Contrôle technique des deux-roues dès le 1er octobre 2022 ? Pas si sûr…
"La mise en place du contrôle technique des « deux-roues » ne peut être décalée au-delà du 1er octobre 2022." C’est par ces mots que le Conseil d’État résume, ce mardi 17 mai, sa décision. Après avoir été saisie par plusieurs associations contestant la date d’entrée en vigueur du contrôle technique des deux-roues motorisés, fixée au 1er janvier 2023 par le décret du 9 août 2021, suspendu depuis, l’instance a décidé d’avancer cette date.
Rappelons que la directive européenne de 2014 prévoyait initialement une mise en place au 1er janvier 2022 du contrôle technique des deux-roues, et plus largement des véhicules de catégorie L (regroupant aussi les trois-roues, quadricycles de type quads et véhicules sans permis). Nos voisins, comme l’Italie ou l’Allemagne, l’ont déjà instauré. Pour la France, le décret indiquait la date du 1er janvier 2023, mais a été suspendu dès le lendemain de sa publication au Journal Officiel par le président Emmanuel Macron.
Le Conseil d’État critique l’inactivité du gouvernement
Il y a quelques semaines, Karine Bonnet, directrice générale de Dekra Automotive, supposait que cette date ne pourrait pas être tenue de toute façon : "Il y a extrêmement peu de chances que cela se produise. La France doit prouver à l'Europe qu'elle peut réduire l'accidentologie et la mortalité sur les routes par d'autres moyens, comme la prévention, l'éducation ou les radars pour détecter les nuisances sonores, par exemple. Et il faut maintenant un retour d'expérience, car ces actions sont récentes. Il y aura des expertises, des contre-expertises…"
Sur ce point là, le juge des référés a noté "que le Gouvernement n’a pas mis en œuvre de mesures de sécurité alternatives qui pourraient, en vertu du droit européen, justifier d’y déroger, puisqu’il s’est borné à annoncer le projet de telles mesures, d’effet d’ailleurs plus ou moins direct." Et a estimé que la date prévisionnelle du 1er janvier 2023 pour mettre en place le contrôle technique des deux-roues était "trop tardive". Le communiqué du Conseil d’État précise : "Le juge estime, que compte tenu du délai nécessaire pour la mise en œuvre matérielle du contrôle technique, un report d’entrée en vigueur, pour les véhicules les plus anciens, au-delà du 1er octobre 2022, n’est pas justifié. Pour ces raisons, il suspend aujourd’hui le calendrier décidé par le gouvernement."
"Il est excessivement urgent d’attendre"
Contacté cet après-midi, Bernard Bourrier, PDG d’Autovision, s’est montré prudent : "Il s’agit d’une décision en référé, à caractère d’urgence et qui doit être confirmée." Il remarque également que cette décision modifie certes le décret du 9 août, mais que celui-ci a été suspendu par l’exécutif. Un exécutif qui manque actuellement de membres, le nouveau gouvernement n’ayant pas encore été formé. "Avec les élections législatives, nous allons certainement devoir encore attendre", poursuit le PDG d’Autovison. Ce dernier préfère donc se montre prudent : "Pour l’instant, il est excessivement urgent d’attendre. Tout peut arriver. Mais personne n’est capable de monter un réseau opérationnel pour le contrôle technique des deux-roues d’ici le 1er octobre."
Miguel Paulic, directeur communication et événementiel de SGS France, va dans le même sens : "C’est un pavé jeté dans la mare. Il faut maintenant attendre la réaction du futur gouvernement. Nous avons commencé à travailler le sujet, car nous avons vocation à répondre favorablement à la mise en place du contrôle technique des deux-roues. Mais sa mise en place au 1er octobre serait très étonnante. C’est compliqué niveau organisation. Qui va effectuer ces contrôles ? Déjà que nous avons des tensions sur les effectifs…"
Pour Karine Bonnet, "c’est un débat de timing". Comme tout le monde, la directrice générale de Dekra remarque que ce jugement en référé ne change pour l’instant pas la donne, car le décret n’est pas entré en application. "Nous ne serons jamais prêts le 1er octobre, reconnait-elle. Il faut que le ministère des transports définisse le protocole, tous les points à contrôler sur ces véhicules… Des éléments dont la réflexion a été suspendue en août dernier, il faudra donc la reprendre. Il faudra aussi que les centres s’équipent, que les contrôleurs soient formés, que les réseaux puissent effectuer tous les développements informatiques nécessaires…". Karine Bonnet juge que cette décision est "une bonne nouvelle, car cela montre que le Conseil d’Etat a écouté les associations qui militent pour la sécurité et contre les émissions polluantes et sonores, et reconnait la contribution du contrôle technique sur ce volet-là." Mais elle le martèle : "Ce délai est inconcevable, cela mettrait en péril le métier lui-même."