Y a de la vie chez Pavi Ouest !
Voir un distributeur indépendant lancer sa propre plateforme est toujours un événement. En France, dans un marché qui cultive pourtant un goût certain pour le « plateformisme », les exemples de ce type sont assez rares. Automax, à Marseille, dans les années 2000 (repris depuis par ACR), Automax NordEst, à Thionville, depuis 2011, toutes deux côté Autodistribution, Pavi, à Lyon, depuis 2014… Les initiatives de ce type ne sont pas légion. Pourquoi cela ? Entre le coût, le risque et le fait qu'il ne s'agisse pas totalement du même métier, les explications sont nombreuses. Toutes ces données, Pierre Ragues, directeur général d'un groupe familial fondé en 1950 par son grand-père René et développé pendant plusieurs décennies par son père Marcel, les connaît bien. Le lancement de Pavi Ouest n'a rien d'une lubie et résulte d'une conjonction de facteurs amenant à dire "qu'il fallait y aller".
Entre le développement de l'adhérent Groupauto, qui compte 13 points de vente en Normandie et en Bretagne (pour 270 salariés et un CA d'environ 50 millions d'euros), l'absence totale de concurrence sur le territoire caennais, et le soutien sans faille du groupement d'Alliance Automotive, tous les signaux étaient au vert. Et c'est ainsi que, fin 2020, la plateforme a ouvert ses portes après un sérieux coup de peinture (et même bien plus).
Pour concrétiser son projet, le distributeur a opté pour un vaste site localisé en banlieue de Caen, à Giberville (14). Particulièrement vétuste, l'entrepôt a pour principale vertu de se trouver aux portes de l'A13 et à quelques encablures de l'A84. Entièrement refaite à neuf (du sol au plafond), Pavi Ouest s'étend sur 8 000 m² au sol et dispose d'une mezzanine de 3 000 m². Un sacré volume – "plus que ce qu'on avait imaginé au départ", souffle le directeur général – pour un entrepôt qui, bien qu'opérationnel, n'en reste pas moins en phase de lancement encore aujourd'hui.
Un conseiller très spécial…
Prudence étant mère de raison, le distributeur a choisi d'avancer ses pions sagement. “On veut grandir progressivement, sans se brûler les ailes, confirme Pierre Ragues. Mois après mois, on rentre de nouveaux fournisseurs et de nouvelles familles, mais on le fait à notre rythme. En rentrant trop de nouvelles références d'un coup, on déstabiliserait nos magasins et il faudrait avoir beaucoup plus de collaborateurs. Or, on veut que Pavi Ouest reste un projet qui a du sens."
N'allez pas croire toutefois que le groupe Ragues "la joue" frileux. Être prudent n'empêche pas d'être visionnaire. Ainsi, même encore un peu vide à certains endroits, la plateforme regorge de solutions et d'astuces qui feront assurément la différence plus tard. Exemples : un comptoir a été installé, même si aucune vente n'est réalisée par ce biais ; des sas de nuit, pour les réapprovisionnements comme pour les expéditions, ont déjà été aménagés ; en dépit de la place actuelle, les rayons ont été agencés comme si le site était plein ; un convoyeur a été installé, passant du haut vers le bas, tournicotant sur plusieurs mètres entre des rayonnages pour arriver à la zone de préparation. Toutes ces innovations ne doivent rien au hasard. Pierre Ragues est allé visiter d'autres plateformes avant d'imaginer la sienne. Il a aussi pu compter sur un conseiller de choix.
Ex-patron de PAP, à Gennevilliers, et figure bien connue du milieu de la rechange, Alain Gouhier est ainsi sorti de sa retraite pour aider l'entreprise normande dans son projet. En se baladant dans les allées, on reconnaît d'ailleurs très vite la "patte Gouhier" avec ses casiers de différentes tailles, adaptées à tel ou tel produit, cette façon d'optimiser la place jusqu'au moindre millimètre ou encore, on y revient, à ce sens de l'anticipation. Ceux qui ont visité PAP dans le passé s'y retrouveront chez Pavi Ouest.
En faire un outil de conquête
Aujourd'hui, la plateforme stocke 18 500 références (d'une valeur de 4 millions d'euros), mais le potentiel semble bien plus grand. Pierre Ragues se refuse à la moindre projection, trop complexe, mais estime que sa société devrait rapidement atteindre les 15 à 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. Des données qui ne disent pas tout.
Tout l'enjeu est de voir là-dedans combien on fera en dehors du groupe Ragues. Bien sûr que cette plateforme doit servir nos intérêts, on va pouvoir notamment optimiser le stock de chaque point de vente. Mais elle doit aussi nous aider à conquérir de nouveaux clients. Pour nous, l'enjeu, c'est de voir les distributeurs et les jobbers locaux avoir progressivement le réflexe plateforme et commander leurs pièces chez nous.
Dans cette quête, le dirigeant peut compter sur un autre soutien. Si les Ragues ont écouté Alain Gouhier pour monter leur projet, ils se sont également inspirés de la famille Durand, leurs homologues lyonnais, à qui ils ont donc emprunté leur nom. "On s'entend très bien avec Yves et Ronald, avec qui j'échange beaucoup, et c'est un joli clin d'œil d'avoir baptisé notre plateforme comme la leur. Plus que ça, Pavi s'est également construit une belle réputation ces dernières années", souligne Pierre Ragues. Un même patronyme, mais aussi une stratégie similaire.
Comme sa consœur lyonnaise, Pavi Ouest reste une structure indépendante, mais sert les intérêts locaux d'AAG. Elle se retrouve ainsi au même niveau que les plateformes régionales Préférence, tout en demeurant entre les mains du distributeur normand. Bien construite, bien pensée, bien développée, la plateforme du groupe Ragues est un très bel outil et il n'appartient qu'à ses propriétaires d'en tirer à présent le meilleur des profits.