réorganisation simplifie notamment l'organigramme avec un seul directeur général France, auquel est rattaché un poste de directeur des opérations filiales. C'était une décision logique puisque ces dernières ont pris de l'importance ces dernières années, au fil des acquisitions réalisées par le groupe. Il devenait nécessaire de structurer le management quotidien de ces points de vente. D'ailleurs, nous avons créé à cette fin un comité de direction dédié aux filiales.
Combien de filiales compte Alliance Automotive en France ?
Pour être précis, 235 sites à l'heure actuelle.
Quels objectifs vous êtes-vous donnés à ces fonctions ?
Ma mission principale est de poursuivre le processus d'intégration de ces acquisitions. C'est une chose de racheter des distributeurs indépendants, c'en est une autre de les faire entrer dans une phase de structuration, qui doit aider le groupe à s'imposer comme un leader européen de la distribution de pièces de rechange. Nous devons également travailler à la consolidation de nos marges sans pour autant obérer la croissance. Le groupe a de fortes ambitions de croissance organique, ce qui implique de nombreuses initiatives, dont le récent déploiement de notre marque exclusive Napa. Alliance Auto-motive a toujours eu une forte culture équipementiers premium mais il nous manquait, selon l'approche anglo-saxonne “good-better-best”, une alternative pour faire de la conquête de nouveaux clients.
Parmi les distributeurs rachetés par Alliance Automotive figurent des sociétés avec une culture organisationnelle et locale très marquée. J'imagine qu'il n'a pas été très simple de mener à bien ce processus d'intégration…
Non, c'est vrai, mais je suis partisan d'un équilibre entre une intégration homogène, notamment au travers d'outils de management opérationnel, et un respect de l'identité locale de chaque point de vente. Nous avons d'ailleurs gardé les noms commerciaux des filiales acquises ces dernières années, à l'instar de Normandie Accessoires (60) ou de Vidalauto (83). Au-delà de l'attachement sentimental des collaborateurs de longue date, qui est parfaitement légitime et louable, ces noms bénéficient localement d'une forte reconnaissance. Nos clients sont des indépendants et veulent poursuivre cette relation bâtie au fil des années avec leurs partenaires.
Autrement dit, il faut poursuivre cette mutualisation des moyens et l'homogénéisation des process tout en laissant une capacité d'entreprise à nos chefs ou directeurs d'agence. C'est important puisque nous sommes face à des distributeurs indépendants qui peuvent se montrer plus agiles si nous ne gardons pas une certaine latitude. Je suis assez partisan du concept de subsidiarité, qui veut réserver à une fonction centrale ce qui ne peut pas être réalisé en local. Il est donc primordial de laisser au terrain certaines prérogatives. Ce qui permet de faire jeu égal avec les indépendants. L'écart de performances entre filiales et adhérents indépendants tend d'ailleurs à se réduire.
Y a-t-il chez Alliance Automotive une émulation entre filiales et indépendants ?
Oui, et c'est sain puisque cette émulation permet aux filiales de se maintenir sous pression. Pour les filiales des groupes intégrés, le risque est de s'alourdir ou de s'embourgeoiser, ce qui n'est jamais bon. Je dis souvent que le plus important n'est pas d'être le leader au niveau national, mais d'être numéro un partout, localement. Nous devons donc garder cet esprit d'indépendants et veiller à ce que nos agences restent leaders dans leurs territoires respectifs.
Quels résultats les filiales ont-elles enregistrés sur le premier semestre 2021 ?
Le bilan est positif puisque nos résultats sont similaires à ceux de nos adhérents. Le plus difficile a été de s'adapter au stop & go permanent. Heureusement, nos équipes se sont montrées extrêmement réactives et agiles. Ce qui n'a pas été facile puisque l'activité s'est révélée très inégale selon nos zones géographiques. Nous avons ainsi été plus impactés par la crise en région parisienne, dans le Nord et sur la côte méditerranéenne que sur le reste du territoire. Au global, nous avons réussi malgré tout à maintenir nos parts de marché.
Un mot sur la commercialisation de Napa : les derniers résultats enregistrés par la marque sont-ils conformes à vos attentes ?
Le déploiement de la marque a démarré dès 2019 avec un franc succès. Napa est un véritable vecteur de croissance désormais. Les filiales ont d'ailleurs été précurseurs sur ce sujet. Les résultats se sont rapidement montrés à la hauteur de nos attentes et les indépendants ont donc rapidement suivi le pas.
Le déploiement de la marque a débuté par les kits de distribution avec lesquels nous avions quelques difficultés et Napa nous a aidés à reprendre des parts de marché. La marque nous a même permis de retrouver une certaine dynamique avec notre fournisseur premium, en l'occurrence le groupe Gates. Le succès a aussi été au rendez-vous avec la gamme batteries. Aujourd'hui, Napa est un véritable atout qui nous permet, en outre, de conquérir des garagistes indépendants.
Quels autres leviers privilégiez-vous pour poursuivre votre croissance ?
Nous travaillons beaucoup sur le développement continu de nos réseaux (Top Garage, Pré-cisium Garage, Garage Premier et Garage & Co). Mais installer de nouveaux panneaux ne suffit pas : il faut s'assurer de la fidélité de nos clients réparateurs. Notre autre levier de crois-sance, c'est la pièce technique. Le groupe dispose probablement de la plus belle offre dans ce domaine, aussi bien dans l'injection, le turbocompresseur ou encore la vanne EGR. Nous nous appuyons à cette fin sur notre filiale Préférence Technique (ex-Le Hello), leader dans la distribution de pièces neuves et remanufacturées. Au-delà de la pièce technique, nous avons également mis l'accent sur la pièce de carrosserie, grâce à notre plateforme SAS, et la pièce de réemploi, avec notre business unit Back2Car. En parallèle, nous entendons renforcer notre maillage dans les zones où notre couverture peut être optimisée, notamment dans le Sud. Le groupe a d'ailleurs réalisé l'acquisition, le 1er juillet 2021, de notre adhérent Partner's Rapid Auto. Cette reprise nous permet de relier l'axe rhodanien avec le centre du pays.
Un dernier mot sur votre nomination au conseil d'administration de la Feda. Quelles actions souhaitez-vous y mener à bien ?
C'est un peu tôt pour le dire puisque je suis le "petit nouveau" du conseil d'administration. D'autant que je suis arrivé dans ce secteur de la pièce de rechange depuis deux ans seulement. Je reste malgré tout très attaché à cette philosophie de l'indépendance pour préserver un équilibre sain vis-à-vis des constructeurs et offrir une véritable alternative à nos clients. Je m'associerai donc, à ma juste mesure, à tous les combats de la Feda. Comme celui sur les ZFE, dont le déploiement me semble effectivement précipité, ou l'ouverture du monopole des pièces captives. Dans un marché où les technologies évoluent très rapidement, il me paraît également utile aussi d'accompagner ce mouvement de l'hybridation et de l'électrification. À ce sujet, il est important de contribuer au développement de l'attractivité de la filière. Nos métiers manuels extrêmement qualifiés sont, trop souvent encore, mal perçus et il me paraît indispensable de les revaloriser auprès des jeunes.