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Vente de VO : une carte gagnante pour les ateliers

Publié le 3 octobre 2025
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Par Nicolas Girault
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6 min de lecture
Le véhicule d'occasion n'est plus seulement un service complémentaire : il devient un axe de développement prioritaire pour les garagistes. Activité exigeante mais porteuse, elle constitue aujourd'hui un levier de croissance sur lequel les réseaux indépendants misent de plus en plus.
Stock VO AAG
La vente de véhicules d'occasion et "zéro kilomètre" garantit aux garagistes des retombées atelier grâce à leur entretien. ©AAG

Le marché automobile français connaît un basculement structurel. Alors que les immatriculations de véhicules neufs peinent à retrouver leur niveau d'avant-crise, l'occasion s'impose comme le moteur principal des transactions. L'éditeur AAA Data identifie un vrai virage depuis 2020, avec une chute drastique des immatriculations VN de 25 % contre seulement 3 % pour les VO lors de cet exercice. Inflation du neuf, incertitudes autour des motorisations électriques, allongement de la durée de détention : autant de facteurs qui expliquent le succès grandissant des véhicules de seconde main.

Un marché qui se complexifie

Une tendance qui ouvre de nouvelles perspectives, y compris pour les garages indépendants. Face aux concessionnaires et aux négociants spécialisés, ceux-ci ont une véritable carte à jouer. Une conviction relayée par les têtes de réseaux, qui estiment que les réparateurs disposent de solides arguments pour reprendre pied sur un secteur toujours porteur. "Il existe une demande croissante de VO. C'est une chance pour les garagistes de regagner ce terrain, comme les carrossiers pourraient le faire sur le vitrage… Le boom des ventes entre particuliers et sur Internet est une véritable opportunité pour les MRA", affirme David Le Merrer, directeur des réseaux mécaniques d'Alliance Automotive Group (AAG).

Volumes VO 2025 par région

Sur les 2,7 millions de VO vendus en France au premier semestre 2025, plus de 35 % d'entre eux l'ont été par des professionnels.

Historiquement, les ateliers indépendants – en particulier les mécaniciens – ont toujours accompagné leurs clients dans leur changement de véhicule. Le plus souvent, ils reprenaient un modèle pour le remettre en état avant de le revendre. Qu'il soit occasionnel ou régulier, le VO leur permet de renforcer leurs liens avec la clientèle locale. C'est à la fois un outil de fidélisation et un levier de conquête. Mais cette activité se distingue clairement du travail d'atelier et exige des moyens spécifiques. D'autant plus que les MRA spécialisés de longue date ont vu le métier se complexifier avec le temps. Beaucoup de confrères s'en sont donc détournés ou s'y consacrent ponctuellement, au "coup par coup", pour dépanner leurs clients.

En parallèle, les dernières années ont vu la spécialisation croissante des revendeurs de VO. Ces acteurs ont investi dans des outils digitaux, de nouvelles sources d'approvisionnement et des centres de reconditionnement industrialisés (Aramisauto, Autosphere, etc.). Les réseaux constructeurs n'ont, évidemment, jamais lâché le terrain et poursuivent leurs efforts, à l'image de Stellantis avec son label Spoticar ou Renault avec Renew.

Des habitudes qui changent aussi

L'offre elle-même évolue, portée par la transition énergétique et l'essor des motorisations hybrides et électriques. Les clients, eux, ont adopté de nouveaux réflexes, particulièrement depuis la Covid, en comparant systématiquement les prix sur Internet (Leboncoin.fr revendique 100 millions de consultations mensuelles). Pourtant, l'ancrage local des garagistes reste un avantage, notamment lorsque les automobilistes sont confrontés à des défaillances techniques de grande ampleur, à l'image des problèmes du moteur PureTech ou des airbags Takata.

LE VO EN CHIFFRES

6,4 ANS ÂGE MOYEN DES VO VENDUS PAR LES PROFESSIONNELS

29 990 EUROS PRIX MOYEN D'UN VO DE 0 À 2 ANS

11 490 EUROS PRIX MOYEN D'UN VO DE 8 À 15 ANS

75 % PART DES TRANSACTIONS VO EN LIGNE (PARTICULIERS ET PROFESSIONNELS)

"Les sites d'annonces fonctionnent bien, mais les clients n'ont aucune visibilité réelle sur le véhicule ni sur son diagnostic. En passant par nos garagistes, ils savent que le VO est passé au contrôle sur pont", souligne David Le Merrer. Un argument qui permet de vendre à la fois localement, à des prix attractifs, et à distance grâce au web. Les critères des acheteurs évoluent également : le kilométrage prend davantage d'importance, tandis que la préférence entre diesel et essence reste cyclique. L'intérêt pour les véhicules électriques et hybrides neufs progresse, mais l'offre reste marginale en zone rurale et quasi inexistante sur le marché de la seconde main.

Des marges encore attractives

Si les ventes de VO se portent bien, elles se partagent entre particuliers et professionnels, ces derniers gagnant du terrain. Les véhicules les plus anciens, souvent âgés d'une dizaine d'années, se négocient surtout entre particuliers. "Les modèles plus jeunes, âgés jusqu'à 7 ou 8 ans, sont plutôt vendus par les professionnels", confirme Eddy Albert, responsable national des garages AD.

Au-delà, leur valeur couvre mal les frais de remise en état, rognant fortement les marges. Pour autant, la rentabilité reste au rendez-vous. Selon Olivier Flavier, vice-président mobilité de Leboncoin, interrogé par le Journal de l'Automobile, les revendeurs conservent des marges positives sur toutes les motorisations, sauf sur l'électrique. En juin 2025, la marge brute moyenne atteignait environ 2 900 euros sur le diesel et 2 600 euros sur les hybrides. Les modèles essence affichaient 2 270 euros en moyenne, soit un recul de 9 %. En revanche, les véhicules électriques généraient une marge négative de - 506 euros. À cette dernière exception près et malgré les difficultés exposées plus haut, le VO demeure un commerce attractif : un réparateur structuré y dégage des marges souvent supérieures à celles d'une heure de main-d'œuvre, de pièces ou de peinture, tout en générant du trafic atelier.

Il existe une demande croissante de VODavid Le Merrer, directeur des réseaux mécaniques d'AAG

En effet, la vente de voitures d'occasion produit un effet boule de neige dans les ateliers. Après l'achat, les clients reviennent pour l'entretien courant, voire pour des réparations de carrosserie. Quelques années plus tard, ils peuvent revenir remplacer le véhicule par un autre VO ou même un VN. "Quand vous vendez une voiture, vous vous garantissez au minimum une entrée atelier dans l'année pour l'entretien, soit environ 300 euros. En en vendant 100, cela représente 30 000 euros de chiffre d'affaires supplémentaire", met en avant Eddy Albert. Sans compter les véhicules vendus avec contrat d'entretien inclus.

Des outils et services pour booster le VO

David Le Merrer confirme l'enjeu stratégique de ce business pour les ateliers. "Les petits faiseurs, qui écoulent 5 à 6 voitures par mois, récupèrent 80 à 100 % de l'entretien car leurs clients leur font confiance. Les gros acteurs, eux, n'en captent que 50 à 60 %, car ils vendent aussi en ligne et souvent plus loin", observe-t-il. C'est un constat fait par le réseau Norauto il y a quelques années. Après s'être rapprochée en 2019 du concessionnaire GGP Automobiles, l'enseigne de centres autos a noué, début 2025, un partenariat avec WeeCars, plateforme de vente de VO entre particuliers. "Nous avons choisi Norauto parce que chaque client peut trouver un centre à moins de 15 minutes en moyenne", explique Romain Barreau, président-fondateur de WeeCars.

Les franchisés bénéficieront d'un SAV à tarifs négociés, notamment pour la garantie de conformité de 12 mois. En 2024, 7 000 acheteurs ont été accompagnés, et l'enseigne vise 10 000 clients supplémentaires en 2025, avec un objectif de 30 000 ventes à terme. Cette dynamique incite les réseaux de MRA à promouvoir l'activité de négoce de VO auprès de leurs adhérents. Ceux-ci multiplient les outils pour leur donner les moyens de s'imposer sur ce marché concurrentiel. Ainsi, dès 2021, Technicar Services (Alternative Autoparts) a intégré la vente de véhicules neufs et d'occasion sur les sites personnalisés de ses garages. Alliance Automotive Group (AAG) s'est aussi illustré en 2020 avec son programme ShowVroom, qui fédère différentes sources d'approvisionnement et des services associés (financement, garanties, etc.), accessibles à l'ensemble de ses réseaux (Precisium, Top Garage, etc.).

Le sourcing, la clé du développement

Ce support est d'autant plus indispensable que le traditionnel rachat de véhicules auprès des clients ne suffit plus pour garantir un sourcing adapté aux besoins du marché. Les réparateurs doivent désormais s'approvisionner auprès de mandataires (Aramisauto, Starterre…), d'enchères (Alcopa, BCAuto…), ou encore de loueurs longue durée (Arval…). Mais la fiabilité de ces acteurs n'est pas toujours garantie, comme l'a montré la faillite de Delta Car Trade en 2024 (voir ci-contre). D'où l'importance des accords négociés par les enseignes, qui sécurisent l'accès à un stock avec des conditions avantageuses.

AAG s'appuie ainsi sur la plateforme KeplerVO depuis 2022, permettant aux MRA de céder ou d'acquérir des véhicules. En parallèle, des distributeurs comme le groupe Ferron renforcent leur propre activité VO, via leur filiale Carlyss qui alimente les réparateurs en complément d'autres sources.

Quand vous vendez une voiture, vous vous garantissez au minimum une entrée atelier dans l'annéeEddy Albert, responsable national des garages AD

Autodistribution a, de son côté, développé depuis 2021 sa solution AD Occasion, avec une marketplace interne appuyée sur le négociant CarGroup. Les adhérents y trouvent des solutions de financement (LOA, crédit), de gestion, de DMS spécifiques, ainsi que des outils de revente locale et nationale. Plus récemment, le label AD Occasion a vu le jour, garantissant aux acheteurs des véhicules contrôlés, assortis de 12 mois de garantie et exempts d'entretien pendant 10 000 km. Le réseau dispose ainsi d'un stock de 1 500 à 2 000 véhicules, auxquels s'ajoutent ceux de ses partenaires.

Petits et grands faiseurs

Grâce à l'accompagnement de leur enseigne et aux nombreuses solutions mises à leur disposition, de plus en plus d'ateliers indépendants se laissent ainsi tenter. Chez AAG, entre un tiers et la moitié des 2 300 garages des enseignes vendent des véhicules. "Le réparateur moyen de nos réseaux vend 15 à 30 VO par an, avec 1 à 3 voitures en stock. Mais les gros faiseurs disposent de 50 à 60 modèles et en écoulent 20 à 30 par mois", détaille David Le Merrer. Quelques adhérents en ont même fait leur cœur d'activité.

Même constat chez AD, où quelques adhérents ont su faire de ce business un important levier de croissance. "Si l'activité est inégale selon les garages, nous comptons environ 150 gros faiseurs pour lesquels le VO n'est plus une activité annexe", précise Eddy Albert. À côté, 25 à 30 % du réseau vend entre 15 et 150 véhicules par an. Et quasiment tous sont sollicités une à deux fois par an par des clients à la recherche d'un VO. "Environ 60 000 transactions sont réalisées chaque année par nos réparateurs", chiffre le responsable.

Au final, chaque réseau compte une poignée de spécialistes ayant fait du VO leur pilier. Mais ni AAG ni AD n'ont encore converti l'ensemble de leurs adhérents à cette pratique. Or, les têtes de réseaux en sont convaincues : développer la vente de VO constitue une orientation stratégique, offrant aux garages à la fois des relais de croissance et un moyen de s'adapter aux transformations du marché, notamment la transition énergétique.

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